1/ Que doit-on retenir de l’arrêt rendu ?
Par un arrêt rendu le 12 Mars 2020, la Cour d’appel de Colmar, statuant en matière de droit des étrangers, qualifie certaines conséquences imposées par la pandémie du covid-19 comme relevant de la force majeure (CA Colmar, 12 mars 2020, n°20/01098).
L’appelant, un étranger faisant l’objet d’une mesure de rétention administrative en France, n’avait pu se présenter à l’audience d’appel en raison d’une suspicion d’infection au coronavirus.
La cour d’appel de Colmar, en raison de ces circonstances qu’elle qualifie « d'exceptionnelles » relève que l’incapacité de statuer en présence de l’appelant revêt les caractères d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure en précisant que le « délai imposé pour statuer ne permettait pas d’escorter l’appelant de façon à s’assurer de l’absence de risque de contagion d’une part et que le CRA ne disposait pas du matériel qui aurait rendu possible la tenue de l’audience par visioconférence d’autre part ».
Prudence cependant, cette décision s’inscrit dans le contexte spécifique du contentieux du droit des étrangers, qui plus est sur une question de procédure et de comparution. Il faudra donc attendre si une solution similaire sera retenue au fond dans des contentieux en droit social.
2/ Peut on qualifier de force majeure l’actuelle pandémie ?
Si certains indices pourraient nous permettent de donner une telle qualification à la pandémie ou à tout le moins à ses conséquences, la prudence s’impose dans la mesure où celle-ci relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui retiennent une appréciation très restrictive de la force majeure.
Rappel de la définition de la force majeure
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur (article 1218 du Code civil).
Les indices en faveur de la qualification de force majeure pour la pandémie COVID 19 (ou à tout le moins ses conséquences)
Outre ce premier arrêt, les indices suivants pourraient être de nature à établir une force majeure :
Attention, il convient néanmoins d’ajouter qu’il précise ensuite que « pour tous les marchés publics de l'État, si jamais il y a un retard de livraison de la part des PME ou des entreprises, nous n'appliquerons pas de pénalité ».
Aussi, à notre sens, en vertu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, la qualification de « force majeure » donnée par le Ministre de l’Economie dans une déclaration lors d’un communiqué de presse ne s’impose pas, de facto, aux juges.
Attention cependant, la prudence s’impose au regard de l’application très stricte des juridictions qui ont d’ores et déjà pu écarter cette qualification notamment dans les cas suivants :
Conclusions : si l’existence même du virus ne permet pas de constituer un événement de force majeure, le virus n’étant probablement pas irrésistible puisque la maladie est surmontable pour la majorité des personnes atteintes, ses conséquences pourraient le cas échéant être qualifiées d’imprévisibles et d’irrésistibles dans certaines situations à étudier au cas par cas.
3/ Quelles conséquences une telle qualification pourrait-elle avoir en matière de droit du travail ?
D’une manière générale, l’article 1351 du Code civil prévoit que l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure. Ce principe peut naturellement s’appliquer en droit social puisque l’employeur pourrait être dans l’impossibilité de respecter certaines de ses obligations du fait d’une situation pouvant relever de la force majeure.
Notons que certaines situations sont d’ores et déjà encadrées par des dispositions légales ou réglementaires compte tenu des circonstances exceptionnelles (relevons notamment : le fait d’imposer le télétravail ou le passage en activité partielle même pour les salariés protégés, le recours à la visioconférence ou l’audioconférence pour réaliser les informations consultations des représentants du personnel, le non-respect de certains délais de procédure fixés légalement…).
D’autres en revanche n’ont fait l’objet d’aucun aménagement législatif mais ils ne présentent pas de risques très importants et les employeurs pourront probablement soit la force majeure, soit l’absence de préjudice subi par le salarié et il y a forte à penser que les juridictions feront preuve de souplesse (citons notamment le cas de la réalisation d’entretien préalable sous un format dématérialisé lorsque l’entreprise a été fermée du fait du confinement).
S’agissant enfin de la rupture du contrat de travail, nous relevons que :
L’épidémie de covid-19 ne constitue donc pas automatiquement un cas de force majeure et à supposer qu’il soit établi, le plus souvent, il suspend l’exécution du contrat et ne libère pas l’employeur de ses obligations. Il convient donc d’apprécier l’existence ou non d’une force majeure au cas par cas et de faire preuve d’une certaine prudence. Le cabinet est naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans la prise de ce type de décision.