COVID-19 : les questions autour du recours à l’activité partielle

24/03/2020
Sébastien LEROY, avocat associé du cabinet, répond à certaines questions et pointe des sujets méritant un éclaircissement.

Dans un contexte de demandes massives de recours à l’activité partielle, les questions des entreprises se multiplient, notamment, concernant les conditions de recours à l’activité partielle pour l’entreprise, les salariés bénéficiaires, et l’indemnisation des salariés dans un environnement juridique en cours d’évolution.

Un Décret et les ordonnances à venir en application de la Loi d’urgence du 23 mars 2020 sont attendus pour régler certaines zones d’ombres.

La volonté gouvernementale de réserver les fonds publics aux entreprises qui en ont « réellement besoin » doit aussi être prise en compte.

Dispositif concourant à préserver les entreprises de la faillite et à sauvegarder de l’emploi, l’activité partielle est au cœur des préoccupations du gouvernement et des acteurs économiques.

Un projet de Décret et la Loi d’urgence permettent d’envisager des évolutions concernant, notamment, les salariés éligibles et les modalités d’indemnisation des bénéficiaires de l’activité partielle.

Des réponses opérationnelles peuvent d’ores et déjà être données.

 

Question 1 : quels sont les établissements bénéficiaires ?

Devraient bénéficier sans difficultés de l’activité partielle, en invoquant le motif des circonstances exceptionnelles COVID-19, les seules sociétés concernées par les arrêtés de fermeture des établissements  recevant du public.

Pour les autres entreprises, la continuité de l’activité économique, en télétravail, à défaut, dans le respect des gestes barrières, est la règle, le recours à l’activité partielle l’exception.

Toute demande d’activité partielle de ces dernières sociétés fera, dès lors, l’objet d’un contrôle particulièrement stricte des DIRECCTE.

Le motif de recours à l’activité partielle devra être particulièrement étayé et ne pourra reposer sur les craintes des collaborateurs ou des partenaires sociaux, dès lors que la législation impose à l’employeur de prendre des mesures de prévention de la santé et de la sécurité de ses collaborateurs, aussi difficiles soient elles.

La conjoncture économique ou des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie pourraient être mises en avant.

 

Question 2  : quels sont les bénéficiaires ?

  • Cas des salariés sous conventions de forfait annuel

Le projet de Décret précité envisage l’extension du bénéfice de l’activité partielle aux salariés « au forfait cadre » en cas de réduction d’activité.

Aujourd’hui, les salariés sous convention de forfait annuel en heures ou en jours bénéficient du dispositif, uniquement en cas d’interruption et non en cas de simple réduction d’activité (art. R.5122-8 du code du travail).

Cette catégorie de salariés regroupe des cadres et des non cadres satisfaisants à la condition légale d’autonomie (art. L. 3121-56 et L. 3121-58 du Code du travail).

La formulation du projet de décret mériterait, dès lors, d’être modifiée pour viser ces catégories de salariés et non les salariés au  « forfait cadre ».

  • Cas des cadres dirigeants et des VRP multicartes

Faute de référence à un horaire ou à des jours de travail permettant le calcul de l’allocation d’aide publique, les cadres dirigeants  et les VRP Multicartes ne bénéficient pas, de fait, du dispositif d’activité partielle.

Pourtant, ils remplissent la condition prévue par la réglementation, à savoir le fait d’être sous contrat de travail (art. R.5222-8 du Code du travail), et aucun texte ne les exclus du dispositif.

L’extension effective du dispositif à ces salariés devrait être envisagée. La Loi d’urgence du 23 mars 2020 permet au Gouvernement d’élargir la catégorie des bénéficiaires de l’activité partielle par ordonnance. Il n’est toutefois pas certain que les intéressés soient finalement visés.

 

Question 3 : impact de l’activité partielle sur le processus d’embauche

  • L’activité partielle permet-elle de différer la date d’entrée d’un salarié

Non, le contrat de travail débute bien à la date prévue par la promesse d’embauche ou le contrat de travail.

Pour différer la date d’embauche convenue, un avenant au contrat de travail devrait être signé avec le nouvel embauché.

