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Est-il possible d’utiliser à des fins disciplinaires des images issues d’un dispositif de vidéosurveillance ayant pour finalité d’assurer la sécurité des personnes et des biens ?
Cass. soc., 21 mai 2025 (n°22-19.925)
Un salarié, opérateur de sûreté affecté dans un aéroport, est chargé du contrôle des bagages lors de leur passage au rayon X.
Il est licencié pour faute grave pour ne pas avoir contrôlé le bagage cabine d’un passager, en violation des procédures en vigueur.
Pour justifier son licenciement, dont la validité était contestée devant la juridiction prud’homale, l’employeur produit des images issues de la vidéosurveillance de l’aéroport, montrant le salarié en train de discuter avec un passager pendant le passage des bagages.
Le salarié conteste la recevabilité des preuves tirées de l’exploitation des images. Il soutient que le dispositif de surveillance, initialement mis en place pour assurer la sécurité des personnes et des biens, a été utilisé à des fins disciplinaires, sans respect des garanties prévues par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
La Cour d’appel rejette l’argumentaire du salarié. Elle considère que le système de vidéo-surveillance a fait l’objet de déclarations successives à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qu’il n’a pas été mis en place à son insu, qu’il ne visait pas à contrôler son activité, et que le salarié avait été informé de l’existence de ce dispositif. Elle juge le licenciement justifié et déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes. Il forme alors un pourvoi en Cassation.
Pour apprécier la recevabilité de la preuve, la Cour de cassation rappelle les exigences du RGPD, et notamment que :
En l’occurrence, elle relève que l’ensemble des obligations posées par le RGPD et par la CNIL sont respectées par l’employeur, que les représentants du personnel ont été informés et que le salarié a été informé des finalités du dispositif de contrôle, ainsi que de son droit d’accès aux enregistrements le concernant.
Elle en conclut donc que les moyens de preuves étaient recevables et rejette le pourvoi formé par le salarié.
La Cour de cassation a considéré dans un autre arrêt que l’exploitation des fichiers de journalisation des adresses IP de salariés constitue une preuve illicite, l’employeur ayant traité les données sans le consentement de l’intéressé et pour une finalité différente de celle pour laquelle elles avaient été collectées (Cass. soc., 9 avril 2025, n°23-13.159), voir : Actu Tendance n° 771 | Actance et Vous
Une divergence d’analyse au sujet de la qualification pénale des faits dénoncés peut-elle caractériser la mauvaise foi du lanceur d’alerte ?
Cass. soc., 6 mai 2025 (n°23-15.641)
Rappel :
L’article L. 1132-3-3 du Code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1691, dispose qu’« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié (...) pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ».
En l’espèce, un salarié est engagé en qualité de vérificateur risques industriels dans une société d'assurance. Au cours de la relation de travail, il adresse deux signalements à l’Agence française anticorruption concernant des faits susceptibles d’être qualifiés pénalement de fraude fiscale et d’abus de bien social.
Le salarié est licencié pour faute lourde pour avoir abusé sciemment du statut et des prérogatives de lanceur d’alerte en instrumentalisant des informations confidentielles auxquelles il a eu accès dans l’exercice de ses fonctions, dans l’intention de nuire à l’entreprise et à ses représentants.
Il saisit la juridiction prud’homale pour faire juger la rupture de son contrat de travail comme nulle, considérant qu’elle est motivée par son signalement de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit.
La Cour d’appel fait droit à la demande de nullité du licenciement du salarié au motif que son licenciement est en partie fondé sur des faits pour lesquels il bénéficie de la protection de lanceur d’alerte. L’employeur se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation, après avoir rappelé le principe de protection du salarié lanceur d’alerte, confirme l’analyse de la Cour d’appel et juge que la mauvaise foi du salarié ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce.
Ce faisant, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence : le salarié qui relate ou témoigne des faits constituant un crime ou un délit dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ne peut pas être licencié pour ce motif sauf en cas de mauvaise foi.
Or la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits signalés et non de la seule circonstance selon laquelle les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 15 février 2023, n°21-20.342)
Un délégué syndical peut-il dénoncer un accord collectif conclu par le CSE lors du précédent cycle électoral et cette dénonciation est-elle soumise à la validation du CSE ?
TJ Quimper, 22 avril 2025, n°24/01984
En l’espèce, une unité économique et sociale (UES) conclut un accord de performance collective (APC) à durée indéterminée avec le CSE, en l’absence d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
Lors des élections professionnelles organisées pour le renouvellement du CSE, un délégué syndical est désigné. Par la suite, il dénonce l’accord de performance collective.
Face à l’opposition du CSE, la Direction considère que malgré cette dénonciation, l’accord continue de produire ses effets.
Le délégué syndical saisit le Tribunal pour faire produire les effets de la dénonciation.
L'employeur soutient que la dénonciation est irrégulière, estimant que la désignation du délégué syndical n'entraîne pas la disparition de l'accord signé par le CSE et que, par conséquent, la dénonciation doit être validée par lui.
En l’occurrence le Tribunal donne raison au délégué syndical.
La décision se fonde en premier lieu sur le fait que les organisations syndicales ont le monopole de la négociation pour assurer la défense des droits et intérêts des travailleurs
Le Tribunal se réfère ensuite à l’article L. 2232-16 du Code du travail qui dispose que “La convention ou les accords d'entreprise sont négociés entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise” et prévoit l’application de ces dispositions à la révision et à la dénonciation de la convention ou de l'accord qu'elles qu'aient été ses modalités de négociation et de ratification.
Ainsi, en l’absence de délégué syndical, l’entreprise peut négocier avec le CSE. En revanche, dès lors qu'un délégué syndical est ultérieurement désigné, les négociations doivent être menées avec lui.
Le juge se fonde ensuite sur l’article L. 2261-9 du Code du travail selon lequel “La convention et l'accord à durée indéterminée peuvent être dénoncés par les parties signataires” et estime que ces dispositions doivent être interprétées d’après les textes fondamentaux et l’article L. 2232-16 du Code du travail.
Il en déduit que le délégué syndical peut dénoncer l’accord de performance collective conclu précédemment avec le CSE, lors du cycle électoral antérieur.
Enfin, le juge précise que la dénonciation n'a pas à être validée par le CSE, dans la mesure où aucun texte ne subordonne la dénonciation par le délégué syndical à l’accord du signataire initial.
L’employeur doit-il notifier par écrit au salarié, dont l’état de santé empêche tout maintien dans un emploi, les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement ?
Rappel : L’article L.1226-2-1 du Code du travail prévoit que
« lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Dans cette affaire, une salariée avait été reconnue inapte à son poste par la médecine du travail qui avait indiqué que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
L’employeur a ainsi procédé à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée a contesté son licenciement devant le Conseil de prud’hommes en considérant que l’employeur avait manqué à ses obligations en s’abstenant de l’informer préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement des motifs s’opposant à son reclassement.
Par un attendu de principe, la Cour de cassation rejette la demande de la salariée en considérant que l'avis d'inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l'état de santé de la salariée, et que, par conséquent, la cour d'appel en a exactement déduit que, d'une part, l'employeur n'était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en œuvre de la procédure de licenciement, les motifs s'opposant au reclassement, d'autre part qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave d’un salarié est-il valable dans le cas où l’employeur n’aurait pas engagé la procédure dans un délai restreint ?
Dans cette affaire, une salariée est licenciée pour faute grave le 21 novembre 2019 pour des faits dont l’employeur a eu connaissance le 11 octobre 2019, soit près d’un mois et demi plus tard.
La salariée contestait son licenciement en considérant que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue puisque l’employeur n’avait pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint, ce qui excluait la faute grave.
Les juges du fond ont débouté la salariée de sa demande en considérant que les griefs étaient établis et justifiaient une faute grave, sans étudier l’argument procédural de la salariée.
Après avoir rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et que la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des griefs, la Cour de cassation casse la décision d’appel par un attendu de principe :
« Sans rechercher, comme elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint après la constatation par l'employeur des faits imputés à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »
Par cet arrêt, la Cour de cassation précise que l’employeur doit rapidement engager la procédure disciplinaire dès qu’il a connaissance des faits fautifs, sous peine de voir la faute grave écartée et que le délai restreint est une notion qui dépend des circonstances de faits.
Auparavant, la Cour de cassation considérait déjà que la faute grave ne peut être retenue lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 2 mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (Cass. soc., 22 janvier 2020 n°18-18.530) ou plus de 3 semaines après la connaissance des faits (Cass. soc., 23 octobre 2012 n°11-23.861).
Note : l’engagement tardif de la procédure peut être validé par les juges lorsqu’il est établi qu’un délai a été nécessaire après révélation de la faute commise par le salarié notamment pour s’assurer de l’existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité (Cass. soc., 12 octobre 1983 n°81-40.703 ; Cass. soc., 10 mars 1993 n°91-44.504).
Lorsqu’un conflit de désignation de représentants de section syndicale oppose deux syndicats affiliés à une même union syndicale, cette dernière peut-elle procéder elle-même à la désignation du représentant ?
Rappel : Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement d’au moins 50 salariés, peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de section syndicale (RSS) pour le représenter (C. trav. art. L 2142-1-1).
Dans cette affaire, au sein d’un établissement de la société Amazon, la Fédération SUD commerces et services-Solidaires, affiliée à l’Union syndicale Solidaires, a désigné un RSS.
Quelques jours plus tard, l’Union syndicale Solidaires, à la demande du syndicat local SUD Amazon, a procédé à la désignation d’un autre RSS au sein du même établissement.
La Fédération a saisi le tribunal judiciaire d’une action dirigée contre l’Union syndicale Solidaires et la société aux fins d’annulation de cette seconde désignation en soutenant :
Les juges du fond ont rejeté ces arguments et la demande d’annulation.
La Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond en se référant aux statuts aux termes desquels : « l’Union syndicale Solidaires s’interdit d’intervenir, sauf demande expresse des organisations concernées, dans le champ de compétence propre des organisations adhérentes ».
La Cour de cassation estime ainsi que ces dispositions statutaires permettaient au seul syndicat SUD Amazon de saisir l’Union syndicale à laquelle il était affilié afin de trancher le conflit de désignation.
Rappel :
La validité des forfaits en jours sur l’année est soumise d’une part à l’accord individuel des salariés matérialisé par la signature de conventions individuelles de forfait en jours sur l’année, lesquelles reposent d’autre part sur la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche, qui détermine notamment les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail des salariés concernés (C. trav. art. L 3121-63 et L 3121-64)
La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation s’est attachée depuis 2011 à définir les garanties que devait apporter cet accord collectif : garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Cass. soc., 29 juin 2011, n°09-71.107 ou Cass. soc., 5 juil. 2023, n°21-23.387), caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail ou encore bonne répartition du travail dans le temps (Cass. soc., 17 janv. 2018, n°16-15.124). Ces garanties passent par l’organisation d’un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
La révision de l’accord collectif relatif aux forfaits jours intervenue avant le 9 août 2016 nécessite-t-elle la conclusion d’une nouvelle convention individuelle de forfait pour être opposable au salarié ?
Dans cette affaire, un salarié embauché en octobre 1993 était soumis à une convention de forfait jours conclue le 20 mars 2013 en application d’un accord collectif du 21 décembre 1999. Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.
Le salarié contestait la validité de sa convention de forfait, au motif que l’accord collectif avait été adapté et révisé par un avenant du 19 avril 2013 afin de se conformer aux exigences jurisprudentielles relatives au suivi de la charge de travail. Or, cette révision était intervenue un mois après la signature de sa convention de forfait en jours, sans qu’une nouvelle convention ou un nouvel avenant ne lui ait été proposé. Le salarié soutenait ainsi que la validité de son forfait jours ne pouvait pas être analysée au regard des dispositions de l’accord révisé postérieurement à la conclusion de la convention de forfait.
Les juges du fond ont validé la convention de forfait au motif que l’avenant de 2013, bien que postérieur à la signature de la convention individuelle, répondait aux dispositions légales issues de la loi Travail du 8 août 2016.
La Cour de cassation casse la décision d’appel par un attendu de principe : « A défaut de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait en jours postérieurement à la date de l'entrée en vigueur de l'avenant à un accord collectif, l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de ce texte postérieurement à cette date, en sorte que la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions conventionnelles antérieures à cet avenant, est nulle ».
Cet arrêt est une confirmation d’un arrêt précédent du 16 octobre 2019 dans lequel la Cour de cassation avait jugé que les dispositions d’un avenant à un accord de branche, conclu en 2014 et étendu le 1er avril 2016, ne pouvaient pas s’appliquer à une convention de forfait signée en 2011, sans qu’une nouvelle convention de forfait ne soit conclue avec le salarié (Cass. soc., 16 oct. 2019, n°18-16.539).
Note : Lors de la réforme issue de la loi du 8 août 2016, un mécanisme de sécurisation des conventions individuelles de forfait a été prévu afin de garantir le fait que l’employeur, tenu de conclure un nouvel accord collectif respectant notamment les garanties en matière de suivi de la charge de travail, n’aurait pas à conclure de nouvelles conventions de forfait avec tous les salariés concernés. Ainsi, en application de cette jurisprudence, il conviendrait d’opérer une distinction selon que le nouvel accord collectif est conclu avant ou à partir du 9 août 2016, date d’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 :
La question se pose tout de même dans le premier des deux cas lorsque la modification apportée par l’avenant à l’accord collectif est minime sur le mécanisme général du forfait jours dans l’entreprise.
Rappel : La loi du 22 avril 2024 (n°2024-364) a modifié sensiblement les règles en matière d’acquisition de congés payés lors des arrêts maladie afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union Européenne.
A ce sujet, la loi a distingué deux régimes selon que les arrêts maladie ont une origine professionnelle ou non-professionnelle, en supprimant notamment la limite d’1 an pour l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Outre le nombre de jours de congés payés acquis qui diffère, les règles de rétroactivité sur lesquelles bon nombre de directions RH/juridiques/paie se sont arrachées les cheveux, sont également différentes selon la nature de l’arrêt maladie.
Dans cette affaire, une salariée avait été placée en arrêt de travail de décembre 2016 à janvier 2023 puis licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement le 16 février 2023.
Elle saisit la juridiction prud’homale formant notamment une demande de rappel de congés payés pour la période de 2018 à son licenciement.
A l’occasion de ce contentieux, la salariée forme une QPC transmise à la Cour de cassation par le Conseil de prud’hommes de Béthune, ainsi rédigée : « les dispositions de l’article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 et les arrêts du 13 septembre 2023 de la Cour de cassation sous les pourvois n° 22-17.340 à 22-17.342, 22-17.638, 22-10.529 et 22-11.106 portant sur le régime des congés payés sont contraires aux dispositions des articles 2, 4, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et de l’article 3 de la Constitution de 1958. » En d’autres termes, la salariée reproche au législateur d’avoir exclu le caractère rétroactif des nouvelles dispositions à la règle d’acquisition des congés payés au-delà d’un arrêt d’un an pour les arrêts maladie d’origine professionnelle.
La Cour de cassation déclare cette QPC irrecevable. Elle rappelle que si certaines des dispositions de la loi du 22 avril 2024 ont un effet rétroactif prévu de manière exprès, cela n’est pas le cas de cette modification législative.
De mêmes, les Hauts Magistrats relèvent que « Par ailleurs, si tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente, il n’existait pas, en l’état, d’interprétation jurisprudentielle constante relative à l’article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, les jurisprudences visées par la question ne portant pas sur cette disposition législative. »
En définitive, les juges adoptent une lecture littérale de la loi en considérant que la réforme intervenue en avril 2024, ne s’applique qu’aux arrêts postérieurs, sauf cas limitativement énumérés par la loi.
Rappel : Une entreprise ayant au moins 11 salariés sur 12 mois consécutifs est tenue d’organiser des élections professionnelles. La préparation des élections passe par la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP). L’objectif est d’aboutir à un accord portant notamment sur les modalités d’organisation des élections ainsi que sur la répartition des salariés et des sièges dans les collèges électoraux (C. trav., art. L. 2314-13, L. 2314-28).
En cas d’échec des négociations, l’employeur doit saisir l’administration afin qu’elle procède notamment à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges (C. trav., art. L. 2314-13).
Cette saisine de l’administration après l’échec de la négociation du PAP est-elle possible sans condition ou la négociation doit être avoir été menée loyalement ?
Dans cette affaire, un employeur lançait le processus électoral en informant les syndicats de l’entreprise (CFE-CGC, FP, CFDT, UNSA et CFTC) par lettre du 11 juillet 2023 de l’organisation des élections au comité social et économique de la société et en les invitant à négocier le PAP.
Le 17 août 2023, en l’absence d’accord, la société saisissait le Dreets afin qu’il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux. Le silence gardé par l’administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet.
En l’absence de réponse exprès du Dreets, la société formait une demande devant le tribunal judiciaire tendant à l’annulation de cette décision implicite et à la fixation de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux.
Le tribunal judiciaire confirmait la décision implicite de rejet de l’administration et renvoyait l’employeur à une nouvelle négociation du PAP, considérant que la précédente n’avait pas été menée loyalement par l’employeur.
La société conteste le jugement du tribunal devant la Cour de cassation, considérant que la négociation avait été menée loyalement. L’employeur avance les arguments suivants : il a bien invité les syndicats à négocier le PAP et deux réunions ont eu lieu. L’employeur reproche par ailleurs au juge d’avoir fait peser sur la Société la charge de la preuve de la loyauté dans la négociation.
La Cour de cassation ne retient pas les arguments de l’employeur. Elle estime que l’autorité administrative ne peut intervenir que lorsqu’un accord préélectoral n’a pu être conclu à l’issue d’une tentative loyale et sérieuse de négociation.
Mais l’intérêt de l’arrêt est double puisque les Hauts Magistrats s’attachent à identifier les éléments de la déloyauté dans la négociation menée par l’employeur et relevés par le tribunal en première instance. Ils retiennent tout d’abord que les deux réunions de négociation s’étaient tenues dans des « conditions délétères ». En outre, les juges considèrent que si l’employeur avait bien transmis le tableau des effectifs et le récapitulatif du calcul, il ne rapportait pas la preuve d’avoir négocié réellement sur les effectifs et les classifications des salariés.
En définitive, la Cour de cassation suit le tribunal dans son argumentation en ce qu’il a jugé que la décision de rejet implicite de l’autorité administrative devait être confirmée L’employeur est donc renvoyé à une nouvelle négociation du PAP, loyale cette fois.
Note : La Cour de cassation confirme ici une position adoptée dans un arrêt du 12 juillet 2022 (n°11-11.420), dans lequel le tribunal avait constaté que des éléments déterminants tels que les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n’avaient pas été communiqués aux organisations syndicales invitées à négocier le PAP malgré les demandes formulées à plusieurs reprises par ces dernières. En outre, les informations essentielles relatives aux effectifs n’avaient été actualisées que l’avant-veille de la dernière réunion de négociation. Le juge avait également relevé que la direction avait mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif que la réunion en cours devait être la dernière, demandant aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de PAP communiqué l’avant-veille et sans que celles-ci n’aient été en mesure de contrôler les effectifs. Pour la Cour de cassation, le tribunal a pu retenir que l’employeur avait manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du PAP.
Rappel :
L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ;
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge ;
Cette lettre indique l'objet de la convocation ;
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation (C. trav., art. L. 1232-2).
Comment gérer le report d'un entretien préalable à un éventuel licenciement en cas d'arrêt de travail d'un salarié ?
Dans cette affaire, une salariée, placée en arrêt maladie jusqu’au 16 novembre, est convoquée le 31 octobre à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 novembre. En raison de l’absence de la salariée liée à son arrêt maladie, l’entreprise décide de reporter l’entretien, par lettre du 24 novembre, à une date ultérieure qu’elle fixe au 30 novembre.
Estimant que la procédure de licenciement est irrégulière pour non-respect du délai de 5 jours ouvrables entre cette 2ème convocation et ce nouvel entretien, la salariée saisit le conseil de prud’hommes.
Par un arrêt du 21 mai 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation rejette l’argument de la salariée :
le report de l’entretien lié à un arrêt maladie ne contraint pas l’employeur à recommencer toute la procédure de licenciement :
« En cas de report de l'entretien préalable, en raison de l'état de santé du salarié, l'employeur est simplement tenu d'aviser, en temps utile et par tous moyens, celui-ci des nouvelles date et heure de cet entretien, le délai de 5 jours ouvrables courant à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre initiale de convocation ».
Or en l’espèce :
Ainsi, en cas de report pour raison de santé, le délai de 5 jours ouvrables n’aura pas de nouveau à être respecté si :
Note : La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’en cas de report de l’entretien à la demande du salarié, le délai minimal à respecter entre la convocation et l’entretien lui-même court à compter de la présentation ou de la remise de la lettre de convocation initiale et non pas à compter de la présentation ou de la remise de la lettre de la seconde convocation (Cass. soc., 24 novembre 2010, n°09-66.616).
Rappel : L’article L. 1233-66 du Code du travail impose aux employeurs non soumis à l’obligation de proposer le congé de reclassement de proposer, lors de l’entretien préalable ou à l’issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique. Lorsque le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), cette proposition est faite après la notification par l’autorité administrative de sa décision de validation ou d’homologation.
Que se passe-t-il dans l’hypothèse d’un PSE sans aucun licenciement contraint ?
