Les juges limitent le pouvoir de direction de l’employeur, considérant que si les critères retenus dans le cadre d’une évaluation peuvent ne pas être que “professionnels”, ils doivent reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie.
Dans cette affaire, la direction d’une société informe et consulte ses instances représentatives du personnel sur la mise en place d’un nouveau dispositif d’entretien d’évaluation à compter de janvier 2017.
A cette occasion, une organisation syndicale s’oppose à la mise en œuvre de ce dispositif au motif que les compétences comportementales jugées relèvent de la personnalité (l’optimisme, le bon sens, l’honnêteté) et laissent ainsi trop de place à la subjectivité
La Direction met en œuvre sa nouvelle procédure d’évaluation fin 2017 dans laquelle elle maintient la prise en compte d’éléments de la personnalité du salarié concerné conformément à une méthode appliquée au niveau du Groupe.
Estimant que ce dispositif comportait un risque de notation subjective en raison des critères comportementaux retenus pour l’évaluation, le syndicat a saisi le tribunal judiciaire (à l’époque de grande instance) afin d’obtenir l’annulation des entretiens déjà réalisés et l’interdiction de la poursuite de l’utilisation de la méthode d’évaluation litigieuse.
L’employeur, soutenait pour sa part, que son pouvoir de direction l’autorisait à recourir à toute méthode d’évaluation fondée sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie. Il faisait valoir que l’évaluation des capacités professionnelles d’un salarié devait, outre ses aptitudes techniques, prendre en compte certains éléments de sa personnalité permettant d'apprécier les qualités professionnelles.
La Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel qui juge le dispositif illicite et en interdit l’utilisation. Bien que l’usage de critères comportementaux dans les systèmes d’évaluation ne soient pas prohibés, les juges rappellent la nécessité qu’ils présentent un caractère exclusivement professionnel et qu’ils soient suffisamment précis, compte tenu de la nature des emplois occupés.
En l’espèce, la Cour de cassation constate que les critères retenus, notamment ceux ayant une connotation morale tels que “l’honnêteté”, “l’optimisme” ou encore “le bon sens”, ne présentaient pas un lien direct et suffisant avec l’activité des salariés et l’évaluation de leurs compétences au travail. Ces critères manquent d'objectivité et de transparence et s’éloignent de la finalité première qui est la juste mesure des aptitudes professionnelles des collaborateurs de l'entreprise.
Le dispositif ne garantissait donc pas un système d’évaluation objectif et pertinent au regard de la finalité poursuivie à savoir l'évaluation des compétences professionnelles des salariés, justifiant ainsi son interdiction.
Cette position était déjà retenue en 2012 par les juges du fond, lesquels avaient déclaré illicite un dispositif d’évaluation reposant notamment sur deux compétences comportementales définies de manière insuffisante et imprécise (TGI, 6 mars 2012, n° 11/15323).
Cass. soc., 15 oct. 2025, n° 22-20.716