En l’absence d’un tel différé, ce dernier pourra être mis immédiatement en activité partielle dès sa date d’entrée dans l’entreprise dans la mesure où aucune condition d’ancienneté n’est requise pour bénéficier du dispositif.

  • L’activité partielle permet-elle de rompre une période d’essai ?

Non, la période d’essai permet à l’employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience (art. L. 1221-20 du Code du travail). Seule une évaluation défavorable des compétences permet de rompre la période d’essai, certes sans obligation de motivation.

  • La période d’essai s’écoule-t-elle pendant la période d’activité partielle ?

L’activité partielle suspend l’exécution du contrat de travail, d’une part. La période d’essai est, d’autre part, nécessairement une période de travail effectif pendant laquelle l’employeur est en mesure d’apprécier les compétences du salarié.

En conséquence, le cours de la période d’essai est suspendu pendant toute la durée de l’activité partielle, si elle prend la forme d’une interruption totale d’activité et reprend avec la reprise du travail effectif.

 

Question 4 : impact de l’activité partielle sur le processus de rupture du contrat de travail

  • Quelle est la rémunération à verser pour un salarié en préavis ?

En cas de dispense de préavis par l’employeur notifiée avant une interruption ou une réduction d’activité, dans le cadre de l’activité partielle, dans l’établissement/le service employant le salarié concerné, il y aura lieu de lui verser la rémunération dont il aurait bénéficié s’il avait travaillé.

L’indemnité compensatrice de préavis présente, en effet, un caractère forfaitaire et le fait générateur de son versement est la décision de dispense de travail prise par de l’employeur.

En cas de préavis exécuté, l’intéressé devra être traité comme tous les autres salariés et bénéficier du maintien de sa rémunération à hauteur de 70% de son salaire brut (sauf stipulations conventionnelles ou engagement plus favorables) ou, si elle est plus élevée, de la rémunération mensuelle minimale.

  • Le terme d’un préavis est-il repoussé en raison de l’activité partielle ?

Selon la jurisprudence, le préavis est, en principe, un « délai préfix », en d’autres termes un délai dont l'échéance ne peut être reportée, sauf dérogations légales ou jurisprudentielles.

Son déroulement ne peut, en principe, être ni suspendu, ni interrompu, même par les circonstances qui normalement suspendent le contrat de travail.

L’activité partielle ne devrait donc pas avoir de conséquences  sur la date d’expiration du préavis. Il a déjà été jugé en ce sens concernant le chômage intempéries dans le BTP  (Cass. soc. 12 juin 1986 n°84-49545). La solution devrait être identique que le préavis soit exécuté ou non.

Bien entendu l’employeur et le salariés en préavis peuvent d’un commun accord différer l’échéance de son terme.

 

Questions 5 : Traitement social de l’allocation

  • L’indemnisation versée par l’entreprise à hauteur du montant réglementaire est elle exonérée de cotisations ?

Le montant de l’allocation activité partielle versée au salarié bénéficiaire est fixé par la réglementation à hauteur de 70 % de sa rémunération brute sur la base de la durée légale du travail ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail (art. R.5122-18 du Code du travail).

La part de l’allocation correspondant au minimum réglementaire est assurément exonérée de cotisations de sécurité sociale salariales et patronales (à l’exception de la CSG CRDS au taux de 6,7%) en vertu des articles L.3232-6 et L.5428-1 du Code du travail.

  • L’indemnisation versée par l’entreprise en supplément est elle aussi exonérée de cotisations ?

Une convention collective de branche (par ex; la CCN des bureaux d’études techniques, l’accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie ...), un accord d’entreprise ou bien une décision unilatérale de l’employeur peut prévoir une allocation d’un montant supérieur aux 70% précités et même le maintien intégral du salaire net.

Or, le sort social de la part excédentaire n’est pas défini par les textes en vigueur.

L’administration du travail a, de son côté, adoptée une position sibylline par le jeu d’un renvoi de texte (Doc. technique DGEFP août 2013, fiches n° 1.1 et 6.3.).

Une exonération de cotisations serait bienvenue dans le contexte actuel. La Loi d’urgence du 23 mars 2020 permet au Gouvernement de prévoir cette exonération par ordonnance.

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