La Cour d’appel de Paris reconnaît l’existence d’un contrat de travail entre Uber et un chauffeur VTC

15/03/2019
Confirmation de jurisprudence : La Cour d’appel de Paris reconnaît l’existence d’un contrat de travail entre UBER et un chauffeur VTC. Jérôme So et Lucie Vincens reviennent sur les éléments de l'arrêt qui se veut dans la lignée de l'arrêt de la Cour de cassation sur Take Eat Easy et un livreur utilisateur de sa plateforme.

Par un arrêt en date du 10 janvier 2019 (n°18/08357), la Cour d’appel de Paris a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre un chauffeur VTC et la plateforme Uber.

La Société Uber utilise une plateforme numérique et une application éponyme dans le but de mettre en relation des chauffeurs, exerçant via un contrat de prestation de service, et des clients. En l’espèce, le chauffeur s’était inscrit au répertoire des métiers en tant qu’indépendant ce qui, conformément à l’article L. 8221-6 du Code du travail, conférait une présomption simple de non-salariat à la relation de travail.

En avril 2017, la Société Uber a désactivé le compte de ce chauffeur à la suite de difficultés rencontrées avec lui, le privant ainsi de la possibilité d’effectuer de nouvelles courses. En réponse, le chauffeur a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris d’une demande en requalification du lien l’unissant à Uber en un contrat de travail à durée indéterminée.

Si le Conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce, la Cour d’appel de Paris a, au contraire, retenu l’existence d’un lien de subordination et renvoyé l’affaire devant la juridiction prudhommale.

La Cour a préalablement rappelé la définition du contrat de travail et du lien de subordination, à savoir que :

  « il est communément admis qu’il [le contrat de travail]   est constitué par l’engagement d’une personne à   travailler pour le compte et sous la direction d’une   autre moyennant rémunération, le lien de   subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l  e pouvoir qu’a l’employeur de donner des ordres et   des directives, d’en contrôler l’exécution et de   sanctionner les manquements de son salarié. »

Après ce bref rappel, les magistrats ont renversé la présomption de non-salariat à l’aide du faisceau d’indices suivant :

  • le chauffeur n’a pas la possibilité de constituer une clientèle propre en dehors de l’application ;
  • il ne fixe pas librement ses tarifs ;
  • il n’est pas libre de définir les conditions d’exercice de sa prestation de transport ;
  • la Société Uber exerce :
    • un pouvoir de contrôle via un système de géolocalisation ;
    • un pouvoir de sanction en se réservant la possibilité de restreindre, voire d’interdire définitivement l’accès à l’application en cas de signalement de « comportements problématiques » par les utilisateurs et ce, « peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission » relève la Cour.

La Cour d’appel de Paris a donc reconnu l’existence d’un lien de subordination, concluant que :

 « lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la Société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit. »

Ce jugement n’est pas sans rappeler la décision de la Cour de cassation du 28 novembre 2018 (n°17-20.079), par laquelle la relation contractuelle unissant un coursier la Société Take It Easy a été requalifiée en contrat de travail, et démontre, comme attendu, que cette dernière avait vocation « à faire jurisprudence ».

 Partant, cette position confirme que la façon de gérer les relations est essentielle car, en définitive, c’est uniquement à la lumière des éléments de fait qu’est jugée la nature d’une relation de travail et ce, peu important l’intention exprimée par les parties.

 Précisons, enfin, que la Société Uber a d’ores et déjà communiqué sur son intention de se pourvoir en cassation.

Il est à noter, enfin, que le 11 mars 2019 le Conseil de Prud'hommes a renvoyé en audience de départage les neufs nouvelles demandes de requalification de leur contrat présentées par des chauffeurs VTC utilisant ladite plateforme. Cette décision témoigne de la difficulté de trancher ce type de dossiers.

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