Brève
Actance - 12 Décembre 2025

Nullité de la Rupture conventionnelle d’un salarié protégé : la fraude du salarié l’emporte sur la violation du statut protecteur

La Cour d’appel de Versailles rend, le 1er octobre 2025, une décision rare et marquante en matière de rupture conventionnelle d’un salarié protégé : lorsque la rupture, conclue sans autorisation de l’inspection du travail, résulte d’une fraude du salarié, la nullité attachée à la violation du statut protecteur s’efface au profit de l’annulation de la rupture conventionnelle en raison du consentement vicié de l’employeur.

Dans les faits, la salariée, juriste expérimentée en droit social et conseillère prud’homale, mandat extérieur dont l’employeur était informé, conclut une rupture conventionnelle dans un contexte de réorganisation. Son employeur lui accordant une totale confiance, au regard de son expertise et de son expérience dans le domaine, lui délègue la tâche de remplir les formulaires Cerfa et ne se rend pas compte qu’elle utilise ceux destinés aux salariés non protégés. Il transmet donc une simple demande d’homologation de la rupture conventionnelle au lieu de solliciter l’autorisation préalable de l’inspection du travail de pouvoir procéder à une telle rupture (C. trav., art. L 1237-11). 

En principe, une rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé sans obtenir l’autorisation préalable de l’inspection du travail encourt la nullité du fait de la violation du statut protecteur. C’est sur ce fondement que la salariée réclame la nullité de sa convention de rupture.

Dans cet arrêt, la Cour retient que la fraude de la salariée, qui a sciemment agi en vue de tromper son employeur, neutralise le bénéfice de son statut protecteur.

En effet, l’employeur invoque l'attitude dolosive de la salariée, considérant qu’elle :

  • maîtrisait parfaitement la procédure applicable aux salariés protégés (participation à des projets liés aux salariés protégés et notamment aux demandes d’autorisation auprès de l’inspection du travail, délégation de pouvoirs en matière disciplinaire, mandat de conseillère prud’homale) ;
  • avait elle-même imprimé et rempli les formulaires Cerfa erronés ;
  • n’avait révélé l’irrégularité que près d’un an plus tard, après l’abandon du projet de réorganisation.

La Cour d’appel valide le raisonnement de l’employeur, retenant notamment que la salariée a sciemment agi en méconnaissance de son statut protecteur, cherchant un avantage financier qu’elle n’aurait pas obtenu en démissionnant. Elle en conclut que cette attitude dolosive prive la salariée de la protection attachée à son mandat, conformément à la jurisprudence (Cass. soc., 16 févr. 2011 n° 10-10.592).

La rupture conventionnelle est annulée pour vice du consentement de l’employeur et non pour violation du statut de salarié protégé. La rupture produit, dès lors, les effets d’une démission (Cass. Soc. 19 juin 2024 n°23-10.817) obligeant la salariée à restituer les sommes perçues au titre de la rupture conventionnelle (indemnité de rupture, indemnité compensatrice de préavis), soit près de 85.000 euros au total.

CA Versailles 1er octobre 2025 n°23/02254