Réforme de l’Assurance chômage : quels impacts pour les demandeurs d’emplois et les entreprises ?

31/07/2019
Khadija Benyahya et Emeric Sorel reviennent sur les principales mesures de cette réforme.

Depuis la réunion de travail organisée en décembre 2017 entre le Ministère du travail et les partenaires sociaux, la réforme de -l’Assurance chômage est lancée.

La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel – dite « Loi Avenir professionnel » – réforme en profondeur l' Assurance chômage. Deux décrets n° 2019-786 et n° 2019-787 du 26 juillet 2019 publiés au Journal Officiel du 28 juillet 2019 viennent préciser et préciser cette loi.

L’objectif en vue est double : transformer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en leur accordant de nouveaux droits et repenser l’assurance chômage en fixant des règles simples, claires et équitables.

Les 2 décrets visant à réformer le régime de l’Assurance chômage ont pour objet notamment :

  • d'abroger l'agrément de la convention d'assurance chômage du modifier le règlement de l’assurance chômage 14 avril 2017 ;
  • d'appliquer les dispositions de la Loi Avenir professionnel.

 

  1. Des conditions d'ouverture et de rechargement des droits durcies
  • Conditions d'ouverture des droits à indemnisation

 

 

Droit en vigueur

Dispositions issues du projet de décret  n°1

Période de travail

88 jours ou

610 heures

(soit 4 mois)

130 jours ou 910 heures

(soit 6 mois)

Période de référence

Salariés âgés de moins de 53 ans à la date de fin de contrat

28 derniers mois

24 derniers mois

Salariés âgés d’au moins 53 ans à la date de fin de contrat

36 derniers mois

  • Conditions de rechargement des droits

Les conditions de rechargement des droits seront alignées sur les conditions d’ouverture : à la date d’épuisement des droits, la durée nécessaire pour ouvrir le rechargement des droits sera de 130 jours (ou 910 heures) travaillés alors même que la condition d’affiliation minimale était de 150 heures jusqu'à la parution du décret.

Entrée en vigueur : 1er novembre 2019

 

         2.   De nouveaux bénéficiaires : les démissionnaires en reconversion et les travailleurs indépendants

  • Démissionnaires en reconversion professionnelle

La présente réforme ajoute un nouveau cas de « démissions considérées comme légitimes » aux 15 existants et ouvre l’indemnisation chômage aux salariés démissionnaires qui :

  • ont exercé une activité pendant au moins 5 ans, et plus précisément 1.300 jours travaillés sur les 60 mois précédant la fin de contrat (l’ANI du 22 février 2018 prévoyait une durée d’affiliation ininterrompue d’au moins 7 ans) ;
  • disposent d’un projet de reconversion professionnelle (formation, création ou reprise d’entreprise) dont le caractère réel et sérieux est apprécié par une Commission paritaire régionale interprofessionnelle dans les modalités prévues par le décret ;
  • demandent avant sa démission un conseil en évolution professionnelle auprès de l’organisme compétent.

 

  • Travailleurs indépendants

Le versement de l’allocation aux travailleurs indépendants est subordonnée à :

  • l’exercice d’une activité non salariée pendant au moins 2 ans ininterrompu avant la liquidation de l'entreprise ;
  • la recherche d’un emploi ;
  • des revenus d’activité d’au moins 10.000 € / an ;
  • des ressources inférieures au montant prévu pour le revenu de solidarité active.

Le projet de décret qui était spécifiquement dédié aux travailleurs indépendants et rendu public début juillet 2019 fixait le montant de l’allocation à laquelle ils peuvent prétendre est fixée à 26,30€ / jour (soit 800€ / mois) versée pendant 182 jours maximum (soit 6 mois).

Entrée en vigueur : 1er novembre 2019

 

         3.  Des modalités d’indemnisation remaniées

  • Mode de calcul du salaire journalier de référence

L'allocation journalière est constituée d'une part fixe et d'une part proportionnelle. Pour déterminer cette dernière, qui est calculée à partir du salaire journalier de référence (SJR), le mode de calcul actuel  – et notamment en ce qu’il tient compte des seuls jours travaillés – peut parfois conduire à une situation incohérente dans laquelle l’allocation versée au demandeur d’emploi est supérieure à la rémunération qu’il percevait au cours de son activité.

Afin de mettre un terme à ce genre de situation, ce sera désormais le revenu mensuel moyen du travail incluant les jours non travaillés par l’intéressé sur toute la période d’affiliation qui sera pris en compte.

Ce faisant, le Ministère du Travail souhaite instaurer un véritable principe « A travail égal, allocation égale ».

Lors de sa présentation de la réforme le 18 juin 2019 , le Gouvernement a toutefois garanti que l’allocation versée ne pourra jamais être inférieure à 65 % du salaire net mensuel moyen.