La Cour de cassation précise, pour la première fois, que les dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle ne s’appliquent pas lorsque la rupture du contrat de travail résulte d’un accord de rupture amiable conclu dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui n’envisage aucun licenciement.
La Cour rappelle que, dans ce cas, il ne s’agit pas d’un licenciement économique, mais d’une résiliation amiable, bien que pour motif économique.
L’employeur n’est donc dans cette hypothèse pas tenu de proposer un CSP, cette obligation étant liée à la mise en œuvre d’un licenciement économique.
Rappel : Dans le cadre des élections au CSE, le Code du travail impose aux syndicats de composer leurs listes de candidats, par collège, d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (C. trav., art. L. 2314-30). La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la proportion de femmes et d’hommes dans le collège considéré entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats par rapport à la proportion de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (C. trav., art. L. 2314-32).
En est-il de même, lorsque ces règles ne sont plus respectées du fait du retrait d’une candidature après la date limite de dépôt des candidatures fixée par le protocole d’accord préélectoral ?
Dans cette affaire, dans le cadre des élections au CSE d’une société, le syndicat CGT transmet à l’employeur le 4 avril 2023 une liste de huit candidats, composée de cinq hommes et de trois femmes avec une alternance femmes-hommes. Toutefois, le 6 avril, après la date limite de dépôt des candidatures fixée par le PAP au 5 avril, une candidate, figurant en sixième position de cette liste, retire sa candidature. Au premier tour des élections, le syndicat CGT obtient six élus.
Le syndicat CFDT demande en justice l’annulation de l’élection du candidat figurant en sixième position de la liste de la CGT, au motif que cette liste ne respectait pas les règles de représentation proportionnée entre les hommes et les femmes fixées à l’article L. 2314-30 du code du travail.
Le tribunal juge la liste CGT irrégulière. Pour apprécier la régularité de la liste, les juges considèrent qu’il ne faut pas tenir compte de la liste déposée à la date limite de dépôt des candidatures, mais de la liste effectivement présentée aux électeurs par le syndicat.
Les juges constatent qu’après le retrait, le 6 avril 2023, de la candidature de la salariée sur la liste CGT, la liste ne comportait plus que cinq hommes et deux femmes alors qu’en application du principe d’arrondi, une liste complète pour huit postes devait comporter cinq hommes et trois femmes.
Il en résulte pour les juges qu’un homme étant en surnombre, l’élection du dernier élu du sexe surreprésenté de la liste est annulé.
La Cour de cassation censure le jugement du Tribunal judiciaire et vient valider le fait qu’un syndicat ayant déposé une liste de candidats en respectant les règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes et les règles de l’alternance édictées dans le protocole d’accord préélectoral, ne pouvait voir sa liste contestée après le retrait d’un candidat ne souhaitant plus y figurer.
Le Conseil d’Etat, en réponse à une demande d’avis de la Cour administrative d’appel de Nancy, a, le 16 mai, répondu à la question suivante : l’employeur doit-il consulter le CSE avant de demander l’autorisation administrative de licencier un salarié protégé au titre de sa candidature aux élections professionnelles ? Cette obligation ne figure plus dans le Code du travail depuis la recodification de 2008, mais cette dernière étant intervenue à droit constant, il était permis de considérer que cette exigence était toujours d’actualité. L’intervention des ordonnances nº 2017-1386 du 22 septembre 2017 et nº 2017-1718 du 20 décembre 2017, permettant d’assurer le passage au CSE, n’a par ailleurs pas été l’occasion pour le Gouvernement de rétablir formellement l’obligation de consultation du CSE lorsque le licenciement d’un candidat aux élections est envisagé.
Pour rappel :
Dans l’avis du 16 mai le rapporteur public précise que le maintien d’une telle fiction ne pouvait valoir que « tant que la règle réputée avoir été codifiée à droit constant n’est pas substantiellement modifiée ». Or, le passage au CSE a conduit les ordonnances à modifier les articles susvisés sans pour autant rétablir formellement l’obligation de consulter le CSE avant de procéder au licenciement d’un candidat aux élections. Le Conseil d’État a donc opté, le 16 mai, pour l’absence d’obligation de consulter le CSE les concernant.
Ainsi, tout en admettant « qu’une telle consultation était exigée sous l’empire des dispositions antérieures à la réforme des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise à laquelle les ordonnances prises en application de l’article 2 de la loi du 15 septembre 2017 ont procédé », le Conseil d’État constate qu’« aucune des dispositions […] du Code du travail, ne prévoit désormais que le licenciement envisagé par l’employeur des salariés visés à l’article L. 2411-7 du Code du travail, c’est-à-dire le candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, requiert la consultation préalable de ce comité ».
Rappel : La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent (L1221-20 du Code du travail). La période d’essai ne doit toutefois pas être détournée de sa finalité première et utilisée par l’employeur pour se soustraire aux dispositions protectrices des salariés, notamment en matière de licenciement. Par définition, la période d’essai n’a plus de raison d’être si le salarié a déjà eu l’occasion d’exercer dans l’entreprise les fonctions pour lesquelles il est engagé.
L’employeur peut-il prévoir une période d’essai quand il embauche un salarié qui travaillait auparavant pour lui sous le statut d’auto-entrepreneur ?
Dans cette affaire, une agente commerciale a collaboré pendant 9 mois avec une société sous le statut d’auto-entrepreneur.
A compter du 1er septembre 2020, elle a été engagée en qualité d’agenceuse-vendeuse dans le cadre d’un contrat de travail prévoyant une période d’essai de deux mois. Celle-ci n’ayant pas été concluante, l’employeur y mettait fin en date du 13 octobre 2020 dans le délai contractuellement prévu.
La salariée a saisi la juridiction prud’hommale notamment d’une demande en nullité de la période d’essai et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Bien qu’ayant consenti à la période d’essai au moment de la signature du contrat de travail, elle estimait que celle-ci n’était pas justifiée dès lors que l’employeur avait été en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du salarié avant sa conclusion.
La Cour d’appel de Pau déboute la salariée de ses demandes estimant la période d’essai parfaitement justifiée dès lors que la salariée n’était pas liée précédemment par un contrat de travail à la société de sorte que l’employeur n’avait pas pu déjà apprécier ses capacités professionnelles dans ce cadre-là.
La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Toulouse pour être rejugée sur ce point.
Note : Pour autant, cette décision n’interdit pas, par principe, la licéité d’une période d’essai conclue après l’exercice d’une prestation de travail sous statut auto-entrepreneur.
Il conviendra d’analyser, au cas par cas, les conditions de licéité de celle-ci.
Rappel : L’astreinte est définie comme étant « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ». (C.trav., art., L3121-9)
La période d’astreinte ne constitue pas, en principe, du temps de travail effectif. Elle doit néanmoins faire l’objet d’une contrepartie sous forme financière ou de repos. (C.trav., art., L3121-9)
Etant précisé que, seule la durée de l’intervention pendant l’astreinte (laquelle comprend également le temps de trajet) est considérée comme du temps de travail effectif et doit être rémunérée comme tel.
En revanche, si le salarié demeure « à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. », la période d’astreinte peut être requalifiée en temps de travail effectif. (C.trav., art., L3121-1)
L’astreinte peut-elle constituer du temps de travail effectif en raison de l’intensité des contraintes imposées au salarié ?
Dans cette affaire, un salarié exerçant les fonctions d’employé polyvalent devait assurer quatre nuits d’astreinte par semaine, du vendredi soir au mardi matin, au sein de l’hôtel où il travaillait et logeait dans une chambre de fonction réservée à cet effet. Celui-ci a été licencié le 2 décembre 2019.
A la suite de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’hommale notamment de demandes en paiement d’heures supplémentaires accomplies au titre des astreintes réalisées.
La Cour d’appel lui donnait partiellement raison et limitait l’indemnisation au motif que :
Le salarié s’est pourvu en cassation en soutenant que son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel, multipliant ainsi ses interventions au cours de la période d’astreinte.
Le juge doit vérifier l’intensité des contraintes imposées au salarié pendant l’astreinte.
Par décision du 14 mai 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Bordeaux.
Elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié « si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».
Ces derniers ne pouvaient se contenter de constater l’existence d’une borne d’accès 24 heures sur 24 au sein de l’hôtel pour écarter la qualification de temps de travail effectif.
Il appartiendra à la Cour d’appel de Bordeaux de se prononcer sur la question.
Apports de l’arrêt
La Cour de cassation est amenée à se prononcer sur les contours de la notion de « projet important » en matière d’expertise sollicitée par le CSE.
Rappel :
Aux termes de l’article L2315-94, 2° du Code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité notamment « en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 »
En cas de contestation de la délibération du CSE votant l’expertise, il incombe au comité de démontrer l’existence d’un « projet important » (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-20.476 : solution rendue à propos d’un CHSCT, mais transposable au CSE)
La notion de « projet important » n’est pas définie par le Code du travail. Néanmoins, l’administration a précisé qu'un projet est important « lorsque la modification des conditions de travail envisagée concerne un nombre significatif de salariés et conduit, sur le plan qualitatif, à un changement déterminant des conditions de travail des salariés concernés ». (Circ. DRT 93-15, 25 mars 1993 : BO min. Trav., n° 93/10, 5 juin).
Dans cette affaire, 24 salariés d’une société devaient être transférés à une autre société du groupe sans toutefois que ce transfert n’emporte de modification du lieu de travail des salariés concernés ni de modification dans l’organisation du travail de l’équipe.
Par une délibération du 4 octobre 2023, le CSE a voté le recours à un expert habilité sur le fondement de l’article L2315-94, 2° du Code du travail.
L’employeur a assigné le CSE ainsi que l’expert selon la procédure accélérée au fond devant le président du Tribunal Judiciaire de Paris en contestation de la nécessité de l’expertise, et subsidiairement, de son étendue et son coût prévisionnel.
Le transfert de 24 salariés entre deux sociétés d’un même groupe constitue-t-il un « projet important » au sens de l’article L.2315-94, 2° du Code du travail, justifiant le recours à une expertise ?
Pour accorder l’expertise, le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que bien que la réorganisation envisagée n’emporte pas de modification du lieu de travail et de modification de l’organisation du travail de l’équipe, un changement d’employeur comporte nécessairement « en germe » une modification des conditions de travail.
La Cour de cassation censure l’analyse du Tribunal judiciaire de Paris en lui reprochant d’avoir retenu des « motifs impropres à caractériser au jour de la délibération le droit du CSE de recourir à un expert ».
Elle déclare expressément qu’ « il n’y a pas un droit général à l’expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L.2315-94 du Code du travail sont réunies »
La Cour de cassation en a donc conclut que dès lors que le projet de transferts n’emportait pas de modification des conditions de santé et sécurité ni des conditions de travail à la date de la délibération ayant voté le recours à un expert, celui-ci ne pouvait être qualifié de projet important au sens de l’article L.2315-94 2° du Code du travail.
Que faut-il en retenir ?
En l’absence de modification des conditions de santé et sécurité ou des conditions de travail à la date de la délibération litigieuse, le CSE ne peut revendiquer le droit de recourir à un expert.
La solution commentée fait également écho à une décision rendue par la Cour de cassation en 2010 à l’occasion de laquelle elle précisait déjà que le nombre de salariés concernés par le projet ne détermine pas à lui seul l’importance du projet (Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 08-15.086).
Autrement dit, le critère quantitatif – à lui seul – ne suffit pas à légitimer le recours à l’expertise. Le projet doit introduire un changement définitif dans l’organisation et avoir des répercussions sur les conditions de santé, sécurité ou de travail des salariés pour donner lieu à une expertise. (Cass. soc., 8 févr. 2012, n° 10-20.376 ; Cass. soc. 12 avr. 2018, n° 16-27.866)
Rappel : Il résulte de l’article L. 1232-6 du Code du travail que, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée comportant l'énoncé du ou des motifs qu’il invoque.
La lettre de licenciement doit-elle obligatoirement dater les faits reprochés au salarié, ou suffit-il qu’elle énonce des motifs précis et matériellement vérifiables pour justifier la validité de cette mesure ?
En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave. La lettre de licenciement évoquait plusieurs griefs à son encontre, dont :
La cour d'appel a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, principalement pour les raisons suivantes :
La Cour de cassation a cassé cette décision au visa de l'article L. 1232-6 du Code du travail :
Au cas d’espèce, la Cour de cassation en tire la conclusion que :
Note : Cette décision de la Cour de cassation s’inscrit dans le prolongement du principe désormais constant selon lequel la lettre de licenciement satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi dès lors qu'elle comporte l'énoncé de motifs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond.
Si la Cour de cassation rappelle que le Code du travail ne pose pas comme exigence la datation des faits énoncés dans la lettre de licenciement, il reste recommandé de mentionner cette datation. Cette précision revêt une importance particulière dans un contexte de charge probatoire, notamment en matière de licenciement pour faute grave. La datation des faits peut ainsi être un élément essentiel pour éviter toute contestation sur la recevabilité des preuves présentées devant les juridictions compétentes.
Rappel : Lorsque le juge déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la loi impose au juge d’allouer une indemnité dont le montant est encadré par l’article L 1235-3 du code du travail.
Ces montants minimaux et maximaux sont fixés par un barème que le juge est dans l'obligation de respecter et qui s'applique à tous les salariés et toutes les entreprises, quel que soit leur effectif.
Toutefois, un barème dérogatoire est prévu pour les très petites entreprises (celles occupant moins de 11 salariés) : le barème prévoit des planchers d’indemnisation moins élevés pour les salariés justifiant d’une ancienneté comprise entre 1 et 10 ans.
A quelle indemnité minimale peut prétendre le salarié justifiant d’une ancienneté de plus de 10 ans travaillant dans une entreprise occupant moins de 11 salariés ?
A la suite de plusieurs transferts de son contrat de travail, un salarié engagé en qualité d’agent d’exploitation à compter du 1er mars 2004, est licencié en 2019 compte tenu de l’impossibilité pour l’employeur, de transférer son contrat de travail à la suite de la perte d’un marché.
L’entreprise compte moins de 11 salariés et le salarié justifie, à l’époque de son licenciement, d’une ancienneté de 16 ans et 1 mois.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale.
Dans l’intervalle, la société est placée en redressement puis liquidation judiciaire.
La Cour d’appel fait droit à la demande du salarié mais limite à 2,5 mois le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel considère en effet qu’il convenait de faire application du tableau applicable aux entreprises de moins de 11 salariés, nonobstant l’ancienneté du salarié.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Il soutient qu’à partir de 11 ans d’ancienneté, le plancher d’indemnisation est strictement identique, quel que soit l’effectif de l’entreprise.
Par décision du 29 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse la décision des juges du fond.
La Cour rappelle que, conformément à l’article L 1235-3 du Code du travail :
L’affaire est renvoyée devant la même Cour d’appel, autrement composée.
Note : La Cour de cassation fait une interprétation stricte de la loi.
Rappelons que dans un arrêt récent (Cass. Soc. , 29 janvier 2025 n° 23-16.577), la Cour de cassation a jugé que dès lors qu’il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder une indemnité au salarié sans que ce dernier n’ait à faire la preuve d’un préjudice. Ainsi, le salarié qui justifie d’une ancienneté inférieure à un mois a droit à une indemnisation, quand bien même le Code du travail ne prévoit pas de plancher pour les salariés ayant une si faible ancienneté.
Rappel : L'article L 5124-1 du code du travail punit de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir les allocations d’activité partielle par fraude ou fausse déclaration.
A l’occasion de la pandémie de Covid, les pouvoirs publics avaient mis en place une procédure simplifiée de demande de placement des salariés en activité partielle. Avait également été rappelé à cette occasion que les entreprises s’exposaient à des sanctions en cas de recours frauduleux à l’activité partielle, par exemple pour des salariés pouvant télétravailler, ou en cas de déclaration de salariés fictifs.
L’embauche, en prévision de la reprise de l’activité post-confinement de salariés auquel n’est confié aucune mission est-elle constitutive d’une fraude à l'article L 5124-1 du code du travail ?
Dans cette affaire, un dirigeant de société ainsi que la société qu’il dirige sont poursuivis du chef de fraude au dispositif du chômage partiel pour la période courant du 1er mars 2020 au 30 juin 2020.
Il est en effet reproché à la société d’avoir embauché, pendant la période de prévention, 14 salariés supplémentaires pour les placer immédiatement en activité partielle et réclamé une indemnisation alors qu’à la même époque, tous les salariés de l’entreprise étaient placés en activité partielle, l’activité étant à l’arrêt. L’embauche des salariés ne répondait par conséquent, à aucun besoin immédiat de l’entreprise.
Le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus pour la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020 mais les a déclarés coupables pour le reste de la période et a prononcé les condamnations suivantes :
Le dirigeant ainsi que le procureur de la République ont relevé appel de la décision.
Au soutien de son pourvoi, le dirigeant fait valoir que :
Par décision du 29 avril 2025, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi et constate que :
Note : En complément des sanctions pénales, les entreprises et employeurs ayant abusivement eu recours à l’activité partielle peuvent être condamnés au remboursement intégral des sommes indument perçues, mais également se voir notifier l’interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle.
Rappel : l’employeur a la possibilité de lever la clause de non concurrence d’un salarié si le contrat de travail ou la convention collective -sous réserve que le contrat de travail se réfère à ladite convention- le prévoit. A défaut, la levée de la clause de non concurrence n’est possible que si le salarié y consent expressément.
A quel moment, l’employeur qui licencie un salarié pour inaptitude avec dispense d’exécution du préavis doit-il lever la clause de non- concurrence ?
Dans cette affaire, un salarié, en arrêt de travail ininterrompu depuis novembre 2017, saisit en mai 2018 la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant un harcèlement moral.
Le salarié sollicite finalement la nullité de son licenciement.
La Cour d’appel fait droit à ses demandes et condamne notamment l’employeur au paiement de la contrepartie financière de la clause de non- concurrence.
La Cour constate en effet que l’employeur qui avait informé le salarié qu’il était dans l’impossibilité d’exécuter son préavis aux termes la lettre de licenciement aurait dû lever la clause de non concurrence au plus tard à la date de son départ effectif de l'entreprise, soit à cette même date du 27 septembre 2018.
Pour la Cour d’appel, la renonciation aux termes du certificat de travail du 8 octobre 2018 était donc tardive.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que :
Par un arrêt du 29 avril 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation rappelle les principes suivants :
Note : La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de rappeler ces principes (voir notamment Cass. soc., 22 juin 2011, n° 09-68.762, n° 1494 FS - P + B).
Ainsi, l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non -concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires. Cette solution s’applique également en cas d’adhésion à un Contrat de sécurisation professionnelle (Cass. Soc., 2 mars 2017, n° 15-15.405) ou encore en cas de rupture conventionnelle individuelle (Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-15.755 FSB). Toutefois, c’est la première fois que la Cour de cassation applique cette solution dans l’hypothèse d’un licenciement pour inaptitude, situation dans laquelle la non-exécution du préavis ne résulte pas d’une dispense de préavis mais d’une impossibilité physique de l’exécuter.
Rappel : L’article L. 1224-1 du code du travail pose le principe du transfert des contrats de travail au nouvel employeur lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur.
L’article L. 1224-2 du code du travail prévoit que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification (…).
En droit commun de la responsabilité civile, la créance de réparation naît à la date du dommage causé à la victime.
A qui incombe la charge financière de la réparation du préjudice d’anxiété né d’une exposition à l’amiante antérieure au transfert du contrat de travail ?
Dans cette affaire, un salarié a travaillé en qualité de soudeur :
Puis son contrat de travail a été successivement transféré :
Le 30 mai 2013, le salarié (ainsi qu’un certain nombre de ses collègues) saisit la juridiction prud'homale aux fins, notamment, d’indemnisation d'un préjudice d'anxiété et d'un préjudice lié au bouleversement subi dans ses conditions d'existence.
A la même époque, une demande d'inscription de l'établissement de l’employeur C sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, est rejetée.
La Cour d’appel fait droit à la demande de dommages-intérêts des salariés en réparation d'un préjudice d'anxiété.
Sur demande de la société C, la Cour condamne la société A à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 90 % .
Pour condamner la Société A, la Cour retient que :
La société A forme un pourvoi en cassation.
Elle soutient que :
Par un arrêt du 29 avril 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel.
Au visa des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 et l'article L. 232-1 du code du travail, la Cour de cassation rappelle les principes suivants :
et retient que :
La Cour en conclut que jusqu'au 1er septembre 1988 (date à laquelle les contrats de travail avaient été transférés chez l’employeur C), le salarié n'était pas en mesure d'être suffisamment informé sur les risques auxquels il avait été exposé dans sa vie professionnelle pour en avoir une conscience libre et éclairée, de sorte que le préjudice d'anxiété du salarié était né après ce transfert.
La Cour de cassation statuant au fond rejette l’appel en garantie de la société A.
Note : La Chambre sociale avait, dans un premier temps, reconnu aux seuls salariés ayant travaillé dans un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice d'anxiété (Cass.Soc., 11 mai 2010, 09-42.241 à 257).
Le salarié est dans ce cas, dispensé de justifier de l’exposition à l’amiante, du manquement de l’employeur et du préjudice en découlant. Le préjudice d’anxiété, en lien avec un manquement de l’employeur à des règles de protection de la santé et de la sécurité du travailleur, est alors présumé.
