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Actance - 23 Juin 2025

Forte chaleur, canicule : le point sur le renforcement des obligations des employeurs à compter du 1er juillet 2025 (décret n°2025-482 du 27 mai 2025)

Les fortes chaleurs du mois de juin sont l’occasion pour actance de vous rafraichir l’esprit avec la publication d’un décret, le 27 mai dernier, relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur qui vient renforcer les obligations des employeurs en la matière. 

Météo France a recensé, depuis 1947, 49 vagues de chaleur à l’échelle nationale, leur nombre augmentant fortement après les années 2000 :

  • 17 vagues de chaleur avant 2000,

  • 32 après 2000. 

C’est dans ce contexte que le présent décret intervient, afin que « les épisodes de chaleur, de plus en plus récurrents et intenses, fassent partie intégrante des démarches d’évaluation et de prévention des risques menées par les employeurs »[1].  

Détail des nouvelles obligations des employeurs par Léa Lissowski et Martin Thyss. 

Nouvelle obligation d’évaluation des risques liés à l’exposition des salariés à des épisodes de chaleur intense

Le décret insère dans le code du travail une nouvelle disposition imposant à l’employeur d’évaluer, à compter du 1er juillet 2025, les risques liés à l’exposition des travailleurs à des "épisodes de chaleur intense", en intérieur ou en extérieur[2]

En parallèle, un arrêté, également du 27 mai dernier, définit ce que constitue un "épisode de chaleur intense"[3] en s’appuyant sur le dispositif de vigilance développé par Météo-France, selon le code couleur « vert-jaune-orange-rouge » .

"L’épisode de chaleur intense" correspond à l’atteinte des niveaux de vigilance jaune (pic de chaleur), orange (alerte canicule) ou rouge (canicule extrême) [4].

  • PAPRIPACT / DUERP : une mise à jour à prévoir

Si le code du travail prévoit déjà que le DUERP doit inclure un inventaire des risques liés aux ambiances thermiques[5], le décret du 27 mai dernier précise que si des risques d’atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs sont identifiés après évaluation par l’employeur, il lui appartient de définir des mesures ou actions de prévention et de les intégrer[6] :

  • pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 50 salariés, au programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) ;
  • pour les entreprises dont l’effectif est intérieur à 50 salariés, au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

Le décret prévoit différentes mesures de prévention, suivant une liste non exhaustive, à savoir :

  • la mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas ou nécessitant moins d’exposition à la chaleur ;
  • la modification de l’aménagement et de l’agencement des lieux et postes de travail ;
  • l’adaptation de l’organisation du travail (horaires de travail, périodes de repos) afin de limiter la durée et l’intensité de l’exposition à la chaleur ;
  • des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire ou pour prévenir l’accumulation de chaleur dans les locaux de travail (ex. : isolation, local de repos pour les travailleurs en extérieur) ;
  • la mise à disposition des salariés, autant qu’il est nécessaire, d’eau potable fraîche, incluant un moyen de maintenir cette eau au frais tout au long de la journée de travail à proximité de postes de travail, notamment pour les postes de travail extérieurs[7] ;
  • le cas échéant des équipements de travail appropriés permettant de maintenir une température corporelle stable et de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires ;
  • l’information et la formation adéquates des travailleurs sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur ainsi que sur l’utilisation correcte des équipements de travail et de protection individuelle. 

Par ailleurs, alors que le code du travail se concentrait sur une obligation de chauffer les locaux fermés pendant la saison froide, le décret élargit l’obligation en contraignant les employeurs à maintenir une température adaptée en toute saison[8].

Si ces mesures destinées à réduire les risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur relèvent pour la plupart du bon sens, elles ont le mérite de donner des idées d’actions concrètes aux entreprises.

Nécessité pour l’employeur d’adapter les mesures de prévention

Le décret veille à ce que l’employeur s’adapte à différentes situations :

  • en cas d’intensification de la chaleur, les mesures de prévention doivent être adaptées. Cette adaptation pourrait, par exemple, se manifester par l’adoption d’une première série de mesures, suivie par une seconde si la chaleur augmente en intensité ou perdure dans le temps. 

