Reprise d’activité : quelles mesures de prévention pour préserver la santé et la sécurité des salariés dans le cadre du déconfinement ?

13/05/2020
Marion Robert et Pauline Rose, avocates du Cabinet, listent les étapes à respecter pour organiser la reprise d’activité.

Le déconfinement a débuté ce lundi 11 mai selon des conditions précisées par les pouvoirs publics en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et les lignes directrices présentées par le premier Ministre devant l’Assemblée Nationale le 28 avril 2020.

Le Conseil scientifique a également émis ses recommandations dans son avis du 20 avril rendu public le 24 avril 2020, en vue de cette sortie progressive de confinement.

Le 3 mai 2020, le Ministère du travail a pour sa part diffusé un protocole de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés (complété le 9 mai).

Ce protocole se décline en 8 parties :

  1. Mesures barrières et de distanciation physique
  2. Recommandations en termes de jauge par espace ouvert
  3. Gestion des flux de personnes
  4. Equipements de protection individuelle (EPI)
  5. Tests de dépistage
  6. Protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés
  7. Prise de température
  8. Nettoyage et désinfection

Le Ministère a précisé que la démarche de déconfinement mise en place doit conduire, par ordre de priorité, à :

  1. éviter les risques d’exposition au virus,
  2. évaluer les risques qui ne peuvent être évités,
  3. privilégier les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

Dans ce contexte, comment les entreprises doivent-elles procéder pour organiser la reprise de leur activité ?

1ière étape :     Dresser un état des lieux de la situation des salariés au 30 avril 2020

L’objectif est de définir au sein de chaque service/unité le nombre de salariés :

  • en activité partielle sous forme de télétravail pour les plages travaillées,
  • en activité partielle sous forme de travail dans les locaux de leur employeur pour les plages travaillées,
  • en arrêt total d’activité dans le cadre de l’activité partielle,
  • en activité dans les locaux de leur employeur (pas d’activité partielle),
  • en activité sous forme de télétravail (pas d’activité partielle).

2ième étape :    Evaluer les risques professionnels et mettre à jour le document unique d’évaluation des risques (DUER)

Il revient à l’entreprise de prendre les mesures nécessaires « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs » (article L4121-1 du Code du travail).

A cet effet, il y a lieu d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de mettre à jour le DUER (articles L4121-3 et R4121-1 à 4 du Code du travail). Cette évaluation porte notamment sur les risques liés aux situations suivantes :

Reprise de l’activité dans les locaux

de l’entreprise

Poursuite de l’activité en télétravail

  • risques d’accès aux locaux après le trajet pour se rendre au travail,
  • goulots d’étranglement : parkings, portique de sécurité, poste de garde, ascenseurs, vestiaires,
  • espaces de travail commun (« open space », « open flex », bureaux partagés, etc.),
  • circonstances particulières de circulation dans les locaux : réception des salariés dans les services internes (RH, informatique, etc.), interventions et dépannages par un tiers, locaux communs (sanitaires, lieux de pause, restaurant d’entreprise, etc.),
  • etc.
  • isolement,
  • gestion de l’autonomie du salarié (pratiquer un télétravail sans aucune activité dans les locaux de l’entreprise peut avoir des répercussions sur l’organisation personnelle),
  • stress (être contaminé, ne pas être en mesure de produire le travail attendu dans les conditions habituelles, ne pas atteindre les objectifs, etc.),
  • équilibre entre vie professionnelle et personnelle,
  • conditions ergonomiques des installations de travail,
  • hyper-connexion au travail,
  • etc.

3ième étape :    Bâtir le projet de plan de déconfinement de l’entreprise

Salariés reprenant ou poursuivant leur activité dans les locaux de l’entreprise

Les salariés pour lesquels le télétravail n’est pas possible peuvent reprendre ou poursuivre en tout ou partie leur activité dans les locaux de l’entreprise. Les mesures issues du protocole de déconfinement du Ministère du travail précité et prévus à cet effet sont ci-après synthétisées :

Mettre en place le socle du déconfinement

 

Mesures barrière

et de

distanciation physique

  •  Se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon ou avec une solution hydro-alcoolique ; ne pas se sécher les mains avec un dispositif de papier/tissu à usage non unique.
  • Eviter de se toucher le visage en particulier le nez et la bouche.
  • Utiliser un mouchoir jetable pour se moucher, tousser, éternuer ou cracher, et le jeter aussitôt.
  • Tousser et éternuer dans son coude ou un mouchoir en papier jetable.
  • Mettre en œuvre les mesures de distanciation physique :
  • ne pas se serrer les mains/embrasser pour se saluer, ni d’accolade
  • distance physique d’au moins 1 mètre : 4m² sans contact autour de chaque personne.
  • Aérer toutes les 3 heures les pièces fermées, pendant 15 minutes
  • Désinfecter régulièrement les objets manipulés et surfaces y compris les sanitaires.
  • Rester chez soi en cas de symptômes évocateurs du COVID-19 (toux, difficultés respiratoires, etc.) et contacter son médecin traitant (en cas de symptômes graves, appeler le 15).
  • Mesurer soi-même sa température en cas de sensation de fièvre et plus généralement auto-surveiller l’apparition de symptômes évocateurs de COVID-19.