Dans un arrêt du 2 juillet 2014, la Chambre sociale a jugé que le préjudice d’anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l'ACAATA, de sorte que lorsque le contrat de travail a été transféré antérieurement à cet arrêté, ce préjudice ne constitue pas une créance due à la date de la modification de la situation juridique de l'employeur. Il en résulte que, s’agissant d’une créance née postérieurement au transfert du contrat de travail, le nouvel employeur est seul obligé à la dette et ne peut demander à l’ancien employeur de contribuer à cette dette (voir Cass. Soc., 2 juillet 2014 n° 12-29.788 et aussi, Cass. Soc., 22 novembre 2017 n° 16-20.666).
La Cour de cassation adopte en l’espèce une position similaire, s’agissant de l’hypothèse où il n’existe pas d’arrêté ministériel.
Rappel : l'article L. 2421-1 du code du travail, également applicable au Conseiller Prud’homal prévoit que la demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié ou d'un membre de la délégation du personnel au CSE est adressée à l'inspecteur du travail.
En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. Cette décision est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d'effet.
Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
L'article R. 2421-6 précise que : " en cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. (...) La demande d'autorisation de licenciement est présentée (...) dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied (...) ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.
Quelles sont les obligations qui incombent à l’employeur qui envisage la mise en disponibilité d’un salarié protégé avant le déclenchement d’une éventuelle procédure disciplinaire ?
A la suite de plusieurs signalements effectués par certains de ses salariés, l'association Union départementale des associations familiales du Val-d'Oise (ci-après, « l’association ») a, le 12 février 2018, ouvert à l’encontre d’une salariée également conseillère Prud’homale, une enquête interne pour des faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral.
Cette décision est par la suite confirmée tant par le Ministre du travail saisi dans le cadre d’un recours hiérarchique que par le Tribunal puis la Cour administrative d’appel dans le cadre d’un recours contentieux.
La salariée forme un pourvoi en cassation.
Entre autres griefs, elle considère que la mise en disponibilité provisoire qui lui a été notifiée devait s’analyser comme une mise à pied conservatoire, si bien que le délai de huit jours pour solliciter l’autorisation de licencier, mentionné à l’article R. 2421-6 du code du travail, n’avait pas été respecté.
Par une décision du 4 avril 2024 mentionnée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles une mise en disponibilité provisoire peut être prononcée.
Le Conseil d’Etat rappelle que l'employeur peut prendre, dans l'attente d'une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l'entreprise, des autres salariés et des usagers, telles que la mise en disponibilité provisoire du salarié concerné, pourvu qu'il n'en résulte pas, sans l'accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.
Suivant la décision de la Cour administrative d’appel, le Conseil d’Etat constate que la mise en disponibilité décidée le 22 février 2018 :
En l’espèce, le Conseil d’Etat valide en conséquence la mise en disponibilité et conclut que cette décision ne pouvait être regardée comme une mise à pied conservatoire au sens des articles L. 2421-1 et R. 2421-6 du code du travail.
Note : La mise à pied conservatoire intervient dans le cadre de la procédure disciplinaire alors que la faute grave est déjà caractérisée. La mise en disponibilité intervient, quant à elle, plus en amont, avant même que l’enquête n’ait débuté.
La Cour de cassation avait déjà admis la possibilité de prononcer une mise en disponibilité d’un salarié afin de permettre le déroulement serein de l'enquête interne rendue indispensable après la révélation de faits graves. La haute cour avait pris le soin de constater que cette mise en disponibilité n'avait duré que 3 jours et n'avait pas entraîné de modification durable du contrat de travail de l'intéressé (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-23.503).
Enfin rappelons que la Cour de cassation a récemment jugé que compte tenu de l’obligation de sécurité qui pèse sur lui, l'employeur peut légitimement refuser de réintégrer un salarié protégé qui avait été mis à pied conservatoire et auquel il était reproché des agissements constitutifs de harcèlement moral ou sexuel, et ce, quand bien même le licenciement n’avait pas été autorisé (voir notamment Cass. Soc., 8 janvier 2025, n° 23-12.574).
Rappel : L’article L. 2314-30 du code du travail dispose que pour chaque collège électoral, les listes qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.
Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant :
1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5,
2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
Lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
L’article L. 2314-32 du Code du travail impose au juge qui constate que les règles de parité n’ont pas été respectées, d’annuler l’élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats, en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.
La règle prévoyant la simple faculté, pour un syndicat, de présenter un candidat du sexe sous-représenté est-elle applicable en cas de liste incomplète ?
A l’occasion de l'élection des membres de la délégation du personnel des CSE d’une entreprise, un protocole d'accord préélectoral est conclu avec quatre organisations syndicales.
Dans le premier collège, trois membres titulaires devaient être élus.
La proportion de femmes et d’hommes étant respectivement, dans ce collège, de 81,1 % et de 18,9 % le syndicat FGTA-FO, organisation signataire du protocole préélectoral a présenté une liste incomplète comportant deux candidates.
A l’issue du premier tour des élections, la CGT, un des syndicats signataires du protocole, saisit le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de l'élection de quatre élus (3 femmes et un homme) pour non-respect des règles de parité.
Le Tribunal judiciaire :
Le syndicat FGTA-FO forme un pourvoi en cassation et soutient que :
Par une décision du 26 mars 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le premier moyen et rappelle les principes suivants :
La Cour ajoute que :
Note : il s’agit d’une confirmation : la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser qu’en cas de listes incomplètes (c’est-à-dire comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir) le principe de mixité s’applique de la même manière qu’en cas de liste complète (voir Cass. Soc., 17 avril 2019, n° 17-26724 FSPB). Le présent arrêt rappelle par ailleurs, au sujet des autres élections de candidats qui étaient contestées, le principe selon lequel alors même que l’irrégularité de la liste serait sans conséquence sur l’issue du scrutin, la sanction de l’annulation s’impose au juge. Il s’agit là encore d’une confirmation.
En effet, la Cour de cassation avait prononcé l’annulation de l'élection du nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre, alors même que la candidate dont l'élection était annulée était la seule élue de la liste (Cass. soc., 3 mars 2021, n° 20-10.470), ou alors même que la parité était respectée au vu des résultats obtenus lors du scrutin (Cass. soc., 10 nov. 2021, n° 20-17.874), ou encore alors même que le candidat surnuméraire n'avait pas été élu (Cass. soc., 26 févr. 2025, n° 23-22.843)
Rappel : il résulte de l’article L. 1152-2 du code du travail qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet de mesures de représailles telles qu’une sanction, un licenciement ou encore une mesure discriminatoire.
En cas de contentieux portant sur l’existence ou non d’un harcèlement moral, l’article L. 1154-1 du Code du travail impose que :
- le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement ;
- au vu de ces éléments, l’employeur prouve que les agissements reprochés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge peut alors ordonner, si cela est nécessaire, des mesures d'instruction afin de pouvoir qualifier les faits et prendre sa décision. La charge de la preuve est donc partagée.
Un licenciement prononcé dans un contexte de harcèlement moral doit-il nécessairement conduire le juge à prononcer la nullité de cette mesure ?
Dans cette affaire, une salariée, responsable de projet au sein d’un établissement bancaire, s’est vue notifier un licenciement pour motif disciplinaire.
Soutenant avoir subi des faits de harcèlement moral, elle saisit la juridiction prud'homale en contestation de la validité du licenciement et paiement de dommages-intérêts.
La Cour d’appel fait droit à sa demande et constate la nullité du licenciement.
L’employeur forme un pourvoi en cassation et fait grief à la Cour d’appel d’avoir prononcé la nullité du licenciement sans avoir constaté au préalable, que la salariée avait effectivement été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral et donc, sans avoir caractérisé le lien de causalité entre le harcèlement moral invoqué et le licenciement.
Par un arrêt du 9 avril 2025, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et reprend le moyen soutenu par l’employeur. La Haute juridiction rappelle ainsi que le fait qu’un salarié ait été victime de harcèlement moral n’implique pas en soi qu’il a été licencié pour avoir subi de tels agissements.
Deux conditions doivent donc cumulativement être réunies pour qu’un licenciement soit frappé de nullité :
Constatant que le lien de causalité n’était pas établi, la Cour de cassation renvoie l’affaire devant une autre Cour d’appel, à charge pour elle, de statuer sur l’existence ou non d’un tel lien de causalité.
Note : la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de rappeler la nécessité d’établir un lien de causalité entre la sanction prononcée et les faits de harcèlement dénoncés par le salarié. En effet, il ne suffit pas que le licenciement ait été prononcé après la dénonciation d’un acte de harcèlement pour qu’il soit nécessairement frappé de nullité (Cass. Soc., 7 avril 2016 n° 14-24.021). Si ce lien résulte, le plus souvent, de la chronologie des faits (sanction prononcée dans un temps très proche de celui d’accusations de harcèlement ou d’un dépôt de plainte etc...), il n’est pas toujours suffisant.
Rappel : l'article L. 3171-2 du code du travail fait obligation à l’employeur d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail de chaque salarié occupé dans un service ou un atelier ne travaillant pas selon le même horaire collectif.
Ce décompte est effectué :
quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.
Si le document est établi par un enregistrement informatique, le système doit être fiable et infalsifiable (article L. 3171-4 du code du travail).
Le non-respect de ces obligations est sanctionné par une amende appliquée autant de fois qu’il y a de personnes employées dans des conditions susceptibles d’être sanctionnées.
L’outil informatique de contrôle du travail comportant pour chaque salarié ses heures de travail anticipées est-il conforme aux conditions posées aux articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail ?
A la suite d'un contrôle effectué par l'inspection du travail, une entreprise de production et distribution d’électricité se voit infliger une amende au titre d’un manquement aux dispositions de l'article L. 3171-2 du Code du travail.
Dans cette affaire, le logiciel de contrôle du temps de travail mis en place avait été paramétré pour indiquer à l’avance les horaires de travail de chaque salarié. Lorsque l’horaire effectivement réalisé n’était pas conforme aux horaires de travail pré-enregistrés, le salarié les modifiait en procédant à une saisie manuelle que son responsable hiérarchique devait ensuite valider.
L’entreprise saisit la juridiction administrative d’une demande d’annulation de la sanction.
La Cour administrative d’appel rejette la demande de la société au motif qu’un système d'enregistrement du temps de travail comportant une déclaration par anticipation des heures travaillées, puis une rectification hebdomadaire pour prendre en compte les heures effectivement accomplies ne satisfait pas aux exigences du code du travail dès lors qu’il ne permet notamment pas un décompte quotidien des heures de travail effectivement réalisées par le salarié.
La société forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Par une décision du 17 avril 2025 mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat censure le raisonnement de la Cour administrative d’appel et précise les conditions dans lesquelles un système de contrôle du temps de travail peut prévoir des horaires pré-enregistrés.
Pour le Conseil d’Etat le système est valable pour autant que :
Aussi, le fait que le nombre d'heures mentionné à titre provisoire dans l'outil informatique puisse ne pas correspondre au nombre d'heures effectivement accomplies par le salarié ne saurait conduire à regarder ledit logiciel comme ne présentant pas les garanties d'objectivité, de fiabilité et d'accessibilité requises.
Note : la Cour de cassation fait également preuve d’une certaine souplesse en admettant que le système d'enregistrement par badgeage qui retient le début et la fin du travail de chaque salarié de sorte que ne sont prises en compte que les heures accomplies dans la limite de l'amplitude horaire et que les heures réalisées au-delà font l'objet d'un décompte manuel, répond aux exigences requises par l'article L. 3171-4 du code du travail. Pour la Cour de cassation, le contrôle manuel des heures supplémentaires n'est qu'un élément de la mise en œuvre du système d'enregistrement institué par l'accord collectif (Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-17.494).
Rappel : l’accord préélectoral visé à l’article L. 2314-28 du code du travail fixe les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales. En principe l'employeur ne peut se faire juge de la validité des candidatures. Toutefois, il peut, dans certains cas, rejeter automatiquement une liste de candidats qui ne respecte pas les modalités de dépôt. Tel est notamment le cas :
des candidatures tardives,
des candidatures prématurées (par exemple, avant la conclusion du protocole préélectoral),
des candidatures sans mandat syndical.
L’employeur qui reçoit, dans le délai fixé par le protocole préélectoral pour le dépôt des listes du 1er tour de scrutin, une liste qui vise, par erreur les dates fixées pour le 2nd tour, erreur rectifiée par la suite mais hors délai, peut-il écarter cette liste pour le scrutin du 1er tour?
Dans le cadre de l’élection de la délégation du personnel au CSE, le protocole préélectoral d’une entreprise prévoyait le calendrier suivant :
Le 14 novembre 2023 la CGT dépose sa liste pour le collège Cadre et précise, dans la lettre d’accompagnement « dépôt de candidature CGT aux élections professionnelles du 15 au 19 décembre 2023 ». Les dates du second tour des élections étaient donc visées.
Réalisant son erreur, le syndicat CGT apporte une rectification en informant l’employeur que les listes avaient été déposées en vue du premier tour de scrutin. Toutefois, cette rectification intervient hors délai, soit après le 20 novembre 2023.
L'employeur accuse réception du dépôt de la liste CGT pour le second tour des élections et écarte la liste CGT pour le 3ème collège lors du 1er tour de scrutin.
Le syndicat saisit le Tribunal judiciaire aux fins d'annulation des élections du 3ème collège du CSE.
Le Tribunal fait droit à la demande du syndicat, annule les élections et ordonne à la société d’organiser de nouvelles élections dans ce collège dans les dix semaines suivant la notification de la décision.
Selon le juge :
La société a formé un pourvoi en cassation.
Elle soutient que :
Par décision du 9 avril 2025, la Cour de cassation casse sans renvoi la décision du Tribunal judiciaire. Faisant une stricte lecture des dispositions de l’accord préélectoral, la Cour constate que le dépôt de la liste de candidats pour le 3ème collège ne répondait pas aux modalités de forme d’une liste de candidats concourant au premier tour de scrutin de sorte que l’employeur pouvait refuser de prendre en compte cette liste.
Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (voir notamment Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 23-13.551 qui fait droit à la demande de l’employeur d’annuler une élection s’agissant d’une candidature déposée avec 9 minutes de retard). Rappelons qu’avant un revirement de 2012 (Cass. Soc., 31 janvier 2012 n° 11-20.232) la Cour de cassation faisait preuve d'un certain pragmatisme en validant une candidature tardive dès lors que le retard n'était pas de nature à troubler le déroulement du scrutin.
A contrario, a pu être jugé abusif, le fait, pour l'employeur d'écarter une liste de candidats déposée dans les délais, au motif que la justification du mandat du syndicat avait été remise avec deux minutes de retard (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-60.038).
Enfin il convient de rappeler qu’une liste écartée au premier tour par l'employeur comme tardive n'est pas considérée comme maintenue au second tour.
Rappel : chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement d’au moins cinquante salariés peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise (C. trav., art. L. 2142-1-1). La constitution d’une section syndicale est conditionnée à la présence d’au moins deux adhérents (C. trav., art. L. 2142-1)
Le salarié dont le chèque de cotisation n'a pas encore été encaissé peut-il être considéré comme adhérent au sens de l’article L.2142-1 du code du travail ?
Dans cette affaire, le syndicat FO informe l’employeur d’une société de nettoyage de la désignation d’une salariée en qualité de représentante de section syndicale (RSS).
L’employeur saisit le Tribunal Judiciaire d’une demande d’annulation de cette désignation au motif que le syndicat ne satisfaisait pas, au jour de cette désignation, à la condition du nombre minimum d’adhérents pour constituer une section syndicale.
Le Tribunal fait droit à la demande de l’employeur. Il retient que la seule volonté de trois salariés d’adhérer au syndicat de l’entreprise exprimée par leur bulletin d’adhésion est insuffisante, de même que le seul établissement par ces derniers de chèques ceux-ci n’ayant pas été encaissés par le syndicat au jour de la désignation contestée.
Le syndicat et la salariée forment un pourvoi en cassation .
Par un arrêt du 9 avril 2025, la Cour de cassation casse le jugement du Tribunal judiciaire après avoir constaté qu’au jour de la désignation contestée, deux salariés avaient émis un chèque correspondant au montant de leur cotisation, ce dont il se déduisait qu’ils s’étaient acquittés de celle-ci peu important que les chèques aient été encaissés par le syndicat postérieurement à la date de la désignation.
Note : La Cour de cassation a pu considérer que la condition de présence de deux adhérents n’est pas remplie lorsque l'un d'eux ne payait plus ses cotisations trimestrielles depuis plusieurs mois (Cass. soc., 13 juin 2019, n° 18-15.442) ou en cas de retard de paiement de sa cotisation syndicale et ce, peu important que les statuts du syndicat ne prévoient pas la perte de qualité d'adhérent en cas de retard de cotisations (Cass. soc., 14 févr. 2024, n° 23-10.925).
Rappel : l’article L. 2254-2 du Code du travail prévoit qu’un accord d’entreprise peut être conclu afin de répondre aux nécessités liées à son fonctionnement en vue de préserver ou de développer l’emploi. Les stipulations de cet accord (qui peuvent notamment venir aménager la durée du travail ou ses modalités d’organisation, la répartition de la rémunération ou encore les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise) se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Le licenciement prononcé au motif du refus, par le salarié, de la modification résultant de l’application de l’accord repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse.
L’article L. 4121-1 du Code du travail rappelle que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’article L. 4624-3 du même Code prévoit que le médecin du travail prend toute mesure pour préserver la santé du salarié et l’employeur prend en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par ce dernier. En cas de refus, il doit faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
Un salarié protégé peut-il refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un accord de performance collective au motif que les nouvelles conditions d’exécution sont incompatibles avec son état de santé ?
Dans cette affaire, une société conclut un accord de performance collective (APC) qui prévoit une modification des horaires de travail.
Un salarié, titulaire de plusieurs mandats, manifeste son refus au motif que les nouvelles modalités d’organisation du temps de travail sont incompatibles avec son état de santé dans la mesure où elles ne permettent pas de respecter les préconisations formulées par le médecin du travail qui imposaient un horaire en journée uniquement.
Prenant acte du refus du salarié, l’employeur demande et obtient de l’inspection du travail l’autorisation de le licencier.
La Cour administrative d’appel confirme la décision des juges de première instance, qui avaient jugé que le refus opposé constituait une cause et sérieuse suffisant à justifier, à elle seule, son licenciement, en l’absence de tout lien avéré avec ses mandats. Elle constate en effet que :
Le salarié forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Par une décision du 4 avril 2025 mentionnée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi.
Le Conseil d’Etat pose les principes suivants :
Il en résulte que si le salarié avait accepté l’application de l’APC, l’employeur serait resté tenu par les préconisations du médecin du travail.
En outre, le Conseil d’Etat rappelle qu’en présence d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, le licenciement ne peut être prononcé sur un autre fondement que celui-ci.
Note : c’est la première fois que le Conseil d’Etat se prononce sur l’articulation des règles propres à la mise en œuvre de l’APC avec les obligations de l’employeur en matière de protection de la santé des salariés.
Il résulte de la décision du Conseil d’Etat :
(i) qu’en l’absence d’une inaptitude médicalement constatée, le refus d’accepter les modifications des conditions d’exécution du contrat de travail au motif qu’elles sont incompatibles avec l’état de santé ne prive pas l’employeur de la possibilité de le licencier sur le fondement de l’article L.2254-2 V du code du travail. A cet égard, cette solution est transposable au salarié non protégé ;
(ii) en présence de préconisations du médecin du travail, l’employeur ne peut imposer au salarié les conditions prévues par l’APC non conformes ;
(iii) en présence d’un avis d’inaptitude, le licenciement ne peut être prononcé sur un autre motif - solution déjà dégagée par le Conseil d’Etat le 12 avril 2023 (n°458974).
Rappel : la prime d’ancienneté résulte, le plus souvent, d’un accord collectif de branche ou d’un accord d’entreprise qui en fixe les conditions de calcul et de versement. Il appartient au juge saisi d’un différend entre le salarié et son employeur d’interpréter le sens à donner à la clause.
L’absence de perception d’un salaire prive- t-il le salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un accident du travail du droit au versement d’une prime d’ancienneté ?
Dans cette affaire, un salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il saisit la juridiction prud’homale aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de l’accident à l’origine de son inaptitude et condamner l’employeur au versement d’un rappel de prime d’ancienneté.
Le salarié fonde sa demande de rappel de prime d’ancienneté sur l’article 15 de l'avenant "mensuels" du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques qui stipule que « la prime d'ancienneté, qui s'ajoute au salaire réel de l'intéressé, est calculée en fonction du minimum hiérarchique de l'emploi occupé et son montant varie avec l'horaire de travail et supporte, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires ».
La Cour d’appel reconnaît l’origine professionnelle de l’inaptitude mais déboute le salarié de sa demande de rappel de prime d’ancienneté au motif que celle-ci est conditionnée à la perception d'un salaire réel. Pour la Cour d’appel, pendant les absences non rémunérées du salarié, la prime n’est pas due.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Au soutien de ce pourvoi, il fait valoir que :
Par décision du 20 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation :
En conséquence, le salarié, qui n'avait perçu aucune rémunération due par l'employeur pendant son absence, n'avait pas droit au paiement de la prime d'ancienneté pendant cette période.
Note : la prime d’ancienneté ayant vocation à récompenser la fidélité du salarié dans l’entreprise et non sa présence effective, il est de jurisprudence constante que l’absence du salarié n’a, en principe, pas d’incidence sur son versement.