Si cela relève également du bon sens, il importera de pouvoir démontrer l’évolution des mesures prises le cas échéant. 

  • en présence de travailleurs vulnérables (tenant notamment à l’âge ou à l’état de santé) : l’employeur doit adapter les mesures de prévention pour les travailleurs susceptibles d’être particulièrement vulnérables aux risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense[9] (rappelons que le code du travail interdit déjà d’affecter les jeunes travailleurs de moins de 18 ans aux travaux les exposant à une température extrême susceptible de nuire à la santé[10]).

Cette adaptation spécifique devant être établie en liaison avec le service de prévention et de santé au travail (SPST), nous vous invitons par conséquent à vous rapprocher de votre SPST. 

Signalement des situations inquiétantes

Nous attirons votre vigilance sur le fait que le décret insère un nouvel article dans le code du travail prévoyant que tout employeur, quel que soit l’effectif de l’entreprise, doit définir les modalités de signalement ainsi que les modalités selon lesquelles il est porté secours à un travailleur en cas d’apparition d’indice physiologique préoccupant, de situation de malaise ou de détresse[11].

Il importe de prendre tout particulièrement en compte la situation des travailleurs isolés ou éloignés (salariés en télétravail à 100%, itinérants, etc.).

Le document prévoyant ces modalités de signalement et de secours doit être porté à la connaissance des travailleurs et communiqué à votre SPST : attention donc à cette nouvelle obligation d’information des salariés, notamment au moment de revoir les affichages obligatoires dans l’entreprise ou les informations figurant sur l’intranet de l’entreprise.

Renforcement des prérogatives de l’inspection du travail 

Le décret renforce les pouvoirs de l’inspection du travail en matière de prévention des risques liés à la chaleur. 

Il prévoit en effet qu’à défaut pour un employeur d’avoir défini des mesures ou actions de prévention du risque professionnel lié à l’exposition aux épisodes de chaleur intense, l’inspection du travail peut le mettre en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai de 8 jours[12].

En l’absence d’action de l’employeur, l’inspection du travail pourra dresser procès-verbal. 

Précisions sur les modalités d’activation du dispositif du chômage-intempéries dans le secteur du BTP 

Dans le secteur du BTP, le dispositif du chômage-intempéries permet d’interrompre un chantier tout en permettant aux salariés de continuer à être indemnisés et à l’employeur de voir les indemnités prises en charge par les caisses de congés payés.

Ce dispositif s’applique en cas de chômage dû à des intempéries résultant de conditions atmosphériques ou à des inondations rendant l’accomplissement du travail dangereux ou impossible. 

L’arrêté du 27 mai 2025 précité vient définir les "périodes de canicule" constituant des conditions atmosphériques ouvrant droit au bénéfice de l’indemnisation des arrêts de travail en raison des intempéries dans les entreprises de ces secteurs. L’arrêté précise ainsi que les niveaux de vigilance orange ou rouge (du référentiel de Météo France) correspondent à une "période de canicule" permettant de définir la notion "d’intempéries". 

En conclusion, le décret et l’arrêté du 27 mai 2025 apportent tous deux des précisions bienvenues mais également de nouvelles obligations en cas d’épisodes de fortes chaleurs. Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en place de ces nouvelles obligations, lesquelles entrent en vigueur le 1er juillet 2025.

 

[1] Communiqué du ministère du Travail du 2 juin 2025

[2] Nouvel article R. 4463-2 du code du travail

[3] Arrêté des ministres chargés du travail, de l’environnement et de l’agriculture TSST2503467A du 27 mai 2025

[4] Nouvel article R. 4463-1 du code du travail

[5] Article R. 4121-1 du code du travail

[6] Nouvel article R. 4463-2 du code du travail

[7] Article R. 4463-4 du code du travail

[8] Article R. 4223-13 du code du travail

[9] Article R. 4463-5 du code du travail

[10] Article D. 4153-36

[11] Article R. 4463-6 du code du travail

[12] Article R. 4721-5 du code du travail