Equipements de protection individuelle (EPI) : les masques, gants, lunettes, surblouses, charlottes, etc. doivent être utilisés en cas d’impossibilité de mettre en œuvre de façon permanente les gestes barrières, d’utilisation des équipements de protection collectives ou lorsque l’activité le nécessite (par exemple en cas de risque de contamination des vêtements au contact de surfaces infectées).

Nettoyage et désinfection

Réouverture après le confinement

Si les lieux n’ont pas été fréquentés dans les 5 derniers jours, appliquer le protocole habituel de nettoyage

Nettoyage quotidien, après réouverture

Respecter les préconisations du document ED 6347 de l'INRS

Définir et respecter la surface maximale d’occupation des espaces ouverts au public

et en milieu de travail (« jauge »)

M²/personne

4 m² minimum par personne

 

Surface résiduelle

(SR)

La surface à prendre compte est celle effectivement disponible pour les occupants, déduction faite des parties occupées.

Exemple pour des bureaux : cette surface est d’environ 80% de la surface totale pour tenir compte des espaces de circulation notamment.

A noter : Pour les établissements d’une surface résiduelle de plus de 40 000 m2, l’ouverture est autorisée sauf arrêté d’interdiction du préfet

Jauge maximum

SR/4 = nombre de salariés/clients pouvant être accueilli dans les locaux

Gérer les flux des personnes en intégrant les clients, fournisseurs, prestataires, etc.

 

Réorganiser le temps de travail et les espaces de travail / Gérer les goulots d’étrangement

  • Entrée du site :
    • tourniquet à condamner, sauf si risques d’intrusion important, auquel cas organiser le nettoyage et le lavage des mains,
    • marquage au sol en amont pour distanciation physique,
  • Séparation des flux :
    • sens unique dans les ateliers, couloirs, escaliers (si plusieurs montées d’escaliers). Si la configuration du bâtiment le permet, les portes d’entrées et sorties doivent être différenciées,
    • nettoyage des rampes d’escalier (2 fois/jour minimum),
    • réorganisation des horaires pour éviter les arrivées nombreuses
    • plan de circulation dans l’entreprise : piétons, engins motorisés, et vélo (distanciation physique à adapter),
    • ascenseurs : limiter le nombre de personnes pour respecter la distance d’au moins 1 mètre et afficher les consignes sur les paliers,
    • à l’intérieur du bâtiment, un sens unique de circulation doit être mis en place avec marquage lisible au sol,
  • Zones d’attentes : marquage au sol : entrées, sorties, etc.
  • Lieux de pause : afficher les mesures barrières et se laver les mains avant et après utilisation, en plus de la désinfection par les prestataires,
  • Locaux communs (salle de réunion) ou sociaux 
    • une fois déterminé le nombre maximum de salariés présents dans le local, prévoir un indicateur à l’entrée pour connaitre ce nombre avant l’entrée et un dispositif permettant de connaitre le nombre de sorties surtout si l’entrée est distante de la sortie,
    • portes ouvertes si possible,

     

  • Bureaux :

    • privilégier une personne par bureau,
    • pour les bureaux partagés, éviter le face à face, permettre une distance physique de plus d’1 mètre, utiliser si possible des plexiglas en séparation, aération régulière (15 minutes 3/ jour),
    • open flex : attribuer un poste fixe durant la pandémie,
    • Portes ouvertes, sauf si portes coupe-feu non équipées de dispositif de fermeture automatique,

     

  • Parking : doit être intégré dans les mesures de prévention

  • Accueil intervenants extérieurs (transmission des informations en amont, accompagnement de chaque intervenant pour s’assurer du respect des consignes, etc.)

 

Mettre en place une procédure ad hoc de prise en charge sans délai des personnes

 

Rédaction

Procédure en 5 étapes, réalisée en collaboration avec la médecine du travail (habilité à délivrer des arrêts de travail pour les salariés susceptibles  ou reconnus comme atteints par le covid-19), complétée par une fiche également établie par le Ministère :

  • Isolement du salarié
  • Mobilisation des référents interne à l’entreprise en matière de santé
  • Distinction de la procédure en fonction de la gravité des symptômes
  • Respect des consignes du SST
  • Identification et prise en charge des contacts organisées par les acteurs de niveau 1 et 2 du contact-tracing  

 

Ces mesures doivent être adaptées, selon le secteur d’activité de l’entreprise, aux guides et fiches métiers publiés sur le site Internet du Ministère du travail.

D’autres mesures peuvent être déployées selon la situation particulière de l’entreprise et l’évaluation des risques réalisée (désignation d’un référent Covid-19, actions de formation des salariés sur les mesures de prévention mises en place, etc.).

