Réforme des retraites : où en est-on ?

13/09/2019
Marion Robert et Eliane Chateauvieux détaillent les principales mesures envisagées par la réforme des retraites.

Un dispositif de retraites par répartition issu de l’après-guerre

A la suite de la crise des années 1930 et du second conflit mondial, la grande inflation puis la crise des marchés des capitaux ont mis à mal la confiance des français dans l’épargne individuelle, et les chaînes de solidarité familiale se sont distendues.

Il est apparu que le moyen le plus efficace pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées était la mise en place de mécanismes collectifs de prévoyance, avec un mécanisme de répartition (pension de retraite financées par les cotisations des actifs).

Si l’objectif était initialement la mise en place d’un régime de retraite universel, 42 régimes de retraites ont progressivement été instaurés pour répondre à des mécanismes de solidarité professionnelle.

Des faiblesses notables

Notre système de retraite actuel est très dépendant des hypothèses de croissance économique et d’emploi, cette croissance, l’évolution du monde salarial, l’inflation, les nouvelles formes d’activité, l’impact sur l’économie des contraintes environnementales et technologiques étant difficilement prévisibles.

La solidité de notre protection sociale fait débat auprès des générations qui cotisent actuellement sans certitude qu’elles bénéficieront à leur tour d’un dispositif de retraite, l’espérance de vie ayant été sous-estimée notamment.

Vers un système universel de retraite ?

Jean-Paul DELEVOYE, Haut-Commissaire à la réforme des retraites (entré très récemment au Gouvernement pour porter cette réforme), a été chargé par le Président de la République et le Premier Ministre de préparer la création d’un système universel de retraite en coordonnant les travaux nécessaires et en organisant la concertation avec les principaux acteurs (organisations syndicales, organisations professionnelles, etc.).

Après plus de 18 mois de concertation, le 18 juillet 2019, Jean-Paul DELEVOYE, a remis au Premier ministre ses recommandations dont l’objectif porte sur un système universel (salariés du secteur privé, fonctionnaires, travailleurs indépendants, etc.) obligatoire et par répartition. 

Les principales recommandations du rapport DELEVOYE

  • Un taux de cotisation unique

Le taux de cotisation unique pour les salariés et assimilés serait de 28,12% (part employeur = 60% ; part salariale = 40%).

Ce taux de cotisations est proche de celui auquel sont déjà soumis les salariés pour ne pas alourdir le coût du travail tout en préservant les recettes du système. Il est décomposé comme suit :

Taux de cotisation unique de 28,12 %

Cotisation plafonnée

Cotisation déplafonnée

Taux = 25,31%

Taux = 2,81%

Cette cotisation s’appliquerait à toute la rémunération, jusqu’à 3 PASS (pour l’année 2019, le PASS est de 40.524 euros, soit une assiette de 121.572 euros).

C’est à partir de ce montant de cotisations versées que seraient calculés les droits à retraite

Cette cotisation est destinée à financer la solidarité (cf : ci-après

  • L’acquisition de points : un meilleur reflet de la carrière professionnelle

La prise en compte de la durée d’activité (période cotisée ou validée, période de référence, etc.) pour le calcul des droits à la retraite disparaitrait au profit de l’acquisition de points.

Chaque euro cotisé conduirait à l’acquisition du même nombre de points pour tous les assurés, quels que soient l’activité professionnelle, le statut ou la forme d’exercice.

1 point = 10 euros cotisés

Pension de retraite = nombre de points acquis x valeur de service d’1 point (0,55€)

Pendant la période d’activité, les points acquis seraient revalorisés tout au long de la carrière en privilégiant une règle d’évolution de la valeur du point intégrant celle du revenu moyen par tête (RMPT). Au moment du départ à la retraite, une fois la pension déterminée, la retraite versée mensuellement serait indexée sur l’inflation.

Ces modalités seraient plus protectrices pour les personnes connaissant des carrières heurtées ou courtes.

Par exemple, les droits à la retraite d’un étudiant ayant travaillé 100 heures rémunérées au SMIC (taux horaire 2019 = 10,03 euros ; taux de cotisation plafonnée servant à l’acquisition des points = 25 ,31%) sont les suivants :

Système actuel

Système universel

Obligation de travailler 150 heures pour valider un trimestre

Nombre d’euros cotisés : 100 x 10,03 x 25,31 % = 253,86€

Nombre de points acquis : 253,86 / 10 = 25 points

Cet étudiant a cotisé, mais ces 100 heures ne seront pas comptabilisées pour la retraite : aucun trimestre n’est validé

Ces points augmenteront le montant de sa future retraite : 25 points x 0,55 = 14€ de retraite annuelle

 

 

  • Une solidarité maintenue mais adaptée pour plus d’équité

A l’heure actuelle, environ un quart des dépenses du système relève d’une logique de solidarité (droits à départ anticipé, droits familiaux et conjugaux, accès à des minima de pension, prise en compte d’interruptions d’activité, etc.).