Par exception, cette prime peut être supprimée ou réduite dans son montant si le texte qui l’institue conditionne son versement à la présence effective du salarié au moment de son versement ou, comme en l’espèce, fait référence à la notion de « salaire réel » (la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer dans le même sens à propos de l’interprétation à donner aux dispositions conventionnelles litigieuses. Il s’agit donc d’une confirmation - voir Cass. Soc., 6 décembre 2017 n° 16-17.137).
La décision de la Cour de cassation repose donc sur l’interprétation des termes de la norme collective instituant la prime. En pratique, il convient d’apporter une attention particulière à la rédaction des textes conventionnels en la matière, afin de sécuriser les conditions de versement d’une telle prime.
Rappel : l'article L. 2315-24 du code du travail dispose que le Comité Social et Economique détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l'entreprise, pour l'exercice des missions. Sauf accord de l'employeur, un règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales.
Le CSE peut-il imposer à l’employeur la prise en charge des frais de déplacement de ses membres dans les mêmes conditions que celles prévues pour les salariés de l’entreprise ?
Dans cette affaire, l’une des entités d’une entreprise de production d’électricité est soumise aux dispositions du statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi qu’à un certain nombre de circulaires dont la circulaire dite « circulaire PERS 691 » du 20 décembre 1976 qui a mis en place une indemnité de grand déplacement.
Une note d'application du 26 juillet 2018 vient préciser que l'indemnité de grand déplacement est réservée « aux agents exerçant une activité qui, en raison d'organisations particulières de travail (…) implique des déplacements fréquents à périodicité, durée et lieux de séjour variables, les obligeant à quitter leur domicile plusieurs jours de suite ».
La note prévoit que cette indemnité ne se cumule pas avec le bénéfice « de dispositifs spécifiques » de prise en charge des frais de déplacement. En l’occurrence, un accord collectif du 25 juillet 2017 relatif au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs ou syndicaux précisait les conditions de prise en charge, par l’employeur, des frais liés à l’exercice de leurs missions.
En 2020, le CSEE adopte dans son règlement intérieur un article relatif aux frais de déplacement de ses membres qui prévoit que « (…) dans le cadre de la non-discrimination, l'employeur versera aux élus les indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions de versement que l'ensemble des salariés », dispositions reprises pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, de la commission politique sociale et les représentants de proximité.
L’employeur saisit le Tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cette clause au motif qu’elle lui impose des obligations ne résultant pas des dispositions légales.
La Cour d’appel fait droit à la demande de l’employeur et annule la clause litigieuse au motif que :
Au soutien de son pourvoi en cassation, le CSE relève que :
Dans une décision du 26 mars 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation rappelle les principes suivants :
La Cour de cassation constate ensuite que :
Elle conclut enfin que les clauses litigieuses aggravaient les obligations légales et conventionnelles pesant sur l'employeur et qu’aucun élément ne laissait supposer l’existence d’une discrimination.
Note : cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les clauses du règlement intérieur du CSE ne peuvent pas mettre à la charge de l’employeur, sans son accord, des charges supérieures aux obligations légales (voir notamment Cass. Soc., 22 oct. 2014, n° 13-19.427 à propos d’une clause prévoyant que les réunions devaient se dérouler pendant les heures de travail des membres du comité).
Rappelons que les clauses du règlement intérieur imposant à l'employeur des obligations ne résultant pas de dispositions légales constituent un engagement unilatéral que ce dernier peut dénoncer à l'issue d'un délai raisonnable et après en avoir informé les membres de la délégation du personnel du CSE (article L 2315-24 du code du travail).
Rappel : Les représentants de proximité sont membres du Comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité (C. trav. L 2313-7 al. 7).
Leur mise en place, qui est facultative, a pour objectif d’éviter une trop grande centralisation de la représentation du personnel au niveau de l’entreprise, surtout dans les entreprises ayant plusieurs établissements distincts, en donnant un rôle spécifique à certains salariés.
Le représentant du personnel a droit, en raison de la violation de son statut protecteur, à une indemnité égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours.
Comment se calcule l’indemnité résultant de la violation du statut protecteur pour un représentant de proximité dont le mandat a pris fin par son départ à la retraite ?
Dans cette affaire, une salariée, titulaire de plusieurs mandats de représentante du personnel, saisit en 2017 le Conseil de Prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison d'une discrimination liée à son sexe, à son âge et à ses activités syndicales.
Désignée représentante de proximité le 1er janvier 2020, elle bénéficie à compter de la même date, d’un dispositif de temps partiel de fin de carrière qui prend fin le 30 avril 2021, date de son départ à la retraite.
La Cour d’appel requalifie le départ à la retraite en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement nul et condamne la société à lui verser la somme de 36 793,09 euros au titre de la violation du statut protecteur qui correspond à 16 mois de salaire.
La salariée forme un pourvoi. Elle fait grief à la Cour d’appel d’avoir limité le montant des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
La salariée soutient que :
Par une décision du 9 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation lui donne raison et casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait limité à 16 mois le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur.
La Cour de cassation juge que :
Note : Pour mémoire, la limite de 30 mois du montant de l’indemnité d’éviction correspond à la durée minimale légale du mandat de 24 mois, augmentée de la durée de la protection post mandat de 6 mois.
Rappelons également que, dans un arrêt du 25 septembre 2019 (n°18-15952), la Cour de cassation avait déjà précisé que la circonstance que le salarié soit susceptible de partir à la retraite avant l’expiration de la période de protection, n’avait pas pour effet de minorer l'indemnité pour violation du statut protecteur en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur et en violation du statut protecteur.
Dans cette affaire, un salarié saisit, à la suite de son licenciement, la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail. Il sollicite notamment la nullité de son licenciement.
La Cour d’appel fait droit à sa demande de nullité de son licenciement et condamne l’employeur à verser au salarié la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Il fait grief à la Cour d’appel d’avoir, pour évaluer le montant de l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, exclu du salaire de référence, les rappels de salaire dus au titre des heures supplémentaires ainsi que les primes auxquels l’employeur avait également été condamné dans le cadre de l’action engagée.
Par une décision du 2 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse la décision des juges du fond et précise que pour déterminer le montant de l’indemnité due au titre de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, il convient de prendre en compte les primes perçues, le cas échéant proratisées, ainsi que les heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail.
Note : l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, s’il prévoit qu’en cas de nullité du licenciement et en l’absence de réintégration, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, ne définit en revanche pas les salaires pris en compte. Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise pour la première fois l’assiette de calcul de cette indemnité. La Cour de cassation adopte ici une position similaire à celle retenue en matière d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (voir notamment Cass. Soc., 21 septembre 2005, n° 03-43.585).
Dans cette affaire, une salariée, reconnue travailleuse handicapée en janvier 2018 est engagée en qualité de conseillère dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 11 novembre 2018 au 18 mai 2019.
Les 12 décembre 2018 et 29 janvier 2019, elle bénéficie de deux visites médicales à l’issue desquelles le médecin du travail préconise des aménagements de son poste et notamment, la nécessité de lui fournir un siège ergonomique.
L’employeur ne donne pas suite aux préconisations du médecin du travail.
A l’issue de son contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes et notamment de dommages-intérêts pour discrimination.
A cet égard, la salariée met en avant :
Elle est déboutée de sa demande par la Cour d’appel qui considère que la preuve du non-respect par la société des préconisations du médecin du travail non étayée par d’autres éléments de fait est insuffisante à démontrer l’existence d’une discrimination.
La salariée forme un pourvoi.
Par décision du 2 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et, suivant l’argumentation développée par la salariée, précise le régime probatoire de la discrimination à raison du handicap.
Ainsi, le juge saisi d’une demande de reconnaissance de discrimination à raison du handicap doit :
Pour la Cour de cassation, le constat que l’employeur n’avait pas donné suite aux préconisations du médecin du travail aurait dû conduire la Cour d’appel à déduire que la salariée fournissait les éléments de fait laissant supposer un refus de prendre des mesures appropriées d’aménagement raisonnables.
Note : il convient en présence de préconisations du médecin du travail d’être particulièrement vigilant à leur mise en œuvre. A défaut d’être en capacité de les suivre, l’employeur devra disposer d’éléments solides objectifs permettant de justifier de l’impossibilité ou du caractère disproportionné de leur coût. La Cour de cassation a récemment exclu toute discrimination en présence d’un employeur qui avait pu prouver qu’il avait adapté le poste de travail du salarié handicapé en considération des prescriptions du médecin du travail, le salarié ayant en outre bénéficié d’un suivi tous les deux mois de sa situation par le médecin du travail. La Cour de cassation avait constaté que non seulement, les missions et les tâches confiées au salarié avaient évolué, mais que l’employeur avait aussi acheté sur une période de 7 ans les matériels adaptés à la situation du salarié de sorte qu’il n’avait pas manqué à son obligation d’adaptabilité et ce, alors même que le salarié avait finalement été licencié pour inaptitude (Cass. Soc., 8 janvier 2025, n° 23-15410).
A l’occasion du renouvellement des mandats des élus d’une instance représentative du personnel, il est recouru au vote électronique.
A l’issue des élections, un syndicat non signataire du protocole d’accord pré-électoral saisit le Tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections et de nullité du protocole au motif, notamment, que l’employeur n’avait pas rapporté la preuve de ce que le système de vote électronique utilisé pour les opérations électorales n’avait pas subi de modification substantielle.
Le Tribunal judiciaire rejette la demande du syndicat au motif que ledit syndicat ne rapporte pas la preuve de ce que la version du système de vote électronique utilisée pour les élections litigieuses constituait une modification substantielle de la version précédente qui avait été expertisée.
Le syndicat forme un pourvoi.
Il fait grief au Tribunal judiciaire d’avoir renversé la charge de la preuve en sollicitant du syndicat qu’il prouve que la nouvelle version du système de vote électronique avait subi une modification substantielle. Pour le syndicat, il appartenait à l’employeur, qui entend se dispenser de la réalisation d’une expertise, d’établir que le système de vote électronique utilisé n’a pas subi de modification substantielle depuis la dernière expertise indépendante à laquelle il a été soumis.
Par une décision du 26 mars 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour constate que :
Elle en conclut que le syndicat ne rapporte pas la preuve de ce que la version utilisée constitue une modification substantielle de sa conception, condition nécessaire pour qu’une opération d’expertise soit diligentée avant chaque scrutin.
Note : pour rappel, le Conseil d’Etat a une position plus extensive des dispositions de l’article R. 2314-12 du Code du travail ; position qui n’est pas partagée par la Cour de cassation. En effet, dans une décision de 2015 (CE, 11 mars 2015, n° 368748), le Conseil d’État a considéré que l’utilisation d’un système de vote électronique pour les élections professionnelles suppose la réalisation d’une expertise indépendante :
Enfin, rappelons que la CNIL met à disposition une fiche pratique présentant une méthodologie en deux temps (grille d’analyse pour déterminer le niveau de sécurité à respecter et niveaux d’objectifs de sécurité avec des exemples de moyens à mettre en œuvre) (Délibération du 25 avril 2019) En savoir plus
Dans cette affaire, un salarié, titulaire d’un mandat de représentant de section syndicale, est licencié pour motif économique après autorisation de l’inspecteur du travail.
Il saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes et notamment de dommages-intérêts pour nullité du licenciement.
En effet, le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir organisé la visite médicale de reprise à l’issue de son arrêt de travail lié à un accident du travail, si bien qu’au moment de son licenciement, son contrat de travail était encore suspendu.
Débouté par la Cour d’appel, il forme un pourvoi en cassation.
L’employeur forme un pourvoi incident.
Il fait grief à la Cour d’appel de l’avoir débouté de la fin de non-recevoir fondée sur l’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait rejeté la demande d’annulation de l’autorisation de licencier.
Par décision du 26 mars 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle que « si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment le non-respect par l’employeur des dispositions des articles L. 1226-7 et L. 1226-9 du Code du travail en l’absence de visite de reprise après l’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ».
La Cour de cassation casse l’arrêt et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel autrement composée.
Note : Cet arrêt constitue une nouvelle illustration de l’application du principe de la séparation des pouvoirs s’agissant d’un salarié protégé dont le licenciement a été autorisé par l’Administration (voir également l’octroi de dommage -intérêts en réparation du préjudice subi en conséquence de l’attitude discriminatoire de l’employeur qui avait refusé de reprendre le salarié à mi-temps en dépit des préconisations du médecin du travail Cass. Soc., 10 février 1999, n° 95-43.561) ou encore, la reconnaissance d’un harcèlement moral en dépit de l’autorisation de licenciement et ce, compte tenu de précédentes sanctions disciplinaires que le juge judiciaire avait estimé non justifiées (Cass. Soc., 1er juin 2023, n° 21-19.649).
Dans cette affaire, un salarié, directeur des partenariats et des relations institutionnelles, est licencié pour faute grave.
Il lui est reproché son comportement « harcelant » (ex : envoi massif de messages sur la messagerie professionnelle, ou d’appels téléphoniques) vis-à-vis d’une collègue de travail avec laquelle il avait entretenu une relation intime à laquelle cette dernière avait mis fin.
Le salarié conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale.
La Cour d’appel le déboute de ses différentes demandes.
La Cour considère, en effet, que constitue un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, le fait, pour un salarié dans une position hiérarchique élevée, d’instaurer une pression à l’égard d’une salariée sur le lieu et le temps du travail dans le but d’obtenir une explication sur la fin de leur relation et dans le but d’entretenir une relation en dépit du refus clairement exprimé par cette dernière.
La Cour d’appel relève qu’une telle attitude est de nature à porter préjudice tant aux relations professionnelles qu’à la santé psychique de la salariée.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Au soutien de son pourvoi, il fait valoir que :
Par une décision du 26 mars 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi en s’appliquant à rattacher les faits reprochés, qui relevaient de la vie personnelle du salarié, à la vie de l’entreprise.
La Cour relève ainsi que :
Suivant l’appréciation des juges du fond, la Cour de cassation constate que les griefs formulés caractérisent un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités et qu’une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.
Note : pour rappel, l’employeur est tenu d’une obligation de prévention des risques professionnels et du harcèlement au titre de son obligation générale de protection des salariés (c.trav. art.L 4121-1), mais également de la prévention du harcèlement sexuel (c.trav. art. L. 1153-5) et du harcèlement moral (c.trav art. L. 1152-4 ). C’est d’ailleurs sur le fondement de ce dernier article que la Cour de cassation a récemment admis que le risque de harcèlement sexuel des salariés de l’entreprise pouvait caractériser l’impossibilité de réintégrer le salarié protégé mis à pied conservatoire dont l’autorisation de licenciement avait été refusée. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a fait passer l’obligation d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs avant celle née de l’obligation de réintégrer le salarié protégé dont le licenciement est refusé (Cass.Soc., 8 janvier 2025 n°23-12.754).
Dans cette affaire, un salarié, chef des ventes, saisit la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire ainsi qu’en paiement de diverses sommes avant d’être finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Entre autres demandes, le salarié réclamait le versement d’une somme à titre d’indemnité d’occupation du domicile personnel à des fins professionnelles, demande à laquelle la Cour d’appel accède.
L’employeur forme un pourvoi en cassation sur le fondement de la prescription : il reproche à la Cour d’appel d’avoir appliqué la prescription quinquennale de droit commun attachée aux actions indemnitaires (article 2224 du code civil) et non la prescription de deux ans applicable aux demandes portant sur l’exécution du contrat de travail (l’article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail).
Par décision du 19 mars 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa des articles L. 1471-1, alinéa 1er et L. 1222-9 I, alinéa 1er, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012,.
Après avoir défini le télétravail, la Cour de cassation constate que l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée donnant droit à une indemnité à ce titre dès lors « qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ».
La Cour de cassation conclut que l’action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d’exécution du contrat de travail est soumise à la prescription de deux ans de l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail.
Note : la question du droit à indemnisation de l’immixtion du domicile privé du salarié en télétravail n’était pas l’objet du pourvoi qui portait, entre autre, sur le délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité.
Toutefois, il convient de s’interroger sur la portée de la formule retenue par la haute juridiction qui considère que l’indemnité d’occupation de domicile est due non seulement lorsque aucun local professionnel n’est mis à la disposition du salarié mais également dans le cas où « (…) il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ». Doit-on conclure de cette formule qu’une telle indemnité est due pour toutes les situations de télétravail ? seulement celles imposées par l’employeur ? ou encore celles où aucun local de travail n’est mis à sa disposition ? En l’espèce, le salarié se trouvait dans cette dernière hypothèse : responsable régional d’une société spécialisée dans la fabrication, l’importation et l’exportation de bières, le contrat de travail prévoyait que le salarié exerçait son activité majoritairement itinérante à partir de son domicile, l’employeur ne disposant d’aucun autre établissement sur le territoire national que son siège social situé en région parisienne. Toutefois, une telle hypothèse justifiait le droit à une indemnité d’immixtion sans qu’il soit besoin, pour la Cour de cassation, de faire la précision commentée. Des précisions de la Cour de cassation seront donc les bienvenues.
Dans cette affaire, un employeur demande l’autorisation de licencier un salarié titulaire d’un mandat de conseiller du salarié.
Dans l’attente de la décision de l’administration, il prononce sa mise à pied conservatoire. L’autorisation de licencier ayant été refusée, il informe le salarié du rétablissement de ses accès informatiques et lui rappelle que sa présence aux réunions commerciales est obligatoire.
Estimant que le salarié n’a pas repris le travail, l’employeur engage la procédure de présomption de démission de l’article L. 1237-1-1 du code du travail par l’envoi d’une mise en demeure de « justifier son absence ou de reprendre son poste » puis par l’envoi d’une lettre recommandée l’informant qu’il est réputé démissionnaire.
Le salarié est, peu de temps après, placé en arrêt maladie.
Il saisit la section des référés du Conseil de prud’hommes qui prononce la nullité de la rupture du contrat de travail et ordonne sa réintégration.
L’employeur interjette appel. il soutient que :
Par une décision du 6 mars 2025, la Cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance de référé en ce qu’elle prononce la nullité de la rupture du contrat de travail et ordonne la réintégration du salarié.
La Cour d’appel se prononce sur la procédure applicable aux salariés protégés contre lesquels l’employeur envisage de faire jouer la présomption de démission.
La Cour d’appel :
Note : il convient de porter une attention particulière à la lettre de mise en demeure : en effet, la Cour de cassation constate qu’en demandant au salarié de « justifier son absence ou de reprendre son poste», la lettre de mise en demeure ne reprenait pas la formule de l’article R. 1237-13 alinéa 1 qui impose à l’employeur de demander au salarié «de justifier son absence et de reprendre son poste». Est-ce à dire que cette simple irrégularité serait de nature à écarter la présomption de démission ? la Cour d’appel ne répond pas à cette question. En tout état de cause, il convient de rappeler que par une décision du 18 décembre 2024 (n° 473640, 473680, 473392, 475097, 475100, 475194), le Conseil d’Etat a précisé que, pour que la démission du salarié puisse être présumée, ce dernier doit être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail sauf motif légitime justifiant son absence.
Dans cette affaire, un salarié, licencié pour faute grave, saisit la juridiction prud’homale pour contester la régularité de la procédure, estimant que le délai de cinq jours ouvrables entre la présentation de la convocation et la date de l’entretien préalable n’avait pas été respecté.
Le salarié faisait valoir qu’il avait retiré le pli recommandé contenant la convocation le 23 décembre 2017, que les deux jours suivants – un dimanche et un jour férié (Noël) – n’étaient pas ouvrables, et que l’entretien avait eu lieu le 29 décembre, soit avant l’expiration du délai légal.
Les premiers juges rejettent sa demande. La Cour d’appel de Paris confirme cette décision, en retenant que l’article L1232-2 du Code du travail fait courir le délai non à compter du retrait du pli, mais de sa présentation, intervenue en l’espèce le 22 décembre 2017. Dès lors, elle estime que l’employeur a respecté les délais légaux et rejette la demande du salarié, suivant ainsi les premiers juges.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 12 mars 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation :
En l’occurrence, l’entretien ne pouvait se tenir avant le 2 janvier 2018 pour que le salarié puisse bien bénéficier de 5 jours ouvrables pleins entre la présentation et la date de l’entretien.
Note : Cette décision de cassation rappelle l’importance de bien veiller au respect des règles légales de décompte du délai de convocation à l’entretien préalable, en tenant également compte des délais postaux (cf. un autre exemple récent sur les formalités de convocation à entretien préalable : Cass. soc., 11 décembre 2024, n°22-18.362, cf. Actu-tendance n°756).
Dans cette affaire, un salarié technicien de maintenance de données reconnu travailleur handicapé, est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.
L’avis d’inaptitude précise expressément que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Avant toute décision de l’employeur, le salarié saisit le conseil de prud’hommes afin de contester cet avis médical. Il est ensuite licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Plus de huit mois après, à l’issue d’une procédure d’expertise médicale, le conseil de prud’hommes annule la dispense de reclassement figurant dans l’avis initial et conclut à une inaptitude au poste d’origine, mais à une aptitude à des postes administratifs ou techniques sous réserve d’aménagements.
S’appuyant sur cette nouvelle décision, le salarié saisit à nouveau la juridiction prud’homale pour contester son licenciement, qu’il estime nul en raison d’une discrimination liée à son handicap.
La cour d’appel lui donne raison. Elle reproche à l’employeur d’avoir poursuivi la procédure de licenciement sur la base d’un avis médical contesté en justice, sans justifier de motifs objectifs l’ayant conduit à ne pas attendre l’issue du recours. Elle considère que l’employeur n’a pas démontré avoir pris toutes les mesures possibles pour maintenir le salarié dans l’emploi, et déclare la rupture discriminatoire, donc nulle.
