Les dispositions relatives à l'encadrement des délais de consultation du CE sont conformes à la constitution

28/08/2017
Le Conseil constitutionnel a rendu le 4 août dernier sa décision dans le cadre d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à l’encadrement des délais de consultation du Comité d’Entreprise (CE).

Il a déclaré que les articles L.2323-3 et L.2323-4 du Code du travail, qui précisent les délais de consultation du CE et la possibilité de saisir le juge en cas d’information incomplète du CE sont conformes à la Constitution, sécurisant ainsi les procédures d’information-consultation du CE.

  1. Les dispositions contestées

Pour rappel, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a opportunément encadré les délais de consultation du CE, notamment par le biais des articles suivants:

  • L’article L. 2323-3 du Code du travail est relatif aux délais dans lequel le CE doit rendre ses avis et vœux dans l’exercice de ses missions consultatives. Son quatrième alinéa, dont la constitutionnalité était contestée, dispose qu’à l’expiration du délai fixé pour rendre avis, le CE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif;
  • L’article L.2323-4 du Code du travail prévoit la possibilité pour le CE d’obtenir communication d’informations précises et écrites en saisissant le président du Tribunal de Grande Instance (TGI) s’il estime ne pas disposer d’informations suffisamment complètes. L’article prévoit que le juge statue dans un délai de 8 jours. Le dernier alinéa, dont la constitutionnalité était en cause, dispose qu’une telle saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le CE pour rendre son avis.

 

2. Le contexte de la QPC

Le CE et le CHSCT de l’UES Markem-Imaje étaient consultés sur un projet de réorganisation et disposaient d’un délai maximum de 3 mois pour se prononcer.

15 jours avant l’expiration du délai de 3 mois qui lui était imparti pour rendre son avis, le CE avait saisi le président du TGI afin qu’il ordonne la prolongation du délai d’examen et la suspension du projet tant qu’il n’aurait pas rendu son avis.

Si l’audience a pu se tenir dans le délai de 3 mois précité, le président du TGI a rendu sa décision 2 jours après l’expiration de ce délai. Il n’a donc pas respecté le délai de 8 jours qui lui était imparti pour statuer.

La Cour d’appel de Grenoble a estimé que l’action du CE était irrecevable, le délai de 3 mois dont le CE disposait ayant expiré à la date à laquelle le premier juge a statué.

Le CE requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel. Néanmoins, la Cour de cassation ayant déjà tranché la question de droit en date du 21 septembre 2016 (n°15-13.363) dans un sens défavorable au CE, ce dernier a choisi de contester la constitutionalité des dispositions du Code du travail en formulant une QPC, que la Cour de cassation a transmise au Conseil Constitutionnel.

 

3. Principes constitutionnels invoqués par le CE requérant au soutien de la QPC

Selon le CE requérant, 3 principes constitutionnels étaient méconnus par les dispositions contestées:

  • Le principe de participation, garanti par l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Selon les CE requérant, l’encadrement des délais de consultation porte atteinte au principe de participation en vertu duquel tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

  • Le droit au recours effectif, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme.

Le CE requérant faisait valoir qu’en l’absence de caractère suspensif de la saisine du juge et compte-tenu de l’impossibilité matérielle des juridictions de respecter le délai de 8 jours, le recours offert au CE était dénué d’effectivité.

  • Le principe d’égalité devant la loi

Le CE requérant estimait que les dispositions contestées introduisaient une rupture d’égalité entre les justiciables selon que le juge respecte ou non les délais fixés par le législateur.

Quatre parties sont intervenues volontairement à cette QPC:

  • la CFDT;
  • la CGT;
  • le CCE de la société EDF et la société EDF elle-même qui se trouvait dans une situation similaire à l’UES Markem-Imaje.

 

4. Décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel n’a pas suivi le raisonnement des CE et des syndicats CGT et CFDT et a jugé les dispositions du Code du travail conformes à la Constitution.

Dans sa décision, le Conseil Constitutionnel se fonde :

  • Sur les garanties prévues par la loi pour assurer le respect du principe de participation: la loi exige que le CE dispose d’un délai d’examen suffisant et fixe un délai minimum de 15 jours;
  • Sur les moyens effectivement donnés au CE pour prévenir le risque qu’il soit empêché d’exercer ses prérogatives si l’employeur lui délivre une information imprécise ou incomplète: le Conseil rappelle la possibilité, pour le juge, de prolonger le délai d’examen du CE en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du CE.
  • Sur le fait que l’éventualité du non-respect  du délai de 8 jours donné au juge pour statuer n’était pas suffisante à entacher les dispositions d’inconstitutionnalité.

 

5. Conclusion et suites éventuelles de la QPC

Le Cabinet Actance se félicite de cette décision obtenue dans le cadre d’un contentieux qu’il a suivi dans son intégralité. Cette décision sécurise opportunément les procédures d’information-consultation des CE.

L’avocat du CCE d’EDF, Antoine Lyon-Caen, a néanmoins indiqué au Conseil qu’à défaut d’obtenir gain de cause dans le cadre de la QPC, il envisageait de porter cette question devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) en se fondant sur la Directive 2002/14 qui fixe le cadre général de l’information-consultation du CE. L’éventuelle question préjudicielle serait fondée sur l’article 8 de cette directive qui précise que les Etats s’engagent à prévoir des mécanismes qui assurent la protection efficace et effective du droit à l’information-consultation.

 

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