Pour que ce dispositif soit plus juste, des points solidarité seraient attribués pour les périodes d’inactivité involontaire : maladie, maternité, chômage indemnisé et invalidité.

  • Un montant minimum de retraite garanti

Les personnes qui ont effectué une carrière complète, même avec des revenus faibles voire inférieurs au SMIC, bénéficieraient d’une pension de retraite égale à 1000 euros (85% du SMIC).

  • L’âge légal de départ à la retraite maintenu

Le plancher de 62 ans, ainsi que les départs anticipés pour carrière longue ou au titre de la pénibilité seraient maintenus.

Un âge de taux plein serait proposé : il permettrait, comme aujourd’hui, de bénéficier d’un taux plein représentant le rendement optimal du système. L’âge proposé par le rapport serait 64 ans (pour les générations à partir de 1963). L’âge du taux plein serait un levier de pilotage du système de retraite, son évolution tenant compte de l’espérance de vie au fil des générations.

  • Une transition entre l’emploi et la retraite facilitée

La retraite progressive serait maintenue et ouverte à l’ensemble des assurés. Elle permettrait de réduire l’activité et compenser la perte de revenu par la liquidation d’une partie de la retraite tout en continuant à travailler et se constituer des droits à retraite.

Le cumul emploi-retraite permettrait pour sa part au retraité d’acquérir de nouveaux droits à retraite sur la base de cette activité et, de facto, d’améliorer le montant de sa retraite (ce qui, pour rappel, n’est pas le cas dans le régime actuel).

  • Une gouvernance nouvelle et innovante

Une Caisse nationale de retraite universelle serait créée dès l’adoption de la loi réformant le régime des retraites, avec pour mission de :

-  préparer la mise en place du système universel,

-  assurer l’unification de la  gouvernance  et  du  pilotage  des  régimes de retraite actuels.

La Caisse serait ensuite chargée de la gestion opérationnelle du nouveau système.

Au sein de son Conseil d’administration, une gouvernance spécifique serait créée, avec des représentants des assurés désignés par les organisations syndicales et des représentants des employeurs désignés par des organisations professionnelles d’employeurs.

Le Conseil d’administration contribuerait à déterminer les conditions de pérennité du système universel de retraite, par le biais de projections réalisées tous les 5 ans sur un horizon de 40 ans, en tenant compte de la trajectoire des finances publiques prévue dans la loi de programmation des finances publiques et des hypothèses macro-économiques associées. Pour cela, il pourra proposer d’agir sur différents leviers (revalorisation de la valeur du point, évolution de l’âge du taux plein par génération, etc.).

Le cadre du pilotage du système universel de retraite serait défini dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Calendrier de la réforme : objectif 2025

Les 5 et 6 septembre 2019, les rencontres avec les partenaires sociaux ont repris, l'objectif étant de discuter de la méthode et d’un calendrier de concertation pour la 2ème phase de discussions.

Quatre thèmes de concertation ont été définis : (i) les mécanismes de solidarité, (ii) les conditions d’ouverture des droits à pension, (iii) les conditions d’équilibre en 2025 et les modalités de pilotage et de gouvernance du futur système et (iv) les modalités de transition des 42 systèmes existant vers le système futur.

Ces concertations dureront jusqu’au mois de décembre.

Des discussions seront menées en parallèle avec les professions impactées par la réforme.

Des consultations citoyennes vont également être organisées entre septembre et décembre.

Le projet devrait paraître en 2020, l’objectif annoncé par le Premier ministre étant que ce projet soit voté « d’ici la fin de la session parlementaire de l’été prochain ».

Le nouveau dispositif de retraite s’appliquerait à compter de 2025 aux assurés nés à partir de l’année 1963.

Le rapport DELEVOYE préconise que les droits à retraite constitués au titre de la carrière professionnelle effectuée avant le 1er janvier 2025 soient garantis à 100% avec application des règles des régimes de retraite auxquels les assurés ont appartenu.

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