L’employeur se pourvoit en cassation. Il fait valoir que la contestation de l’avis d’inaptitude ne suspend ni la procédure de licenciement, ni la possibilité de rompre le contrat sur le fondement de l’avis médical alors en vigueur. Il rappelle également que l’avis initial le dispensait de toute recherche de reclassement.
Par une décision du 19 mars 2025, la Cour de cassation :
Note : En validant la possibilité pour l’employeur de procéder au licenciement d’un salarié inapte malgré un recours pendant contre l’avis médical, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure à la réforme du 8 août 2016, qui a transféré la compétence en matière de contestation des avis d’aptitude de l’inspecteur du travail au conseil de prud’hommes (Cass. soc., 19-2-1992, n°88-40.670).
Dans une telle situation, la Cour de cassation estimait que le licenciement intervenu sur la base d’un avis d’inaptitude ultérieurement annulé n’était pas nul, mais privé de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 31 mars 2016, n°14-28.249).
Dans un contexte de renforcement des moyens accordés à la défense nationale, le Décret n°2025-263 du 21 mars 2025 étend le recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) à certaines missions de soutien assurées par l’armée française.
Désormais, ce type de contrat pourra être utilisé pour les emplois liés aux activités définies à l’article L3421-1 du Code de la défense, en particulier ceux concernant l’appui logistique et la fourniture de services, de denrées et de matériels destinés aux forces armées en opération extérieure.
Pris à l’initiative du ministère du Travail, ce décret modifie le Code du travail afin de tenir compte des besoins spécifiques des armées en matière de flexibilité contractuelle.
Pour rappel, à la différence du CDD classique, le CDDU présente plusieurs spécificités :
La liste actualisée des secteurs dans lesquels l’usage du CDD d’usage est autorisé est la suivante :
Dans cette affaire, une société, confrontée à une baisse significative de ses parts de marché, a initié une réorganisation afin d’assurer la pérennité de son activité. Dans ce cadre, elle a proposé à ses salariés une modification de leur contrat de travail portant sur la répartition géographique et la rémunération.
Par décision du 19 septembre 2016, devenue définitive à la suite d’un jugement du tribunal administratif du 24 janvier 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Provence-Alpes-Côte d’Azur a homologué le document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif.
Les salariés concernés, licenciés pour motif économique le 18 novembre 2016, ont contesté la validité de ces licenciements devant la juridiction prud’homale, soutenant que la situation économique de l’entreprise à la date du licenciement ne justifiait pas la mesure. Les salariés mettaient ainsi en avant au titre de l’année 2015 une croissance supérieure de 10% à celle du marché, un gain de parts de marchés en pharmacie en volume et en valeur par rapport 2014, une amélioration de la compétitivité de la société au moment du licenciement par rapport à 2014.
Toutefois, la cour d’appel a relevé que l’employeur justifiait d’une détérioration structurelle de ses parts de marché en France de 2002 à 2016, celles-ci étant passées de 28,1 % en 2002 à 13,3 % en 2014, conformément à une étude publiée en décembre 2014.
En outre, cette perte de compétitivité n’avait pas pu être compensée par les performances des filiales européennes, elles-mêmes confrontées à une baisse d’activité et de chiffre d’affaires.
La Cour d’Appel avait également retenu que les causes à l’origine de cette perte de compétitivité étaient notamment l’intensification de la concurrence sur le secteur d’activité de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit ainsi qu’une absence de lancement de nouveaux produits apparaissant dans le top 10 du marché depuis plusieurs années.
Les salariés ont formé un pourvoi en cassation, arguant que la cour d’appel aurait méconnu l’article L. 1233-3 du Code du travail en se fondant sur des éléments économiques antérieurs à la date des licenciements.
Par un arrêt publié du 12 mars 2025, la Chambre sociale rejette le pourvoi et retient que la Cour a pu déduire de ses constatations et énonciations, l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité auquel appartient l’entreprise de nature à justifier une réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir, sans que la Cour ne se substitue à l’employeur dans ses choix stratégiques.
Il est à noter que la Cour avait relevé des éléments d’appréciation de cette menace antérieurs à 2016 mais également concomitants à la date des licenciements.
Note : La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser qu’une réorganisation de l’entreprise peut justifier des licenciements pour motif économique lorsqu’elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise quand elle est mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi (Cass. Soc., 11 janv. 2006, no 05-40.977).
La Cour a considéré que la réorganisation est justifiée par les pertes d’exploitation au niveau de l’entreprise et du groupe (Cass. soc., 28 mai 2008, n°07-41.064) ; ou des nouvelles contraintes légale et l’ouverture du marché à la concurrence (Cass. soc., 2 mars 2010, no 08-45.553).
Il a été jugé que l’amélioration du résultat lors du licenciement n’excluait pas forcément des difficultés économiques et que la Cour devait rechercher, comme il lui était demandé, si les difficultés économiques ne résultaient pas d’une dégradation persistante depuis plusieurs années des indicateurs économiques invoqués par l’employeur, tels la baisse de ses recettes, des pertes d’exploitation ou des résultats fortement déficitaires en 2015, et si l’amélioration du résultat enregistrée l’année suivante n’était pas liée aux mesures de réorganisation d’ores et déjà mises en œuvre. (Cass. Soc. 6-12-2023 n° 22-11.507 F-D507 F-D BS 2/24 inf. 123)
A l’inverse, il a été jugé que la cour d’appel constatant que la situation de l’entreprise s’était améliorée à l’époque des licenciements a fait ressortir que la menace pesant sur sa compétitivité n’était pas établie (Cass. Soc. 13-5-2009 n° 07-43.314 F-D, Sté Banides et Debeaurain c/ B).
À la suite de leur licenciement pour motif économique, des salariés ont assigné leur ancien employeur au paiement de dommages intérêts en raison de la suppression de leur véhicule de fonction avant le terme du congé de reclassement.
Les salariés considéraient qu’ils pouvaient se prévaloir des dispositions du droit commun régissant la période de préavis, et en particulier concernant la dispense du préavis par l’employeur qui ne doit entrainer aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis (C. trav., art. L. 1234-5, al. 2).
Les salariés ont été déboutés devant la Cour d’appel et ont décidé de former un pourvoi en cassation.
Par un arrêt publié du 12 mars 2025, la Chambre sociale rejette le pourvoi et indique que l’employeur n’est plus tenu aux avantages en nature, soit au maintien du véhicule de fonction, pour la période du congé de reclassement qui excédait le préavis.
La Cour de cassation conclut que pour la période dépassant la durée du préavis, les salariés ne peuvent pas prétendre au maintien des avantages en nature mais seulement au versement de l’indemnité prévue à l’article L.5123-2 du Code du travail.
Cette indemnité prévoit que le salarié bénéficie d’une allocation spécifique de reclassement à la charge de l’employeur, dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne précédant la notification du licenciement.
Cette indemnité n’est plus considérée comme un salaire, mais comme un revenu de remplacement.
Il convient donc d’opérer une distinction selon la période du congé de reclassement.
Note : La Cour de cassation avait déjà opéré une distinction concernant le congé de reclassement en matière de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Il avait été jugé que la prime était due au salarié en congé de reclassement, mais seulement pour la période de congé correspondant à celle du préavis (Cass. soc., 19 avr. 2023, nº 21-23.092 B).
Il résulte de l’article 1001 du code général des impôts, applicable en 2013 et 2014, que le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d’assurances (TSCA) est réduit de 9 à 7 % pour les contrats d’assurance maladie “solidaires”. Répondent à cette exigence les contrats frais de santé et/ou couvrant l’arrêt de travail relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative à la condition que :
Lorsque ces contrats comportent des exclusions de garantie et que le dommage corporel couvert par l’assurance présente un lien avec l’état de santé de l’assuré antérieur à la souscription de la garantie, ils ne bénéficient pas du taux réduit de TSCA. En effet, dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, l’assureur sollicitera nécessairement de l’assuré des informations sur son état médical antérieur audit sinistre, ce qui conditionnera l’accès à la garantie. (Cass. Civ. 2ème, 12 février 2025, n°23-21.613)
NB. La solution serait différente pour les contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire qui sont responsables, puisque les cotisations ou les primes ne sont pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré et leurs garanties respectent les conditions mentionnées au même article L. 871-1.
Dans cette affaire, une salariée, responsable administrative se voit prescrire un mi-temps thérapeutique.
Elle est, par la suite, placée en arrêt maladie et saisit un mois plus tard, la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail.
Elle est finalement licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement deux ans plus tard.
Entre autres demandes, la salariée sollicite le versement d’un reliquat de son indemnité de licenciement.
Elle considère en effet que le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le placement du salarié en temps partiel thérapeutique.
Elle est déboutée de sa demande. La Cour d’appel considère, en effet, que le salarié à temps partiel pour motif thérapeutique ne peut prétendre à ce que le montant de l’indemnité de licenciement soit calculé sur la base des salaires qui auraient été perçus à temps plein.
Elle forme un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 5 mars 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et juge que lorsque le salarié se trouve en arrêt maladie à la date de son licenciement, cet arrêt faisant suite à une période de temps partiel thérapeutique, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique.
Note : La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul des indemnités réclamées était celui perçu antérieurement à l’arrêt maladie (Cass.Soc., 23 mai 2017, n° 15-22.223) et antérieurement au mi-temps thérapeutique (Cass.Soc., 12 juin 2024 n° 23-13.975) qui avait précédé le licenciement. La présente décision va plus loin en neutralisant toutes les périodes pendant lesquelles la salariée n’avait pas perçu un salaire normal.
Dans la première affaire, un ingénieur commercial soumis à une convention de forfait en jours est licencié.
Il saisit la juridiction prud’homale de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat et notamment d’une demande d’inopposabilité de la convention de forfait en jours.
La Cour d’appel fait droit à sa demande : elle constate que l’employeur n’a pas respecté l’accord qui instituait le forfait et plus précisément qu’il s’est abstenu de contrôler que la charge de travail du salarié était raisonnable, le droit à la déconnexion respecté ou encore la tenue d’entretiens annuels portant sur l’exécution de la convention de forfait organisée.
La Cour d’appel déboute, en revanche, le salarié de sa demande de dommages-intérêts, reprochant au salarié de ne pas avoir rapporté la preuve :
Le salarié forme un pourvoi.
Il soutient que le non-respect, par l’employeur, des dispositions légales conventionnelles relatives au forfait en jours qui ont pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos lui cause nécessairement un préjudice.
Dans la seconde affaire, une salariée, chargée d’affaires, est licenciée pour insuffisances professionnelles.
Une convention de forfait en jours avait été conclue conformément aux dispositions de la convention Syntec dont les dispositions avaient été invalidées.
Elle saisit la juridiction prud’homale entre autres demandes, d’une demande de nullité de la convention de forfait en jours conclue et de dommages-intérêts.
La Cour d’appel juge la convention nulle mais déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention au motif qu’elle ne justifie pas d’un préjudice qu’elle aurait subi, autre que celui déjà réparé par l’octroi d’un rappel au titre de ses heures supplémentaires.
La salariée forme un pourvoi. Elle soutient que :
Pour la salariée, l’ensemble de ces manquements lui cause un préjudice excédant le simple rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées.
Par deux arrêts du 11 mars 2025 publiés au bulletin, la Cour de cassation rejette les pourvois dans les mêmes termes.
Après avoir rappelé :
le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.
La Cour de cassation affirme ensuite que de tels manquements :
– n’ouvrent pas, à eux seuls, droit à réparation,
– qu’il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait,
– que dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, les juges du fond avaient constaté que les salariés ne rapportaient pas cette preuve.
Note : Il convient de noter que la Cour de cassation refuse de suivre l’avis de l’avocat général qui souhaitait faire de cette hypothèse (avis de l’avocat général publié dans la première espèce), un nouveau cas de préjudice nécessaire. L’avocat général justifiait cette position en constatant que « l’ensemble des dispositions relatives aux durées de travail et aux repos ont fait l’objet, dans la jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation, d’une reconnaissance d’un cas de préjudice nécessaire (ex : en cas de dépassement de la durée quotidienne ou hebdomadaire du travail effectif (Soc, 13 janvier 2010, n° 08-43.201 et Soc, 7 décembre 2010, n° 09-40.750), du dépassement des durées maximales, du non-respect d’une période de repos journalier obligatoire en tant que ces règles “participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la Directive 2003/88/CE“.
La Cour de cassation ne suit pas cette analyse et entend marquer son souhait, semble-t-il, de limiter le périmètre de reconnaissance du « préjudice nécessaire ».
A la suite des élections de la délégation du personnel au sein du comité social et économique (CSE), un syndicat saisit le Tribunal judiciaire aux fins d’annulation de l’élection d’un salarié, dernier élu titulaire dans le premier collège, sur une liste concurrente au motif du non-respect, par cette liste, des règles sur la parité.
Le Tribunal judiciaire rejette la demande du syndicat après avoir constaté que l’irrégularité de la liste n’avait pas affecté la validité de l’élection du salarié qui en était issu. En effet, selon le tribunal, seuls neuf candidats ayant été élus sur cette liste qui en comptait 14, de sorte que le candidat surnuméraire du sexe masculin surreprésenté sur la liste n’avait pas été élu ;
Le syndicat forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que le constat du non-respect, par une liste de candidats, du nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective au sein du collège électoral doit entraîner l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats litigieuse de sorte que le tribunal aurait dû annuler l’élection du salarié qui était le dernier élu du sexe masculin surreprésenté sur la liste.
Par une décision du 26 février 2025 la Cour de cassation casse la décision.
La Cour de cassation rappelle que les dispositions de l’article L. 2314-30 sont d’ordre public absolu.
Ainsi, en présence d’un candidat de sexe masculin en surnombre sur la liste incomplète, le juge devait annuler l’élection du dernier élu de sexe masculin en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats, soit celle du salarié visé par le syndicat requérant.
Note : il s’agit d’une confirmation (voir par exemple Cass. Soc., 17 avril 2019 n° 18-60.145). Le juge n’a pas d’autre choix que celui d’annuler l’élection. La Cour de cassation a en revanche admis que le Tribunal judiciaire peut être saisi, avant l’élection, d’une contestation relative à la composition des listes de candidats en application de l’article L. 2314-30 du Code du travail et déclarer la liste de candidats irrégulière, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation (voir par exemple Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-26.568).
Dans cette affaire, une salariée exerçant les fonctions de pharmacienne assistante est convoquée le 22 juin 2018 à un entretien préalable à un licenciement au cours duquel lui est remis le dossier relatif au CSP ainsi que le document sur les motifs économiques de la rupture envisagée.
Le 11 juillet 2018, la salariée adhère au CSP.
Le même jour, l’employeur lui adresse une lettre recommandée l’informant de la priorité de réembauchage dont elle bénéficie pendant un an à compter de la date de rupture du contrat de travail.
La salariée conteste la légitimité de son licenciement.
La Cour d’appel fait droit à sa demande et considère que le licenciement prononcé à l’encontre de la salariée est sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que le défaut d’information de la salariée ayant adhéré à un CSP de sa priorité de réembauchage ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais justifie l’octroi de dommages-intérêts pour autant que la salariée est en mesure de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice.
Par décision du 26 février 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour de d’appel et rappelle que :
La Cour de cassation renvoie les parties devant une autre Cour d’appel.
Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. Soc., 30 janvier 2019 n° 17-27796). La Cour de cassation avait par ailleurs déjà eu l’occasion de préciser que le fait que le bénéfice de la priorité de réembauche n’ait été porté à la connaissance du salarié que postérieurement à son acceptation du CSP n’entraîne pas le versement de l’indemnité spécifique d’un mois de salaire minimum prévue par l’article L. 1235-13 du code du travail. La présente décision vient, à cet égard, compléter la jurisprudence, de plus en plus fournie, qui exclut la notion de « préjudice automatique » et impose que le salarié qui sollicite une indemnisation, soit en mesure de rapporter la preuve d’un préjudice
Enfin, rappelons que l’avenant n° 9 du 22 novembre 2024 à la convention du 26 janvier 2015, relative au CSP a prolongé ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2025.
Dans cette affaire, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail.
Le 17 mars 2017, il est convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 mars suivant.
Le même jour, soit le 17 mars, l’employeur convoque les délégués du personnel pour le 31 mars 2017.
Le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 mars 2017.
Il conteste son licenciement considérant que la consultation des délégués du personnel était tardive.
Il est débouté de ses demandes.
La Cour d’appel retient, en effet, que l’absence de proposition de reclassement compatible avec l’absence de mobilité géographique du salarié dispensait l’employeur de procéder à une consultation des délégués du personnel.
Pour la Cour, si les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail imposent une consultation des délégués du personnel avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l’absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l’article L. 1226-12 du même code.
La Cour précise par ailleurs qu’en tout état de cause, la tardiveté de la consultation des représentants du personnel avait été sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.
Le salarié forme un pourvoi en cassation. Il soutient que l’employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d’engager la procédure de licenciement d’un salarié inapte même s’il n’identifie pas de poste de reclassement.
Par une décision du 5 mars 2025 publiée au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.
Faisant une stricte application de l’article L 1226-10 du code du travail, la Cour de cassation juge que même si l’employeur n’est pas en mesure de proposer une mesure de reclassement au salarié déclaré inapte, il a néanmoins l’obligation de consulter les délégués du personnel.
La Cour de cassation renvoie les parties devant une autre Cour d’appel.
Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence. En effet, sauf dans l’hypothèse d’une dispense de reclassement formulée par le médecin du travail, la consultation des élus du personnel est obligatoire et ce, alors même qu’il est impossible de proposer un reclassement au salarié (voir notamment Cass. 20 septembre 2020, n° 19-16488).
Dans cette affaire, l’un des 28 comités sociaux et économiques d’établissement (CSEE) d’une société chargée d’assurer la gestion du réseau français de distribution d’électricité, organise ses élections.
Compte tenu du nombre d’ingénieurs et de cadres, le scrutin se déroule dans trois collèges.
Lors de la mise en place de la CSSCT qui suit les élections, le CSEE désigne les quatre membres de la CSSCT dans les premier et deuxième collèges. Aucun siège n’est attribué à un élu du troisième collège.
Un syndicat représentant les cadres ainsi que deux salariés élus dans le collège cadre saisissent le Tribunal Judiciaire aux fins d’annulation de la délibération. Ils considèrent qu’un des sièges aurait dû être réservé à un élu issu du troisième collège.
Le Tribunal Judiciaire les déboute de leur demande.
En effet, il précise que tel que rédigé, l’article L. 2315-39 du code du travail n’impose pas la désignation d’un élu du troisième collège mais uniquement la possibilité d’en désigner un.
Pour le Tribunal, en présence d’un troisième collège, le siège doit être attribué soit à un représentant du personnel du collège agent de maîtrise, soit à un représentant du personnel du collège cadre.
A l’appui de cette interprétation, le Tribunal procède à une lecture par analogie avec l’article R. 4613-1 (abrogé) qui organisait la composition du CHSCT en réservant un certain nombre de sièges, aux salariés «appartenant au personnel de maîtrise ou des cadres » sans distinction entre les deux.
Le syndicat et les élus cadres forment un pourvoi en cassation.
Ils soutiennent qu’en présence d’un collège cadre au CSEE, l’article L. 2315-39 précité impose la présence d’un représentant de ce collège au sein de la CSSCT.
Par décision du 26 février 2026 publiée au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse sans renvoi le jugement du Tribunal et annule la délibération du CSEE, rappelant que l’article L.2315-39 du Code du travail est d’ordre public.
Ainsi selon la Haute juridiction, si troisième collège électoral est institué, un siège au moins à la commission santé, sécurité et conditions de travail doit être attribué à un élu au CSE représentant ce collège.
Note : cette affaire fait écho à une affaire jugée par la Cour d’appel d’Aix en Provence (CA Aix-en-Provence 23 juillet 2023 n° 22/10423).
Dans cette affaire, la Cour d’appel avait jugé D’une part, qu’il n’y a pas de siège réservé pour le collège cadre, le CSE pouvant désigner un représentant soit du 2e, soit du 3e collège,
D’autre part, que l’alinéa 2 de l’article L 2315-39 du code du travail impose que la CSSCT doit être composée au minimum de trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant non ouvrier ou employé.
La Cour d’appel avait conclu que la CSSCT ne pouvait être composée uniquement d’élus du 2ème collège comme c’était le cas en l’espèce.
Au regard de la décision de la Cour de cassation commentée, il est probable qu’une telle solution soit censurée.
Enfin, précisons que dans une décision du même jour (Cass soc 26 février 2025 n° 23-20.714), la Cour de cassation, juge que la contestation de la désignation d’un membre du CSSCT relève de la compétence du Tribunal Judiciaire statuant en dernier ressort, la décision n’étant susceptible que d’un pourvoi en cassation.
Dans cette affaire, une salariée, animatrice socioculturelle informe son employeur de sa grossesse le 28 mai 2018.
Elle est licenciée pour faute grave le 4 juillet suivant.
La salariée conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale.
Infirmant la décision des premiers juges, la Cour d’appel sanctionne par la nullité le licenciement notifié par le directeur de l’association en l’absence de délégation du pouvoir de licencier de ce dernier et condamne l’association au versement de l’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts.
