Télétravail en entreprise : décryptage de l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020

11/12/2020
Sonia Camélia Bessaoud et Chloé Bouchez, respectivement juriste et avocate associée du Cabinet Actance, décryptent l’ANI.

Face à l’émergence contrainte du télétravail dans l’organisation du travail à la suite de la crise sanitaire du Covid-19, les Organisations Syndicales Représentatives interprofessionnelles ont signé un Accord National Interprofessionnel (ANI) relatif au télétravail.

Les mesures de confinement déployées en France depuis mars 2020 ont, en effet, eu pour conséquences d’accélérer les mutations liées à l’organisation du travail, à commencer par le télétravail.

Alors qu’il était auparavant le plus souvent utilisé de manière exceptionnelle dans la plupart des entreprises, beaucoup d’employeurs mènent des réflexions sur la mise en place pérenne du télétravail par le biais d’une charte ou d’un accord d’entreprise.

Bien que n’ayant pas de valeur contraignante en tant que tels, les principes posés dans l’ANI du 26 novembre 2020 ont ainsi vocation à constituer une base de négociation pour les entreprises désireuses de pérenniser cette forme d’organisation du travail.

Tirant les enseignements de la pratique du télétravail durant la crise sanitaire, l’ANI apporte des précisions relatives à la mise en place du télétravail (I) tout en abordant de nouvelles problématiques essentielles à une mise en œuvre réussie du télétravail (II).

I – Des précisions essentielles sur la mise en place du télétravail

Les organisations syndicales ont réaffirmé la nécessité de privilégier avant tout, le dialogue social pour déterminer les modalités de mises en œuvre du télétravail.

Les entreprises sont donc encouragées à négocier un accord d’entreprise ou à défaut d’établir une charte.

Dans le cadre de la pérennisation du télétravail, de manière facultative ou même imposée, la mise en place d’un fondement juridique apparaît fortement recommandée, ceci afin de donner un cadre clair et défini aux entreprises.

Si compte tenu du contexte sanitaire actuel, une certaine tolérance a été permise pour mettre en œuvre de manière « précipitée » le télétravail, il semble que désormais les employeurs doivent se saisir du sujet pour définir et poser les règles juridiques de ce mode d’organisation du travail.

 

  1. Le principe du volontariat

Le télétravail repose sur du volontariat sauf circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure.

Par conséquent, dès lors que ce principe est affirmé dans le cadre d’un accord ou d’une charte, l’employeur est tenu de motiver tout refus d’une demande d’un salarié dont le poste peut être télétravaillé.

La mise en œuvre du télétravail n’est donc pas neutre et doit être réfléchie de façon à assurer la bonne organisation de la Société.

Dans les autres cas, l’employeur est simplement invité à préciser les raisons de son refus.  

 

  1. La mise en œuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure

Une latitude en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure est toutefois conférée par l’ANI.

L’ANI insiste néanmoins sur l’anticipation des mesures afin de garantir la continuité de l’activité, incorporées au sein d’un accord ou, à défaut, d’une charte relative au télétravail.

A défaut d’accord collectif portant sur le télétravail, l’ANI rappelle le rôle du CSE, qui doit être consulté sur les mesures d’organisation relatives à la continuité de l’activité.

En l’absence d’instances représentatives du personnel, l’ANI recommande aux employeurs de procéder à la concertation des salariés avant toute décision unilatérale.

Une vigilance toute particulière devra être apportée à l’égard des salariés, dès lors que le télétravail est imposé à 100% sur une très longue période.

 

II – De nouvelles problématiques essentielles à une mise en œuvre réussie du télétravail

Fort des enseignements tirés de la pratique du télétravail durant la crise sanitaire, l’ANI invite les entreprises à prendre en considération de nouvelles problématiques.

Celui-ci invite les entreprises à prévoir des retours d’expérience pour identifier les risques, les enjeux et ainsi établir des mesures adaptées à cette organisation de travail.

 

  1. Une préservation de la cohésion sociale interne

L’ANI met en avant la nécessité de préserver la cohésion sociale interne entre les salariés et leur communauté de travail, compte tenu de la distanciation des rapports sociaux et de la perte du lien social inhérente à l’utilisation des outils de communication à distance.

Outre la mise en place de dispositifs de prévention pour garantir le lien social avec les salariés, l’ANI insiste sur la nécessité de mobiliser les différents acteurs de l’entreprise (ressources humaines, service de santé) pour agir face à l’éventuel isolement des salariés. 

La formation des collaborateurs aux évolutions managériales et d’organisation du travail est ainsi mise en avant afin d’assurer cette cohésion sociale.

A la lecture de l’ANI, une véritable réflexion des entreprises doit aussi être menée quant au rôle central du manager.

La préservation de la cohésion sociale implique nécessairement de prévoir par accord collectif ou par une charte, les modalités d’usage des outils numériques assurant également la protection des données.

L’ANI souligne ainsi l’intérêt des bonnes pratiques suivantes :

  • possibilité d’établir un socle de consignes minimales à respecter en télétravail, et communiquer ce document à l’ensemble des salariés ;
  • possibilité de mettre à disposition des salariés une liste d’outils de communication et de travail collaboratif appropriés au travail à distance, qui garantissent la confidentialité des échanges et des données partagées ;
  • possibilité de mettre en place de protocoles garantissant la confidentialité et l’authentification du serveur destinataire.

 

  1. La prise en charge des frais professionnels

L’ANI précise la question des frais professionnels. Ainsi, il rappelle le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur. Cette règle s’applique à l’ensemble des situations de travail.

Dès lors, dans le cadre du télétravail, il incombe à l’employeur après sa validation de prendre en charge les dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise.

A nouveau, l’ANI laisse le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnelles, pouvant être le cas échéant un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise.

A cet égard, il est rappelé que l’allocation forfaitaire versée par l’employeur afin de rembourser le salarié en télétravail est réputée utilisée conformément à son objet et exonéré de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi.

 

La crise sanitaire a accéléré incontestablement la mutation du télétravail comme nouvelle forme d’organisation du travail.  

A cet égard, le télétravail constituera sans nul doute un des sujets incontournable du calendrier social 2021.

Le cabinet Actance est à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre de ce dispositif.

 

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