Salariés poursuivant leur activité exclusivement en télétravail

Les mesures de prévention pouvant être envisagées sont notamment les suivantes :

Communication d’une note relative aux bonnes pratiques relatives au télétravail à l’ensemble des salariés concernés

  • Rappels des règles relatives aux conditions ergonomiques de l’installation (écran, clavier, siège, posture, luminosité etc.),
  • Instauration de pauses régulières, boire, se déplacer, activité physique, marche etc.

RPS associés au télétravail

 

  • Respect des horaires de travail habituels en indiquant dans son agenda les plages disponibles et indisponibles ;
  • Déconnexion des outils de communication en dehors des horaires de travail, sauf contraintes spécifiques ;
  • Distinguer espace de travail et de vie ;
  • Régulation de la charge de travail par le biais de points réguliers
  • Sensibilisation des managers (assurer un contact régulier avec chaque télétravailleur, adaptation des objectifs et du suivi de l’activité à leurs conditions de travail, etc.) ;
  • Assistance à distance (désignation d’un contact au niveau de la Direction en cas de difficulté, communication du numéro vert/médecine du travail/Mise en place d’une cellule d’écoute psychologique).

Salariés restant en situation d’activité partielle (en arrêt total ou en activité réduite)

La reprise de l’activité étant progressive, certains salariés peuvent rester en activité partielle (arrêt total ou activité réduite).

Sous réserve de conclure un accord collectif en ce sens ou, à défaut, d’obtenir un avis favorable du CSE, l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 prévoit la possibilité :

  • de placer une partie seulement des salariés, d’un établissement, d’un service ou d’un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, en activité partielle ;
  • ou d’appliquer à ces salariés une répartition différente des heures travaillées et non travaillées.

Salariés en arrêts de travail dit « dérogatoires »

Depuis le 1er mai 2020, les salariés bénéficiant de l’un de ces arrêts de travail dits « dérogatoires » sont placés en activité partielle (Loi de finances rectificative n°2020-473 du 25 avril 2020 et site ameli.fr - mise à jour du 27-4-2020 - Décret n° 2020-520 du 5 mai 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier).

La mesure porte sur les salariés qui se trouvent dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

  • être une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au SARS-CoV-2 (virus du covid-19),
  • partager le même domicile qu’une de ces personnes vulnérables ;
  • être parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

4ième étape :    Informer-consulter le CSE

Le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur (article L2312-8 du Code du travail) :

  • les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail et la formation professionnelle,
  • l’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail,

La préparation de la reprise de l’activité de l’entreprise nécessite la consultation préalable du CSE, et des délais temporaires spécifiques ont été prévus par deux décrets et une ordonnance parus au journal officiel du 3 mai 2020 (Ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020, Décret n°2020-508 du 2 mai 2020, Décret n°2020-509 du 2 mai 2020).

Ces délais sont applicables aux procédures débutant entre le 3 mai 2020 et le 23 août 2020. Pour les procédures en cours, il est possible d’interrompre ces procédures et d’en engager de nouvelles pour bénéficier de ces délais particulièrement brefs.

Type de délai

Précisions

Ancien délai

Nouveau délai

Précisions

Communication de l’ordre du jour

CSE

3 jours

2 jours

 

CSE central

8 jours

3 jours

 

IC du CSE en l’absence d’expert

CSE (central ou non)

1 mois

8 jours

Délai applicable lorsque la procédure porte sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19

IC du CSE avec nomination d’un expert par le CSE

CSE

2 mois

11 jours

 

CSE central

2 mois

12 jours

 

Une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultations se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d'un ou plusieurs CSE d’établissement

3 mois

12 jours

 

Transmission de l’avis de chaque CSE d’établissement au CSE central

 

7 jours

1 jour

Il s’agit du délai  minimal entre la transmission de l’avis de chaque CSE d’établissement au CSE central et la date à laquelle ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif

Délais d’expertise

Délai dont dispose l’expert, à compter de sa désignation, pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission

3 jours

24 heures

 

Délai dont dispose l’employeur pour y répondre

5 jours

24 heures

 

Délai dont dispose l’expert pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise

10 jours

48 heures à compter de sa désignation

 

Délai dont dispose l’employeur pour saisir le juge pour chacun des cas de recours prévus à l’article L. 2315-86

10 jours

48 heures

Ou 24 heures à compter de la réponse apportée par l’employeur si une demande lui a été adressée

Délai minimal entre la remise du rapport par l’expert et l’expiration des délais de consultation du CSE (R2315-47 cas général)

15 jours

(cas général)

24 heures

 

Au-delà des membres du CSE et des RS au CSE, si des sujets santé, sécurité et conditions de travail sont traités (ce qui sera le cas en l’espèce), sont invités à la réunion du CSE (article L 2314-3 CT) :

  • le médecin du travail ;
  • le responsable interne du service de santé, sécurité et conditions de travail.
  • l’agent de contrôle de l’inspection du travail,
  • les agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.

5ième étape :    Déployer/ajuster les mesures de prévention

Une fois les mesures de prévention déployées, il est important de veiller à faire respecter ces mesures par l’ensemble des collaborateurs et des personnes travaillant dans les locaux, ce qui nécessite une information claire et accessible de tous, et des rappels à la règle autant que nécessaire.

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