La salariée est en revanche déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction pour la période allant du 4 juillet 2018 (date de son licenciement) au 12 mars 2019 (date de fin du congé maternité).
La Cour d’appel justifie sa décision par l’absence de précision, de tout fondement juridique à l’appui de sa demande et l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice distinct de celui qui est réparé par les dommages-intérêts.
L’employeur et la salariée forment un pourvoi en cassation :
Par un arrêt du 12 février 2025 publié au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation :
Note : s’agissant des conséquences de l’absence d’une délégation de pouvoir, il convient de noter que la Cour de cassation se prononce contre l’avis de l’avocat général qui considérait que pour prononcer la nullité du licenciement le juge doit nécessairement constater soit l’absence de faute grave, soit que la faute est en lien avec l’état de grossesse. Constatant que la Cour d’appel n’avait pas procédé à cette recherche, l’avocat général concluait donc à la cassation.
S’agissant du droit, pour la salariée licenciée alors qu’elle se trouvait en état de grossesse médicalement constaté, à réclamer une indemnité d’éviction, il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass .Soc., 6 novembre 2024 n°23-14.706).
Dans cette affaire un directeur des ventes est placé en arrêt de travail pour maladie.
Il est déclaré inapte suivant un avis rédigé en ces termes : « inapte à la reprise du poste occupé. L’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ».
Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Il est débouté de sa demande.
Il forme un pourvoi en cassation et soutient que conformément aux termes de l’article L. 1226-2-1 du code du travail, l’employeur est dispensé de toute recherche de reclassement du salarié inapte si figure dans l’avis du médecin du travail, la mention expresse que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
Or, selon le salarié, l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail ne reprenant pas à l’identique la formule visée à l’article L. 1226-2-1 du code du travail, l’employeur n’était pas dispensé d’une recherche de reclassement de sorte que le licenciement prononcé sans qu’il n’ait été procédé à une telle recherche était sans cause réelle et sérieuse.
Par un arrêt du 12 février 2025 publié au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision des juges du fond qui ont constaté que la formule utilisée par le médecin du travail pour dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement, bien qu’elle n’ait pas été rédigée en des termes identiques, était équivalente à la mention de l’article L. 1226-2-1 du code du travail.
Note : cette affaire semble marquer une inflexion avec la jurisprudence récente de la Chambre sociale qui semblait faire une lecture stricte de l’avis du médecin du travail voire, exiger une exacte reproduction, dans l’avis d’inaptitude, des mentions prévues à l’article L. 1226-2-1 du code du travail.
C’est ainsi qu’elle a pu juger que n’était pas dispensé de son obligation de rechercher un poste de reclassement, l’employeur en présence d’un avis mentionnant que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise, alors qu’était constaté un groupe de reclassement (Cass. soc. 8 février 2023 n° 21-11.356), que tout maintien dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé (Cass. soc. 13 septembre 2023 n° 22-12.970) ou encore après avoir constaté que le médecin du travail avait coché la case de l’avis d’inaptitude relative à la dispense de reclassement en limitant cet avis à un seul site (Cass. soc. 13 décembre 2023 n° 22-19.603).
En conclusion, il convient de faire preuve de la plus grande vigilance dans l’interprétation de l’avis du médecin du travail et notamment dans l’hypothèse où ce dernier ne reprend pas exactement la mention légale. En cas de doute, il est fortement conseillé de le solliciter afin d’obtenir des précisions sur la teneur de son avis.
Dans cette affaire, une entreprise publique envisage la réorganisation de deux de ses sites impliquant notamment une délocalisation des agents sur un troisième site.
Les CHSCT des sites concernés engagent une procédure d’alerte pour danger grave et imminent.
Les enquêtes menées par les chefs des deux établissements concernés ayant abouti à un désaccord, les CHSCT décident d’engager une procédure judiciaire.
Ils saisissent le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins :
Le même jour, ont lieu les déménagements sur le site visé.
Le tribunal saisi par les CHSCT sollicite, pour avis, la Cour de cassation afin d’être éclairé sur sa compétence dans une telle hypothèse.
Par un avis du 12 février 2025 publié au bulletin , la Cour de cassation :
Or, la Cour de cassation rappelle qu’il entre dans les prérogatives du CHSCT de décider d’une expertise pour risque grave sur le fondement de l’article L. 4614-12,1°du code du travail (demeuré applicable à l’établissement public et devenu article 2315-94 pour le CSE) de sorte que la compétence du juge judiciaire saisi pour prononcer une mesure d’expertise sur le fondement de l’article L. 4132-4 du code du travail doit être écartée.
Concrètement, le CHSCT aurait dû voter le principe et désigner un bureau d’études sur le fondement de son droit à expertise pour risque grave, à charge pour l’employeur d’en contester le principe devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.
Dans le cadre de cette action de l’employeur, le président du tribunal judiciaire aurait alors eu compétence pour caractériser le risque grave.
En conséquence, une telle demande ne peut être formulée que par l’inspecteur du travail à l’exclusion d’une saisine du CHSCT (et donc du CSE).
Dans le cadre de l’action engagée par l’inspecteur du travail, le juge saisi peut se prononcer sur l’existence ou non d’un danger grave et imminent.
Note : la procédure d’alerte pour « danger grave et imminent » doit être distinguée du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, ouvert par l’article L.2312- 59 du code du travail. Cette action permet à un membre de la délégation du personnel au CSE, s’il constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, de saisir l’employeur, à charge pour lui, de procéder à une enquête.
En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de l’atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre du CSE (si le salarié ne s’y oppose pas), saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser l’atteinte.
Cet article prévoit donc expressément la possibilité de saisine de la juridiction par le CSE ainsi que la nature des mesures qu’elle peut ordonner.
Dans cette affaire, un salarié saisit la juridiction prud’homale, après son départ à la retraite, aux fins qu’il soit constaté qu’il a subi, durant sa carrière, une discrimination en raison de son origine et de ses activités syndicales.
Il est débouté par le juge de la mise en état de sa demande de communication de pièces relatives à la situation de salariés auxquels il se compare.
Constatant que le salarié ne communiquait aucune information sur les emplois et la rémunération des collègues dont il cite les noms, la Cour d’appel rejette l’existence d’une discrimination.
Le salarié forme un pourvoi. Il reproche à la Cour d’appel :
Par un arrêt du 5 février 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle :
Sur le fond, la Cour de cassation estime que les décisions de l’employeur étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination dès lors :
Note : par un arrêt de 2009, la Cour de cassation avait déjà estimé que le juge apprécie souverainement l’opportunité de recourir à des mesures d’instruction (Cass. Soc., 4 février 2009 n° 07-42.697).
On rappellera également que le salarié s’estimant victime d’une discrimination a la possibilité d’utiliser le référé probatoire (article 145 du code de procédure civile) pour contraindre l’employeur, avant tout procès, à fournir les pièces permettant de l’établir. La Cour de cassation a en effet estimé, dans une série d’arrêts du 22 septembre 2021 (n° 19-26.144 à 19-26.149) que cette procédure ne peut être jugée inutile et donc écartée au motif que l’article L. 1134-1 du Code du travail prévoit un aménagement de la charge de la preuve en manière de discrimination.
Dans ces deux affaires, deux salariées sont licenciées.
L’une d’elles avait deux ans d’ancienneté, l’autre, un mois.
Les salariées saisissent la juridiction prud’homale aux fins de voir juger leur licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts.
Dans les deux arrêts, alors que le licenciement avait effectivement été jugé sans cause réelle et sérieuse, les salariées sont déboutées par la Cour d’appel (de Fort de France pour l’une et de Saint Denis de la Réunion pour l’autre) de leur demande de dommages et intérêts au motif qu’elles ne faisaient la démonstration d’aucun préjudice.
Les salariées forment un pourvoi estimant que la seule perte injustifiée de leur emploi leur cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.
Par deux décisions du 29 janvier 2025, la Cour de cassation casse les arrêts de la Cour d’appel au motif que dès lors que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que la réintégration n’est pas envisageable, l’indemnisation s’impose dans les conditions prévues à l’article L. 1235-3 du code du travail sans que le salarié ait à prouver un préjudice
Par ailleurs, dans la seconde affaire la Cour de cassation estime que lorsque le salarié a moins d’une année d’ancienneté, le salarié peut prétendre à une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant maximum d’un mois de salaire dont il appartient au juge de déterminer le montant.
Note : la Cour de cassation avait déjà jugé que le licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse cause nécessairement un préjudice au salarié dont le juge apprécie l’étendue (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-19524).
Dans le cadre des contentieux, les employeurs ont toutefois toujours un intérêt à relever l’absence de démonstration par le salarié d’un préjudice.
En effet, si le juge doit a minima ordonner le paiement de dommages et intérêts conformes au plancher prévu par le barème, il conserve la faculté d’en moduler le montant en fonction du préjudice réel subi par le salarié.
Dans cette affaire, la chronologie est la suivante :
L’association est déclarée irrecevable comme forclose au motif que le président du tribunal judiciaire a été saisi par assignation délivrée le 19 avril suivant soit, au-delà du délai de 10 jours fixé par l’article R 2315-49 du code du travail.
L’association forme un pourvoi en cassation et soutient qu’en application des articles 641 et 642 du code de procédure civile, le délai pour contester la nécessité de l’expertise commençait à courir le 7 avril, soit, le lendemain de la délibération et s’achevait le 19 avril à minuit, les 16, 17 et 18 avril tombant respectivement un samedi, un dimanche et un jour férié (lundi de Pâques).
Par un arrêt du 5 février 2025 publié au bulletin, la Cour de cassation casse la décision du Tribunal judiciaire.
la Cour de cassation accueille l’interprétation de l’employeur et constate :
Note : c’est la première fois que la Chambre sociale se prononce sur la computation du délai de 10 jours de l’article R 2315-49 du code du travail en matière d’expertise.
Elle avait déjà eu l’occasion de faire application des articles 641 et 642 du code de procédure civile s’agissant de la computation du délai de 5 jours entre la remise de la convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement et cet entretien (Cass. Soc., 20 décembre 2006, n° 04-47.853), du délai de quinze jours pour contester les élections professionnelles (Cass. Soc., 10 mars 2016, n° 15-20.937), pour contester la désignation d’un délégué syndical (Cass. Soc., 29 octobre 2003, n° 02-60.705, 02-60.702) ou encore du délai de dix jours pour former un pourvoi en matière d’élections professionnelles (Cass. Soc., 29 novembre 2017, n° 16-60.301).
La loi 2016-547 du 18 novembre 2016 a ouvert aux syndicats représentatifs (et à certaines associations) la faculté d’intenter une action de groupe au nom de plusieurs salariés s’estimant victimes d’une discrimination directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à un même employeur, en vue de la faire cesser ou d’obtenir réparation des préjudices subis (C. trav. art. L 1134-6 à L 1134-10) (voir actu tendance n° 752).
Cette action de groupe en matière de discrimination est toutefois limitée aux faits ou manquements générateurs survenus après le 20 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de cette loi (Loi 2016-1547 art. 92, II).
C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a été saisie, en décembre 2024, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par la CGT qui précisément invoquait des faits antérieurs au 20 novembre 2016.
La Cour d’appel de Paris, faisant application de la loi, avait en effet écarté les faits antérieurs au 20 novembre 2016 et jugé qu’aucun élément de fait postérieur à la date d’entrée en vigueur de la loi sur l’action de groupe ne permettait de présumer l’existence d’une discrimination.
Les syndicats requérants ont donc soumis une QPC en alléguant que l’article 92 II de la loi précitée portait atteinte « au principe d’égalité des justiciables devant la loi en ce qu’elles excluent par principe, les seules actions de groupe en matière de discrimination du bénéfice du principe selon lequel une loi de procédure est immédiatement applicable aux faits antérieurs à son entrée en vigueur […] ».
En effet, les actions de groupe en matière de consommation, de santé et de protection des données personnelles couvrent, elles, les faits antérieurs à la date d’adoption de la loi qui les a instituées.
Par une décision du 6 février 2025, le Conseil constitutionnel juge la disposition contestée conforme à la Constitution.
D’une part, le Conseil constitutionnel constate que les actions de groupe en matière de consommation et de santé résultent de lois successives ayant un objet différent.
D’autre part, le Conseil constitutionnel se réfère aux travaux préparatoires de la loi du 18 novembre 2016 pour dire qu’en excluant de l’application immédiate, l’action de groupe en matière de discrimination à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi, le législateur a entendu permettre aux entreprises de se préparer à la mise en œuvre d’une nouvelle voie de droit ouverte aux victimes pour obtenir la réparation de leurs préjudices.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel constate que l’action de groupe en matière de discrimination et celle en matière de protection des données à caractère personnel instituées par la même loi se distinguent, au regard de la nature des faits sur lesquels elles portent, des règles particulières de procédure applicables à chacune d’entre elles et de leur objet.
Pour le Conseil constitutionnel, l’action de groupe en matière de protection des données à caractère personnel tend exclusivement à la cessation des manquements, alors que l’action de groupe en matière de discrimination peut également tendre à la réparation des préjudices subis.
Ainsi, la différence de traitement est fondée sur une différence de situation qui est en rapport avec l’objet de la loi.
Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle que les victimes de faits constitutifs d’une discrimination peuvent, quelle que soit la date de leur commission, agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices subis.
Dans cette affaire, un salarié technico-commercial itinérant à temps plein fait l’objet d’une suspension administrative de son permis de conduire pour une durée de trois mois à la suite d’un excès de vitesse lors d’un déplacement professionnel.
Il reconnaît les faits et propose des solutions à son employeur pour poursuivre son activité.
Pour autant, il est convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire. Il est finalement licencié pour faute grave.
Il conteste son licenciement devant les juridictions prud’homales.
Tout en reconnaissant l’impossibilité théorique, pour le salarié, d’exercer son activité professionnelle, la Cour d’appel fait droit à ses demandes et condamne l’employeur à diverses sommes en raison du licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient qu’est constitutif d’une faute grave le fait, pour un technico-commercial dont les fonctions impliquent l’utilisation quotidienne d’un véhicule, de se rendre coupable d’un excès de vitesse le privant de son permis de conduire pendant plusieurs mois, et ce, peu important son ancienneté, l’absence de passé disciplinaire, le fait qu’il ait pu proposer des solutions alternatives à son employeur pour se véhiculer le temps de la suspension de son permis, ou encore le fait que cet excès de vitesse soit isolé.
Par une décision du 22 janvier 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi et constate comme la Cour d’appel avant elle que :
En conséquence, la Cour de cassation confirme l’interprétation faite par les juges du fond qui ont constaté que si la commission d’un excès de vitesse par un salarié devant utiliser sa voiture dans le cadre de ses fonctions méritait bien une sanction, son comportement ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.
Note : cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence pragmatique de la Cour de cassation. Ainsi, dans un arrêt de 2016, la Cour de cassation a pu juger qu’un licenciement ne peut être envisagé que si le salarié ne peut plus travailler du fait de la suspension ou du retrait du permis de conduire (Cass. Soc., 15 avr. 2016, no 15-12.533). Il est donc nécessaire que la suspension ou le retrait de permis ait des conséquences sur la bonne exécution du contrat de travail et qu’elle cause un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise. Toutefois, même dans une telle hypothèse, le licenciement n’est pas automatique si, par exemple, le salarié a pu proposer des solutions alternatives pour continuer à travailler.
Dans cette affaire, les salariés d’une succursale bancaire exercent leur droit de grève dans un contexte de restructuration. Ils reprochent à l’employeur de refuser de communiquer aux représentants du personnel les informations relatives aux conséquences de la restructuration.
Le syndicat, ainsi que les grévistes, demandent dès lors à l’employeur de payer les salaires correspondant aux jours de grève.
Devant le refus opposé par l’employeur, un syndicat saisit le tribunal judiciaire afin qu’il soit ordonné à l’employeur de verser :
Débouté par le tribunal et la Cour d’appel, le syndicat forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que la demande en paiement de rappels de salaire et de primes dont les salariés grévistes ont été privés ne tend pas à la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés mais repose sur un intérêt collectif.
Par décision du 22 janvier 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation :
Note : dans un arrêt du 22 novembre 2023 (n° 22-11.238 et 22-14.807), la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une inégalité de traitement et demander, outre l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée. La Cour de cassation jugeait en revanche irrecevables les demandes tendant à voir l’employeur régulariser les situations individuelles des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.
Dans cette affaire, un protocole d’accord préélectoral conclu en vue de l’élection des membres de la délégation du personnel au CSE fixe le calendrier suivant :
Un syndicat adresse sa liste de candidats à l’employeur par courriel du 15 mai à 21h40.
L’employeur décide de ne pas tenir compte de cette candidature, constate la carence de candidature syndicale pour le premier tour et organise le second tour.
Le 22 juin 2023, soit avant la tenue du second tour, le syndicat saisit le tribunal de proximité d’une contestation de la validité des élections et de l’annulation des futures élections du second tour.
Le 21 juillet 2023, le tribunal de proximité annule les élections du CSE qui se sont déroulées le 30 juin 2023 et demande l’organisation de nouvelles élections au besoin en établissant un nouveau PAP.
L’employeur se pourvoit en cassation et soutient que :
Par un arrêt publié au bulletin du 22 janvier 2025, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Au visa de l’article R. 2314-24 du code du travail, la Cour de cassation précise que lorsque la contestation porte sur le défaut de prise en compte d’une candidature syndicale et l’absence d’organisation du premier tour, la contestation n’est plus recevable au-delà d’un délai de quinze jours suivant la publication du procès-verbal de carence.
Ainsi, il en résulte que celui qui saisit le tribunal judiciaire d’une telle contestation est recevable à demander, dans la même requête, l’annulation des élections à venir en conséquence de l’organisation contestée d’un second tour, sans avoir à réitérer cette demande dans le délai de quinze jours suivant les élections.
La cour de cassation constate que le syndicat n’avait d’autre choix que celui de demander, dans la même requête, l’annulation des élections à venir (celles du 2ème tour) au risque, s’il ne le faisait pas, de se voir opposer la tardiveté de sa requête s’il avait attendu la proclamation des résultats du 2nd tour pour contester l’élection.
Note : dans une décision du 12 mai 2021 (n° 19-23.428, Publiée au bulletin), la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’il résultait de l’article R. 2314-24 du code du travail que celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander, l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée, sans avoir à réitérer cette demande après les élections. La décision commentée s’inscrit dans la même logique.
A l’occasion d’une croisière en Floride offerte aux lauréats d’un concours interne à l’entreprise, une salariée est débarquée du bateau puis rapatriée avant d’être licenciée pour faute. Il lui est reproché d’avoir fumé le narguilé dans sa cabine en présence d’une autre salariée enceinte et d’avoir obstrué le détecteur de fumée afin de ne pas être repérée.
La salariée conteste son licenciement devant les juridictions prud’homales.
La Cour d’appel fait droit aux demandes de la salariée après avoir constaté que cette dernière ne se trouvait pas, au moment des faits, au temps du travail de sorte qu’elle ne se trouvait soumise à aucun lien de subordination, pas plus qu’aux règles en vigueur au sein de l’entreprise.
La Cour d’appel constate également que la société échoue à démontrer l’existence d’un trouble caractérisé.
La société est condamnée à la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur se pourvoit en cassation et soutient que :
Par un arrêt du 22 janvier 2025 publié au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.
La Chambre sociale rappelle :
D’une part, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
D’autre part, qu’un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise, résultant d’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié, ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire.
Confirmant l’analyse des juges du fond, la Cour de Cassation constate que bien qu’organisé par l’employeur, il s’agissait d’un voyage touristique de sorte que la salariée ne se trouvait pas au temps et lieu de travail et n’était soumise à aucun lien de subordination pas plus qu’elle ne l’était aux règles en vigueur au sein de l’entreprise.
La Cour de cassation conclut enfin que le fonctionnement de l’entreprise avait été « peu influencé » par l’opinion des membres de l’équipage informés de l’incident, ni par les commentaires éventuels des passagers, mais également que l’employeur ne donnait aucune explication sur les éventuels effets de l’usage ou de l’exposition du narguilé sur la santé de la personne qui partageait la cabine de la salariée, de sorte que l’existence d’un trouble objectif n’était pas caractérisée.
Note : dans un arrêt de 2014 aux faits comparables à l’arrêt commenté, la Cour de cassation avait adopté une position inverse en considérant que les faits de menaces, insultes et comportements agressifs commis à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d’un « challenge » national interne à l’entreprise et à l’égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachaient à la vie de l’entreprise de sorte que le licenciement pour faute grave était justifié (Cass. Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n°13-16793).
Un salarié, engagé en qualité de technicien est licencié pour faute grave pour avoir indûment sollicité et obtenu le remboursement de frais professionnels (repas et hôtels), alors même qu’il rentrait à son domicile.
Dans le cadre de la procédure de contestation du licenciement engagée par le salarié, l’employeur a formulé une demande reconventionnelle visant à obtenir le remboursement des frais professionnels indûment versés au salarié.
Confirmant la décision des premiers juges, la Cour d’appel, tout en constatant le caractère indu des frais dont le salarié a obtenu le remboursement, rejette néanmoins la demande au motif que le salarié n’engage sa responsabilité civile à l’égard de son employeur qu’en cas de faute lourde. Or, en l’espèce, le salarié avait été licencié pour faute grave.
L’employeur forme un pourvoi.
Il soutient que la responsabilité pécuniaire du salarié résultant de sa faute lourde n’est pas une condition du remboursement, par ce dernier, des sommes indûment perçues au titre de frais professionnels injustifiés.