Par ailleurs, la période de référence prise en compte pour déterminer la rémunération permettant de calculer l’allocation sera la période d’affiliation et non plus les 12 derniers mois civils.

Droit en vigueur

Dispositions issues du projet de décret  n°1

                                                        PART PROPORTIONNELLE DU SJR =

Rémunération des 12 derniers mois civils

            Nb de jours travaillés x 1,4

Rémunération de la période de référence d′ affiliation

                       Nb de jours calendaires

  • Durée d'indemnisation

Comme pour le calcul du salaire journalier de référence, la durée d’indemnisation ne serait plus calculée à partir d’un coefficient de 1,4 mais désormais simplement égale au nombre de jours calendaires à compter du 1er jour de la 1ère période d'emploi incluse dans la période de référence et sous réserve de déduire certaines périodes fixées par décret (maternité, arrêt maladie de plus de 15 jours, activité non déclarée...).

Entrée en vigueur : 1er avril 2020

  • Indemnisation dégressive pour les hauts salaires

Un régime d’indemnisation dégressive a été mis en place pour les seuls salariés percevant plus de 4.500€ bruts / mois :

  • L’allocation diminuera de 30 % à partir du 183ème jour d’indemnisation ;
  • Le coefficient de dégressivité de 0,7% est toutefois inapplicable lorsque le montant de l’allocation journalier est inférieur à 59,03€.

Dans cette hypothèse, il serait alloué une allocation journalière d’au moins 84,33€.

Si le demandeur d’emploi accomplit certaines actions de formation énumérées par arrêté ministériel qui sont soit inscrites dans le cadre de son projet personnalisé d’accès à l’emploi, soit non inscrites dans ce projet mais financées au moins en partie par son compte personnel de formation, le délai de 182 jours serait alors suspendu pour la durée correspondante.

Sont toutefois exclus de cette mesure les salariés âgés d’au moins 57 ans à la date de fin de contrat.

Entrée en vigueur : 1er novembre 2019

 

        4.  Les participations financières de l’employeur, tributaires du nombre de ruptures de contrat de travail

  • Système de bonus-malus

Ce bonus-malus vise à inciter les employeurs à faire des efforts pour réduire le nombre de leurs salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi.

Ruptures de contrat prises en compte

Ruptures de contrat non prises en compte

  • Fin de contrats de travail (ruptures conventionnelles, licenciements…)
  • Fin de missions d’intérim
  • Démissions
  • Fin de contrats de mission entre le salarié temporaire et l’entreprise de travail temporaire
  • Fin de contrats d’apprentissage / de professionnalisation
  • Fin de contrats unique d’insertion…

Cette mesure s'appliquera dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés relevant de secteurs d'activité définis par arrêté ministériel et dont le taux de séparation médian est supérieur à un taux également déterminé par arrêté.

Nb de fin de contrats dans toutes les entreprises d'au moins 11 salariés du secteur

                                             Masse salariale

Nombre de fins de contrats visé : nombre d'inscriptions à Pôle emploi à la suite d'une rupture de contrats de travail et de mise à disposition + nombre de fin de contrats sur la période de salariés déjà inscrits à Pôle emploi.

           1ère étape : Détermination du taux de séparation de l’entreprise (calculé sur les 3 dernières années)

                                           Nb de fin de contrats imputables à l′ entreprise                                          

                                                              Effectif de l′entreprise

           2ème étape : Détermination du taux de contribution de l’entreprise (entre 3% et 5,05%)

                                                   Taux de séparation de l'entreprise     x 1.46 + 2.49

                                                       Taux de séparation du secteur

NB : Deux taux de contribution pourraient a priori s’appliquer dans une entreprise, le taux calculé ci-avant et le taux du régime commun de 4,05% applicable pour les ruptures de contrat non prises en compte (hors démission).

  • Taxation spécifique aux CDD d’usage

Par ailleurs, dans les entreprises ne relevant pas des secteurs dans lesquels est appliqué le bonus-malus, une taxe forfaitaire de 10€ est prévue pour chaque CDD d’usage conclu dans l’entreprise.

Cette taxe a pour effet d’une part, d’inciter les entreprises à conclure des CDD d’usage d’une durée plus longue en évitant de multiplier le paiement de cette taxe et d’autre part, de réduire la précarité des intéressés.

Attention toutefois, il convient de noter que cette mesure ne figure pour le moment dans aucun des projets de décrets et résulte seulement des mesures telles qu’annoncées par le Gouvernement en juin 2018.

Cette taxe devrait toutefois être prise dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.


A l'instar des conventions d'assurance chômage, les dispositions issues de la présente réforme sont applicables pendant 3 ans, soit jusqu'au 1er novembre 2022.

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