Par un arrêt du 15 janvier 2025, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel retenant que l’absence de faute lourde imputable au salarié ne fait pas obstacle à la demande de répétition de l’indu de l’employeur. Les parties sont renvoyées devant la Cour d’appel autrement composée.
Note : dans un arrêt du 8 novembre 2023 (n° 22-10.384), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser, à propos d’une salariée qui avait utilisé la carte carburant fournie par son entreprise durant ses congés, alors que celle-ci n’était supposée couvrir que les dépenses réalisées à des fins professionnelles, que « l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu ». Il importait donc peu, en l’espèce, que l’employeur ait omis de notifier les conditions d’utilisation de la carte. Cette omission fautive de l’employeur n’était pas de nature à exonérer la salariée de son obligation de restituer les sommes, et ce, alors même qu’elles avaient été reçues par erreur, et que la salariée ignorait leur caractère indu.
Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de technicien, position 3.3 coefficient 500.2, exerce une pluralité de mandats qui l’amène à y consacrer 41 % de son temps de travail en 2019 puis, à compter de l’année 2020, à la suite de la réduction du nombre de ses mandats, plus que 24 heures par mois.
En 2019, alors qu’il est toujours en poste, il saisit la juridiction prud’homale pour solliciter la fixation de son salaire de référence, en application du mécanisme de garantie d’évolution salariale prévu par l’article L. 2141-5-1 du code du travail, en tenant compte des augmentations accordées aux salariés de l’entreprise en raison d’une promotion.
La Cour d’appel fait droit à sa demande et condamne l’employeur au versement de rappels de salaire au titre des années 2018, 2019, 2020 et de janvier 2021 à mars 2023.
La société forme un pourvoi en cassation et soutient que :
Par un arrêt du 22 janvier 2025 publié au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Interprétant l’article L.2141-5-1 du code du travail à la lumière de l’étude d’impact relative à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 qui a créé ce texte, ainsi que des travaux parlementaires, la Cour de cassation juge qu’en l’absence de tout salarié relevant de la même catégorie professionnelle, l’évolution de la rémunération du salarié doit être déterminée par référence aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles résultent d’une promotion entraînant un changement de catégorie professionnelle.
Note : dans une décision de 2023 (Cass. Soc., 20 décembre 2023, n° 22-11.676, publiée), la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’apporter deux précisions : d’une part, sur la notion de « salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable » : pour la Cour de cassation, il faut comprendre « les salariés qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l’entreprise pour le même type d’emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période ». D’autre part, s’agissant de la période d’appréciation des augmentations, l’article L. 2141-5-1 indique que les représentants des travailleurs doivent bénéficier d’une évolution de rémunération au moins égale, « sur l’ensemble de la durée de leur mandat », aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles. La chambre sociale a jugé que la comparaison des évolutions salariales doit se faire annuellement et non en fin de mandat.
A l’occasion du premier tour des élections organisé au sein d’une UES, un syndicat informe l’employeur de la désignation de deux salariés, simples adhérents, en qualité de délégués syndicaux.
Les salariés désignés n’ayant pas été candidats au premier tour des élections professionnelles, l’employeur saisit le tribunal de proximité aux fins d’annulation de ces désignations.
Le tribunal fait droit à sa demande après avoir constaté que les 28 candidats du syndicat susceptibles d’être désignés en priorité délégués syndicaux avaient :
Les salariés et leur syndicat forment un pourvoi en cassation.
Ils soutiennent que :
Par un arrêt du 22 janvier 2025 publié au bulletin, la Chambre sociale rejette le pourvoi et confirme la décision du tribunal qui a considéré qu’un salarié ne peut par avance, renoncer au droit d’être désigné délégué syndical qu’il tient des dispositions d’ordre public de l’article L. 2143-3 du code du travail lorsqu’il a obtenu un score électoral d’au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections.
Constatant que les 28 candidats du syndicat avaient renoncé à leur droit de priorité avant même le premier tour des élections et qu’aucun d’entre eux n’avait confirmé cette renonciation après le premier tour, le tribunal a pu en déduire que ces renonciations n’étaient pas valables et prononcer l’annulation des désignations.
Note : La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que la renonciation écrite de l’élu ou du candidat doit intervenir avant la désignation (Cass. soc., 9 juin 2021, n°19-24.678). Ainsi, pour être valable, la renonciation au droit prioritaire de désignation en tant que délégué syndical doit être faite, par écrit, après le premier tour des élections professionnelles et avant la désignation du délégué.
Dans cette affaire, le président-directeur général ainsi que plusieurs dirigeants d’une grande société ont instauré, à compter de 2006, une politique d’entreprise qui a touché un quart de leurs salariés. Celle-ci impliquait notamment :
– un plan de réduction d’effectifs visant 20 000 agents ;
– un plan de mobilité interne concernant 10 000 agents.
A la suite d’une plainte déposée par un syndicat, la société ainsi que plusieurs cadres dirigeants, dont le président-directeur général du groupe, ont été mis en examen, puis condamnés, notamment, du chef de harcèlement moral ou complicité de ce délit pour la période 2007 et 2010.
La Cour d’appel a reconnu l’existence d’un harcèlement moral institutionnel qu’elle a défini comme « des agissements définissant et mettant en œuvre une politique d’entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d’une collectivité d’agents, agissements porteurs, par leur répétition, de façon latente ou concrète, d’une dégradation, potentielle ou effective, des conditions de travail de cette collectivité et qui outrepassent les limites du pouvoir de direction ».
Plusieurs prévenus ont formé un pourvoi en cassation, faisant valoir, en substance, que :
Par un arrêt rendu le 21 janvier 2025 publié au bulletin et mentionné au rapport, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette les pourvois et juge que :
La Chambre criminelle conclut que « les décisions prises par les prévenus ainsi que les propos publics qu’ils ont tenus au cours de la période de prévention, qui démontraient une conduite du groupe dépassant les limites admissibles de leur pouvoir de direction et de contrôle respectif, étaient constitutifs d’un harcèlement moral institutionnel ».
Note : après la Cour d’appel, la Cour de cassation reconnaît, pour la première fois, la notion de harcèlement moral institutionnel. Cette reconnaissance s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence relative au « harcèlement de meute » qui permet de condamner pénalement une personne pour harcèlement même en l’absence d’agissements répétés de sa part, dès lors que son intervention s’inscrit dans le cadre d’un mouvement collectif dit de « meute » (par exemple, l’envoi d’un message haineux sur les réseaux sociaux dans un contexte de cyber-harcèlement (Cass. crim., 29 mai 2024, n° 23-80.806). La Cour d’appel de Paris a également reconnu l’existence d’un « harcèlement d’ambiance », à propos d’une salariée qui, en raison de la configuration de son poste en open space ne pouvait pas s’abstraire de son environnement et ignorer les images à caractère sexuel et les propos sexistes échangés ce qui était de nature à porter atteinte à sa dignité en créant un environnement hostile, dégradant, humiliant et offensant. (CA Paris 6 novembre 2024 n°21/10408).
Dans cette affaire, un salarié décède alors qu’il effectuait une opération de maintenance sur une grue à tour, louée par son employeur à la société qui l’utilisait pour les besoins d’un chantier.
Le tribunal correctionnel, suivi par la Cour d’appel, a condamné l’employeur de la victime ainsi que la société utilisatrice de la grue pour non-respect des règles de sécurité lors de l’exécution de travaux de maintenance et pour homicide involontaire.
Les deux sociétés ont formé un pourvoi, soutenant notamment que :
Par un arrêt publié du 14 janvier 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la règle selon laquelle, l’obligation d’établir un PPSPS s’applique à l’ensemble des entreprises dont les travaux, qu’ils soient directs ou indirects, concourent à la réalisation de l’opération de construction.
Note : Le PPSPS permet de :
Il convient de ne pas confondre le PPSPS avec le plan de prévention, qui est obligatoire en cas de travaux d’entretien, de maintenance ou de prestations de services réalisés chez un donneur d’ordre par une ou plusieurs entreprises.
Le non-respect de l’obligation de mettre en œuvre un PPSPS expose l’entreprise à une amende de 9 000 euros, portée à 15 000 euros en cas de récidive.
Un rapport de l’IGAS formule 20 recommandations visant à promouvoir le travail à temps partiel choisi tout en limitant ses effets négatifs pour les salariés.
Parmi les mesures proposées figurent notamment :
Le rapport propose également des mesures pour améliorer les conditions des salariés en situation de temps partiel contraint et fragmenté :
Enfin, le rapport préconise de privilégier la voie de l’accord national interprofessionnel plutôt que celle de l’adoption d’une loi pour mettre en œuvre ces recommandations.
Dans un contexte de dégradation de la conjoncture économique et d’extinction progressive du dispositif d’activité partielle longue durée, le Gouvernement a proposé la mise en place d’un nouveau dispositif intitulé « activité partielle de longue durée rebond », destiné à préserver l’emploi des salariés des entreprises en difficulté.
Il est par ailleurs précisé que ce dispositif est conditionné à la prise par l’employeur d’engagements ambitieux en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle.
Les employeurs devront transmettre leurs accords collectifs ou documents unilatéraux à l’autorité administrative, en vue de leur validation ou homologation, durant une période allant du 1er mars 2025 jusqu’à une date qui sera fixée par voie réglementaire, et au plus tard le 28 février 2026.
Dans cette affaire, une société de transport et de services est mise en redressement judiciaire par jugement du 14 mars 2017.
La Cour d’appel :
L’AGS forme un pourvoi en cassation et soutient que :
Par un arrêt du 8 janvier 2025, publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation rappelle, tout d’abord, sa jurisprudence antérieure qui excluait de la garantie, les créances résultant d’une prise d’acte ou d’une résiliation judiciaire du contrat de travail.
La Cour de cassation se réfère ensuite à la directive relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et à l’interprétation qui en a été faite par la CJUE laquelle, s’oppose, compte tenu des finalités de la directive, à ce qu’il soit fait une différence de prise en charge par la garantie des salaires selon que la rupture du contrat de travail résulte d’une décision de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur ou du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat, décision justifiée par la juridiction nationale.
La Cour de cassation, qui constate que la prise d’acte de la rupture pendant la période d’observation était justifiée et s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, confirme la décision de la Cour d’appel.
Note : dans une décision datée du même jour, la Cour de cassation étend la solution à la résiliation judiciaire intervenue pendant la période couverte par l’AGS et prononcée en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat (Cass. Soc., 8 janvier 2025 n° 23-11.417). Il s’agit dans les deux cas, d’un revirement de jurisprudence. Par ces décisions, la Cour de cassation s’aligne sur la position adoptée par la CJUE en février 2024 à l’occasion d’une question préjudicielle. La CJUE avait jugé contraire à la directive n° 2008/94 du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur l’exclusion des salariés ayant pris acte de la rupture de leur contrat de travail (CJUE, 22 février 2024, n°C-125/23).
Un salarié, reconnu travailleur handicapé en 2010, est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 17 janvier 2017.
L’indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due est calculée conformément à l’article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui prévoyait une minoration de l’indemnité dans les conditions suivantes :
Sans que cette indemnité puisse être inférieure à l’indemnité légale de licenciement.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes et, notamment, d’un rappel d’indemnité de licenciement. Il considère en effet que la minoration appliquée à son indemnité de licenciement est discriminatoire.
La Cour d’appel le déboute de ses demandes après avoir constaté que cette différence de traitement :
Le salarié forme un pourvoi en cassation. Il reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si :
Par décision du 8 janvier 2025, publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Au visa de l’article L. 1133-2 du code du travail interprété à la lumière de l’article 6 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui a constaté que les dispositions conventionnelles litigieuses étaient appropriées et nécessaires de sorte qu’elles ne constituaient pas une discrimination à raison de l’âge.
Note : il s’agit d’une décision conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (voir notamment Cass. Soc., 17 novembre 2010 n° 09-42.071) mais également de la CJUE qui avait admis une différence de traitement fondée sur l’âge à propos d’un régime de prévoyance sociale d’entreprise prévoyant, pour les travailleurs âgés de plus de 54 ans licenciés pour motif économique, que le montant de leur indemnité devait être calculé en fonction de la première date possible de départ à la retraite, contrairement à la méthode standard de calcul qui leur était pourtant plus favorable (CJUE, 6 décembre 2012, Baxter, aff. C-152/11). La CJUE insistait sur le fait que la disposition litigieuse était le fruit d’un accord négocié entre les représentants des employés et ceux des employeurs. Les dispositions relatives à la minoration de l’indemnité de licenciement, à partir de 61 ans, en fonction de l’âge du salarié au moment de son licenciement ont d’ailleurs été reprises à l’identique dans la nouvelle convention collective de la Métallurgie en vigueur depuis le 1er janvier 2024.
A l’occasion de l’élection des membres du CSE, un protocole d’accord préélectoral fixe, outre la proportion d’hommes et de femmes de chaque collège et la répartition des sièges par sexe au sein de ces collèges, l’ordre d’alternance des candidats soit :
Le syndicat UNSA conteste les résultats : il considère en effet qu’un des sièges du 3ème collège aurait dû lui revenir et par conséquent être attribué à sa candidate.
Le syndicat saisit le tribunal aux fins de voir déclarée élue sa candidate et rectifié le procès-verbal des élections.
Sa requête est rejetée au motif que la liste déposée ne respecte pas les dispositions du protocole d’accord relatives à l’alternance, à savoir, dans ce collège, l’alternance H-F-H.
Le syndicat forme un pourvoi et soutient qu’il n’appartient pas au protocole préélectoral de fixer l’ordre de l’alternance des candidats ; en effet, pour le syndicat, la règle de l’alternance n’impose pas que le premier candidat de la liste soit d’un sexe déterminé ni qu’il appartienne au sexe majoritaire.
Par décision du 8 janvier 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse et annule la décision du tribunal judiciaire.
La Cour de cassation rappelle que les règles relatives à la représentation équilibrée entre hommes et femmes telles qu’édictées à l’article L. 2314-30 du code du travail sont d’ordre public absolu et que le protocole préélectoral ne peut y déroger.
Se référant à sa jurisprudence passée, la Cour de cassation rappelle néanmoins que
ce texte n’impose pas de position ou d’ordre pour l’alternance de sorte que le protocole d’accord préélectoral ne pouvait imposer aux organisations syndicales un ordre d’alternance.
L’affaire est donc renvoyée pour être rejugée.
Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (voir notamment Cass. Soc., 27 mai 2020, n° 19-60.147 ou Soc., 17 mars 2021, n° 19-23.344). Il convient de rappeler que le 6° de l’article L. 2314-30 du code du travail prévoit une exception : lorsque l’application des règles de représentation équilibrée conduit à exclure totalement l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté mais dans ce cas, ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
Dans cette affaire, un salarié, directeur exécutif et opérationnel d’une société, est licencié le 25 janvier 2017. Son contrat de travail comportait une clause de non concurrence d’une durée de 24 mois.
Le salarié conteste la validité de son licenciement devant la juridiction prud’homale. Les parties parviennent ensuite à un accord, homologué par le Conseil de prud’hommes, le 20 octobre 2017, aux termes duquel il était prévu que la clause de non-concurrence continuerait de recevoir application jusqu’à son terme (soit jusqu’au 24 janvier 2019).
A compter du mois d’octobre 2018, l’employeur cesse de verser la contrepartie financière au salarié.
Le salarié saisit à nouveau la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement du solde de la contrepartie financière.
Confirmant la décision des premiers juges, la Cour d’appel le déboute de ses demandes.
La Cour constate en effet qu’en mars 2017, le salarié s’était inscrit au répertoire Sirene afin d’exercer une activité professionnelle libérale puis que, le 20 octobre 2017, il avait créé une société, directement concurrente de l’employeur.
Au titre de la violation de la clause de non concurrence, la Cour condamne le salarié à restituer l’ensemble des sommes brutes réglées à titre d’indemnité de non-concurrence depuis le début d’application de la clause, soit, depuis janvier 2017.
Pour la Cour, le salarié qui viole, même momentanément l’obligation de non-concurrence, perd son droit à indemnité et doit rembourser les sommes versées à ce titre.
Enfin, selon la Cour, la clause pénale avait pu être valablement mise en œuvre par l’employeur sans mise en demeure préalable, dès lors que l’obligation pesant sur le salarié n’était pas, depuis le début, exécutée.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que la perte du droit à l’indemnité de non-concurrence ne vaut que pour l’avenir et à compter du jour où la violation de l’obligation de non-concurrence est constatée, soit, au plus tôt, le 20 octobre 2017, date à laquelle il a été constaté que le salarié avait créé une société.
Par un arrêt du 18 décembre 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles 1103 du code civil et 1221 -1 du code du travail et rappelle le principe selon lequel, la perte du droit à l’indemnité de non-concurrence ne vaut que pour l’avenir et à compter du jour où la violation de l’obligation de non-concurrence a été constatée.
L’affaire sera rejugée devant la Cour d’appel de Toulouse.
Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence. Dans un arrêt du 24 janvier 2024, la Cour de cassation avait par ailleurs jugé que la violation de la clause de non concurrence ne permettait plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière et ce, alors même que la violation de l’obligation de non concurrence avait cessé (hypothèse où le salarié aurait cessé la concurrence soit de son propre chef, soit après l’intervention de son ancien employeur ou d’une décision de justice)( Cass. Soc., 24-1-2024 n° 22-20.926).
Dans cette affaire, un employeur cesse de verser à l’une de ses salariés la prime d’ancienneté conventionnelle, à compter de l’année 2015, après avoir constaté qu’elle ne remplissait pas les conditions pour en bénéficier.
La salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande en rétablissement de la prime d’ancienneté et en paiement d’un rappel de cette prime depuis 2015.
Elle est déboutée de sa demande au motif qu’il n’était pas justifié qu’elle avait atteint le niveau de rémunération exigé conventionnellement pour bénéficier de cette prime. Pour la Cour d’appel, l’erreur de l’employeur a porté sur le versement d’une allocation conventionnelle qui ne revêt pas le caractère d’une prime, et n’est constitutive ni d’un droit acquis ni d’un usage et ce, alors même que l’erreur aurait perduré dans le temps ;
La salariée se pourvoit en cassation.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir que constitue un élément de rémunération dont le paiement est obligatoire pour l’employeur, indépendamment des stipulations du contrat de travail, l’élément de salaire versé au salarié avec constance et régularité ;
Or, l’employeur lui avait versé une prime d’ancienneté de manière constante pendant plusieurs années sans tenir compte de son niveau de rémunération.
Par décision du 4 décembre, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond, au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
La Cour constate que l’allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l’employeur de 1994 à 2014, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, un élément de rémunération de la salariée.
Note : il s’agit d’une confirmation de jurisprudence : la Cour de cassation avait déjà jugé que les primes d’équipe et de casse-croûte versées par erreur, pendant 7 ans, à un salarié à la suite d’un défaut de paramétrage de son logiciel de paie et alors même que le salarié n’y était pas éligible, étaient devenues partie intégrante de la rémunération du salarié de sorte que leur suppression constituait une modification unilatérale du contrat de travail, qui nécessitait son accord préalable (Cass. Soc. 13-12-2023 n° 21-25.501). La même solution a été retenue s’agissant de la mention, dans le contrat de travail, d’une rémunération exprimée en net : pour la Cour de cassation, il ne s’agissait pas d’une erreur de plume, mais d’un engagement de l’employeur qui nécessitait l’accord du salarié pour qu’il y soit mis un terme (Cass.Soc., 14 décembre 2022, 21-17.171)
Rappel : L’article L.2315-94 1° du code du travail prévoit que le CSE peut faire appel à un expert « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ».
Il appartient au CSE, qui se prévaut d’un risque grave justifiant le recours à un expert, de fournir les éléments de preuve de l’existence d’un tel risque. La jurisprudence exige des éléments établis, pertinents et corrélés entre eux.
Un CSE peut-il produire, à l’appui de sa demande d’expertise pour risque grave, des attestations anonymisées ?
L’affaire concerne la société Gaz réseau distribution France (GRDF) laquelle dispose d’un comité social et économique central (CSEC) et de sept comités d’établissements (CSEE),
Lors d’une réunion du 24 novembre 2022, l’un des CSEE décide de recourir à une expertise pour risque grave.
A l’appui de sa demande, le CSE produit, entre autres éléments de preuve, de nombreuses attestations anonymisées démontrant une altération des conditions de travail des chargés d’affaires s’illustrant par une surcharge de travail, des moyens professionnels défaillants et inadéquats, une pression managériale constante dans un climat de tensions ;
La société saisit le président du Tribunal judiciaire, selon la procédure accélérée au fond, de demandes tendant à écarter des débats les témoignages anonymes produits par le comité et à annuler la délibération du 24 novembre 2022.
Dans le cadre de l’action judiciaire initiée par l’employeur, le CSE avait transmis au seul Tribunal judiciaire, les éléments de nature à identifier les témoins et les relier à leurs attestations.
Le Tribunal déclare ces attestations irrecevables au motif que ces pièces n’avaient pas été débattues contradictoirement par la société GRDF pour établir ou démentir le risque grave pour la santé des chargés d’affaires. Pour le Tribunal, la communication anonymisée ne permettait pas à la société de vérifier si les témoignages présentés à l’appui de l’allégation de risque grave émanent de salariés exerçant les fonctions de chargés d’affaires, ou de salariés faisant partie de ceux à l’encontre desquels une procédure disciplinaire a été conduite.
Le CSEE forme un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du juge.
Le CSEE soutient que le principe du contradictoire ne fait pas obstacle à ce que, en présence d’un risque de représailles pour les salariés témoins, soient produites des attestations anonymisées dont seul, le juge pourra identifier l’identité des auteurs dès lors que ces attestations sont corroborées par d’autres éléments de preuve ;
Pour le CSEE, la production d’attestations anonymisées avait vocation à prévenir le risque de représailles contre les salariés sans pour autant priver la société de la possibilité d’en discuter contenu.
Dans un arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation casse la décision du Tribunal judiciaire au visa des articles 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit à un procès équitable et les articles 15 et 16 du code de procédure civile.
Pour la Cour de cassation, le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés afin de protéger les salariés ayant témoigné d’éventuelles représailles, dès lors qu’ils sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.
La cassation du chef de dispositif de l’ordonnance ayant déclaré irrecevables les témoignages litigieux entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant annulé la délibération du comité du 24 novembre 2022, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Note : La Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’admettre que le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés, « lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence » (Soc. 19 avr. 2023 n° 21-20.308). Dans d’autres hypothèses, c’est le juge lui-même qui exigera l’anonymisation des données. Ainsi par exemple, pour prouver le nombre d’adhérents pour constituer une section syndicale, le juge exige que le syndicat rapporte les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise, « à l’exclusion des éléments susceptibles de permettre l’identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance » (Soc. 8 juill. 2009 n° 09-60.011).
Dans cette affaire, un salarié qui exerçait, en dernier lieu, les fonctions de conseiller du président, se voit notifier son licenciement pour faute lourde en raison d’une part, de son refus de collaborer avec la nouvelle direction et d’autre part de ses propos critiques et dénigrants visant la société et ses dirigeants.
Il saisit la juridiction prud’homale aux fins de contestation de son licenciement.
La Cour d’appel le déboute de ses demandes mais requalifie la faute lourde en faute grave.
La Cour relève notamment que :
Le salarié se pourvoit en cassation en soutenant que :
Par décision du 11 décembre 2024, publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi, en écartant les arguments du salarié.
Ainsi, pour la haute Cour :
Note : La Chambre sociale affine sa jurisprudence récente qui considérait nul comme portant atteinte à la vie privée, le licenciement fondé sur des échanges d’emails entre collègues envoyés depuis l’ordinateur professionnel du salarié. Dans cette affaire, la Cour constatait que les emails, bien qu’échangés à partir de la messagerie professionnelle, l’avaient été dans un cadre strictement privé et étaient sans rapport avec l’activité professionnelle de sorte qu’aucun manquement aux obligations contractuelles du salarié ne pouvait lui être reproché (Cass. soc., 25 septembre 2024, n°22-11.860). Dans l’affaire commentée ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre dernier, la Cour relève au contraire, que les échanges étaient bien en rapport avec l’activité professionnelle du salarié.
Un salarié, manager opérationnel confirmé au sein d’une chaîne de restauration rapide et cumulant les mandats de délégué du personnel et délégué syndical se voit notifier une mise à pied disciplinaire de 5 jours.
Il saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir l’annulation de cette mise à pied et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes.
La Cour d’appel fait droit à sa demande, annule la mise à pied et condamne l’employeur à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire.
La Cour juge en effet que la mise à pied disciplinaire emporte une modification de la rémunération du salarié et de la durée du travail pendant sa durée d’application de sorte qu’il appartenait à l’employeur d’informer le salarié de son droit d’accepter ou refuser cette sanction. Pour les juges du fond, cette règle s’applique, peut important que la modification soit temporaire ou permanente
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Par décision du 11 décembre 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation casse la décision des juges d’appel.
Reprenant l’argumentation développée par l’employeur, la Cour de cassation juge que la mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n’est pas subordonnée à l’accord du salarié.
L’affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel.
Note : c’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur cette question. Jusqu’à présent, la Cour de cassation admettait que la mise à pied disciplinaire n’avait pas pour effet de suspendre le mandat sans que ne soit précisé si l’employeur devait l’informer de la possibilité d’accepter ou refuser la sanction envisagée (voir par exemple Cass. crim., 8 avril 2014, n° 12 -85.800). Le caractère définitif ou permanent de la sanction semble décisif. C’est ainsi que la Chambre sociale a récemment jugé qu’un déplacement professionnel provisoire s’imposait à un salarié protégé sans qu’il soit besoin de recueillir son accord. Là encore, la Cour de cassation avait pris soin de relever qu’il ne s’agissait ni d’une modification ni d’un changement des conditions de travail et que l’exercice du mandat n’en n’était pas affecté (Cass. soc., 11 septembre 2024 n°23-14.627).
Dans cette affaire, la Direccte (désormais Dreets) valide l’accord collectif majoritaire contenant le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) signé entre la société et les organisations syndicales dans le secteur pharmaceutique.
Sa demande est rejetée.
Elle est déboutée par la Cour d’appel et forme un pourvoi en cassation.
Elle soutient que :
Par décision du 11 décembre 2024, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle considère qu’en cas de validation, par la Direccte, de l’accord collectif majoritaire portant PSE, le juge judiciaire n’est pas compétent, sous couvert d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail pour exécution déloyale du PSE, de remettre en cause l’appréciation qui en a été faite par les autorités et juridictions administratives.
Note : En écartant sa compétence sur l’appréciation de la légalité des catégories professionnelles établies par un accord portant PSE validé par l’administration, la Cour de cassation veille au strict respect du principe de séparation des pouvoirs. Il s’agit d’une confirmation, puisque la Cour de cassation avait déjà jugé que la « contestation portant sur la définition même des catégories professionnelles visées par les suppressions d’emploi au regard des emplois existants dans l’entreprise au moment de l’élaboration » du PSE validé préalablement ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire (Cass. soc., 12 juin 2024, n°23-12.969).
Dans cette affaire, un salarié, engagé en 2016 en qualité de contrôleur technique des véhicules poids lourds, est licencié deux ans plus tard.
Il saisit la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Entre autres demandes, le salarié considère avoir bénéficié d’un avantage en nature né de la mise à disposition d’un logement.
Sur la base d’attestations concordantes et de factures d’achat d’éléments mobiliers, la Cour d’appel juge que le salarié a effectivement bénéficié de la mise à disposition, par son employeur, d’un logement à titre gratuit, constitutif d’un avantage en nature.
La Cour d’appel constate ensuite que l’intention de dissimuler l’avantage en nature accordé par l’employeur en ne le faisant pas figurer sur le bulletin de salaire est caractérisée.
Elle fait droit à la demande du salarié et condamne l’employeur à lui payer la somme de 15 178,56 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
L’employeur se pourvoit en cassation.
Au soutien de son pourvoi, l’employeur fait valoir que :
Par une décision du 4 décembre, publiée au bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, que la fourniture, par l’employeur, d’un logement constitue bien un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être mentionné sur le bulletin de paie qui lui est remis.
Elle confirme ensuite la décision des juges du fond qui ont constaté, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, que le salarié était logé par son employeur dans un bâtiment de l’entreprise, et qui ont retenu que l’intention de l’employeur de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie du salarié, était caractérisée.
Note : La Chambre sociale a jugé, dans d’autres situations, que l’élément intentionnel devait être établi pour que soit retenue la dissimulation de travail salarié et que l’appréciation de l’existence de cet élément intentionnel relevait du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. C’est ainsi qu’elle a pu considérer que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvait se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite (Cass. Soc., 16 juin 2015 n° 14-16.953) ou encore de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie (Cass. Soc., 29 juin 2005, n° 04-40.758).
Dans son avis, l’avocat général considère au contraire, que l’existence d’un avantage en nature, tel que la mise à disposition d’un logement, « ne laisse pas de place à l’erreur quant à sa mention sur un bulletin de salaire et à sa soumission aux cotisations sociales. En effet, il s’agit d’une omission dont l’importance caractérise, en elle-même, la mauvaise foi de l’employeur et donc le caractère intentionnel du manquement ».
Un salarié, conducteur routier est déclaré inapte le 11 juin 2019, avec la mention selon laquelle l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
La déclaration d’inaptitude renvoie à un précédent courrier du médecin du travail qui listait les capacités restantes du salarié.
Dans l’attente de reclassement, l’employeur reprend le paiement du salaire en septembre 2019.
Par ailleurs :
Entre temps, le 31 janvier 2020, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
La Cour d’appel déboute le salarié de sa demande.
La Cour retient que la tardiveté avec laquelle l’employeur a entrepris les démarches en vue d’un reclassement (4 mois se sont écoulés entre la déclaration d’inaptitude du médecin du travail et le début des recherches) ne saurait justifier une demande de résiliation du contrat.
Pour la Cour, l’obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n’est enfermée dans aucun délai de sorte que la lenteur avec laquelle l’employeur a initié les démarches ne saurait constituer un manquement à ses obligations contractuelles ou légales.
Le salarié forme un pourvoi.
Par décision du 27 novembre 2024, publiée au bulletin, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel.
Sur le fondement de la bonne foi contractuelle dont le principe est édicté à l’article L. 1222-1 du Code du travail, la Cour de cassation reprend l’argumentation développée par le salarié et juge que le fait de maintenir le salarié dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise, le contraignant à saisir la juridiction prud’homale, est constitutif d’un manquement de l’employeur à ses obligations.
Pour la Cour de cassation, il appartenait, de ce fait, à la Cour d’appel, de dire si un tel manquement était d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
L’affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel.
Note : L’employeur, informé de l’inaptitude de son salarié, doit donc chercher le juste équilibre entre ne pas précipiter les conclusions d’une recherche de reclassement infructueuse et, au contraire, ne pas laisser s’éterniser lesdites recherches, quand bien même, il continuerait à maintenir le paiement du salaire conformément à l’article L. 1226-4 du Code du travail.
Dans cette affaire, un salarié, agent commercial de conduite, est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avant d’être licencié pour faute grave.
Le salarié saisit la section des référés de la juridiction prud’homale aux fins que soit ordonnée sa réintégration sur le fondement d’un trouble manifestement illicite né, selon lui, du non-respect, par l’employeur, de la procédure d’autorisation de l’inspecteur du travail.
Le salarié considère en effet que l’employeur avait été informé de sa qualité de conseiller du salarié avant la tenue du conseil de discipline prévue par la convention collective applicable.
La Cour d’appel fait droit à la demande du salarié et prononce sa réintégration (outre la condamnation de l’employeur à des provisions sur salaires et sur dommages-intérêts pour préjudice moral).
La Cour d’appel constate que :
puis juge que les auditions du salarié devant le conseil de discipline postérieurement à l’entretien préalable avaient le même objet que l’entretien préalable de sorte qu’il y avait lieu de se placer à la date de la dernière audition, soit le 7 mai, pour déterminer si l’employeur était informé de l’existence du mandat du salarié.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que seule doit être prise en compte l’information de l’employeur sur l’existence du mandat au jour de l’entretien préalable.
Par un arrêt du 27 novembre 2024 publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour rappelle que, pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié, le salarié doit, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, avoir informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l’employeur en avait alors connaissance.
La Cour conclut qu’un employeur, informé de l’existence d’un mandat extérieur du salarié au plus tard lors du dernier entretien préalable au licenciement, imposé par une disposition de la convention collective applicable, doit saisir l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation administrative de licenciement.
Note : La Cour de cassation assimile à des entretiens préalables au licenciement, les auditions du salarié organisées en vertu d’une procédure conventionnelle, et applique la règle selon laquelle, dès lors que l’employeur était informé de l’existence d’un mandat, il devait solliciter l’autorisation de l’inspection du travail.
La Cour de cassation a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion d’un pourvoi contre une décision qui avait débouté le syndicat CGT d’une action de groupe visant à faire cesser une discrimination syndicale dont les salariés titulaires d’un mandat CGT se disaient être victimes.
Cette action avait pour fondement la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle qui a instauré l’action de groupe en matière de discrimination. La Cour d’appel de Paris avait jugé qu’aucun élément de fait postérieur au 19 novembre 2016 (date d’entrée en vigueur de la loi sur l’action de groupe) ne permettait de présumer une discrimination et que les accords collectifs antérieurs à cette date ne pouvaient être pris en compte dans l’action de groupe.
La CGT a donc, à l’occasion de l’examen du pourvoi, demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC suivante :
« Les dispositions de l’article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et en particulier, au principe d’égalité des justiciables devant la loi en ce qu’elles excluent, par principe, les seules actions de groupe en matière de discrimination du bénéfice du principe selon lequel une loi de procédure est immédiatement applicable aux faits antérieurs à son entrée en vigueur au contraire des actions de groupe en matière de santé publique, de données personnelles et de consommation ? ».
La Cour de cassation a accepté de renvoyer au Conseil constitutionnel cette QPC après avoir constaté qu’il s’agissait d’une différence de traitement « susceptible de ne pas être justifiée dans la mesure où il pourrait être considéré qu’elle n’est pas en rapport direct avec l’objet de la disposition en cause » (Cass. soc., 4 déc. 2024, nº 24-15.269).
Rappel : Pour savoir si une prime est due en cas d’absence, il convient de se référer au texte qui l’institue, voire aux usages de l’entreprise.
Toutefois, dans le silence du texte qui l’institue, le salarié est-il éligible à une prime d’objectifs pour la période pendant laquelle il se trouvait en arrêt maladie ?
Cass. Soc., 20 novembre 2024, n° 23-19.352
Dans cette affaire, une salariée, absente pour maladie de 2017 à 2020 est licenciée, en février 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Elle saisit la juridiction prud’homale et formule, entre autres demandes, un rappel de primes d’objectifs.
La Cour d’appel fait droit à la demande de la salariée et condamne l’employeur à lui régler une prime d’objectifs sur les années 2017 à 2020.
La Cour retient que :
de sorte qu’en l’absence de toute indication, la salariée, à qui aucun objectif n’avait été fixé en début d’exercice, pouvait prétendre à une somme calculée par référence au montant maximal de la prime perçue précédemment.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Il soutient que :
Par un arrêt du 20 novembre 2024, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle que dans la mesure où la gratification a pour objet de rémunérer ou récompenser une activité, elle n’est pas due si aucun travail n’est effectivement accompli. Le salarié en arrêt maladie n’est donc pas éligible à une telle prime.
Note : La prime mensuelle qui n’est pas liée à l’exécution d’une tâche particulière doit au contraire, continuer à être versée pour la période pendant laquelle le salarié est en arrêt maladie. De même, a-t-il été jugé qu’en présence d’une convention collective qui prévoit le versement d’une prime de fin d’année au personnel présent au 31 décembre et ayant une certaine ancienneté, la salariée qui a été malade de mars à octobre a bien droit à l’intégralité de la prime. En effet, le texte n’avait pas posé une condition de présence minimale au cours de l’année (Cass. soc., 8 déc. 1982, no 80-41.006).
Dans cette affaire, un salarié, délégué général d’une association conclut un CDD à temps partiel quelques jours après fait valoir ses droits à la retraite. Le CDD est, par la suite, transformé en CDI.
Plusieurs années plus tard, son employeur lui notifie sa mise à la retraite en application des articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail.
Le salarié saisit les juridictions prud’homales afin de contester cette mise à la retraite et demande qu’elle soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’appel fait droit à la demande du salarié et condamne l’employeur à payer au salarié l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
La Cour constate qu’à la date de conclusion de son contrat de travail à durée déterminée, le salarié avait atteint l’âge lui permettant alors de prendre sa retraite, (soit 60 ans à l’époque), ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable (156) ;
L’employeur se pourvoit en cassation.
Il soutient que la Cour aurait dû se fonder non pas, sur l’âge légal de départ à la retraite que le salarié avait le jour de son engagement en CDD, mais sur l’âge permettant à l’employeur de le mettre d’office à la retraite (70 ans).
L’employeur a fait valoir que le salarié avait été engagé par l’association à l’âge de 63 ans, et qu’il pouvait donc mettre d’office le salarié à la retraite d’office lorsque celui-ci avait atteint l’âge de 70 ans.
Par décision du 17 novembre 2024 publiée au bulletin, la Cour de cassation suit l’argument de l’employeur et casse l’arrêt de la Cour d’appel.
Faisant une stricte applicable de l’article L. 1237-5 du code du travail qui prohibe la mise à la retraite d’office dès lors que le salarié a déjà atteint l’âge de mise à la retraite d’office au moment de son engagement.
Le salarié ayant été engagé alors qu’il était âgé de 63 ans, il en résulte que l’employeur avait pu le mettre à la retraite d’office lorsque la salarié avait atteint l’âge de 70 ans.
L’affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel.
Note : Dans un arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation avait déjà jugé que l’employeur était privé de la possibilité d’une mise à la retraite d’office lorsque le salarié avait, lors de son embauche, l’âge de la mise à la retraite. Il s’agirait d’une discrimination liée à l’âge (Cass. Soc., 17 avril 2019 n° 17-29.017).
La Cour de cassation vient ici confirmer cette règle, et ce, peu important qu’au moment de l’embauche, le salarié était déjà en mesure de faire liquider sa retraite à taux plein.
Le CSE d’une UES composée de sociétés et associations spécialisées dans le domaine du maintien à domicile fait assigner, devant le Tribunal judiciaire, les différentes composantes de l’UES pour non-respect, par l’employeur, de ses prérogatives en matière d’information et de consultation concernant deux projets :
Le comité sollicite, sur le fondement d’un trouble manifestement illicite, qu’il soit ordonné sous astreinte :
S’agissant du deuxième projet de réorganisation, la Cour d’appel déboute le CSE de ses demandes au motif que le CSE n’a vocation à être informé et consulté que si les mesures envisagées par l’employeur sont suffisamment importantes, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
S’agissant de la réorganisation de la livraison des repas, la Cour d’appel ordonne à l’employeur de convoquer le CSE de l’UES dans un délai de quarante jours avec l’ordre du jour suivant « information en vue de la consultation du CSE sur le projet de réorganisation portage de repas de l’AMAPA » », ce, sous astreinte, et de transmettre au comité tous les documents et informations écrits relatifs à ce projet.
Le CSE forme un pourvoi en cassation. Il reproche à la Cour d’appel :
Par un arrêt du 27 novembre 2024 publié au Bulletin, la Cour de cassation :
Interprétant l’article L. 2312-8 du code du travail à la lumière de l’article 4 de la directive n° 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relatif à l’information et la consultation des travailleurs la Cour de cassation constate que le juge des référés a ordonné à l’employeur de :
de sorte que la remise en état ainsi décidée par le juge pour faire cesser le trouble manifestement illicite constituait une mesure appropriée au sens de l’article 8, § 1, de ladite directive.
Note : la Cour de cassation avait déjà mobilisé les articles 4, § 3, et 8, § 1 et § 2, de la directive 2002/14/CE pour prolonger les délais de consultation du CSE prévus à l’article L. 2323-4 du code du travail mais sans plus de précisions (Cass. Soc., 26 février 2020, 18-22.759).
Rappel : l’article L. 2315-14 du code du travail prévoit que les membres élus de la délégation du personnel du CSE et les représentants syndicaux au comité peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise pour exercer leurs attributions.
Les membres du CSE peuvent-ils imposer à l’employeur la communication de la liste nominative des salariés travaillant hors site ?
Cass.Soc., 27 novembre 2024, n° 23-22.145
Dans cette affaire, le CSE de l’établissement Altran Ile-de-France (un des six établissements composant une UES et dont la particularité est que la plupart des salariés qui y dont rattachés exercent leurs missions au sein d’entreprises clientes) assigne les sociétés composant l’UES devant la juridiction des référés.
Le CSE reproche en effet l’entrave à l’exercice de ses fonctions que constituerait le refus de l’employeur de lui communiquer la liste nominative des salariés par « site client » et les lieux de leur intervention.
La Cour d’appel de Versailles, fait droit à la demande du CSE et ordonne, sous astreinte, de transmettre, pendant deux ans, au plus tard le 10 de chaque mois, au comité, la liste des salariés par « site client » et les lieux de leur intervention.
La Cour d’appel considère en effet que l’employeur doit fournir au comité les informations qui lui sont nécessaires pour l’exercice de ses missions. Or le droit du CSE à prendre contact avec les salariés sur leur poste de travail impose à la direction de faire connaître régulièrement la position de chaque salarié sur chacun des sites.
Les sociétés composant l’UES sont par ailleurs condamnées in solidum à payer au comité une somme à titre de provision sur les dommages-intérêts résultant de l’entrave constituée par le trouble manifestement illicite.
Elles forment un pourvoi en cassation et soutiennent que :
Par un arrêt du 27 novembre 2024 la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et constate que la remise, aux membres du comité, de la liste des sites d’intervention des salariés rattachés au périmètre du comité ainsi que du nombre des salariés présents sur ces sites et la possibilité pour eux, de prendre contact avec les salariés par leur messagerie professionnelle était suffisante.
L’existence d’un trouble manifestement illicite n’était pas caractérisée.
Note : toute atteinte à la liberté de déplacement hors de l’entreprise peut constituer un délit d’entrave. La Cour de cassation avait, par le passé, jugé que le délit est constitué dans l’hypothèse où l’employeur refuse à un délégué syndical toute information sur l’implantation des chantiers, les effectifs et les horaires des salariés, le mettant ainsi dans l’impossibilité d’accomplir sa mission (Cass. crim., 5 oct. 1982, n° 81-95.163)
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