La loi n°2015-994 du 17 août 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2017 fait obligation aux organisations syndicales de faire figurer sur leurs listes de candidats un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
En outre, les listes doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe, afin de garantir la présentation de candidats du sexe sous-représenté en position éligible.
Cette obligation qui était applicable pour les élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise, et a été reprise pour l’élection des membres du comité social et économique (Article L.2314-30 du Code du travail).
La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur le sens à donner à ces dispositions.
En l’espèce, un syndicat avait déposé en vue des élections professionnelles une liste ne comportant qu’un seul candidat titulaire de sexe masculin au sein du collège “cadres”, deux sièges étant à pourvoir et la liste électorale au sein de ce collège étant composée de 77 % de femmes et de 23 % d’hommes.
C’est l’employeur qui avait saisi le Tribunal d’instance afin de contester l’élection d’un salarié homme car il avait été le « seul candidat de la liste FO pour le collège cadres ».
Le Tribunal d’instance avait rejeté le recours en adoptant une appréciation littérale du texte.
En effet, selon le Tribunal, l’article L. 2314-24-1 du code du travail n’a vocation à s’appliquer qu’aux listes comportant plusieurs candidats, de telle sorte qu’a contrario, elles ne s’appliquent pas aux listes comportant un seul candidat.
L’article L. 2314-24-1 du code du travail dispose en effet : « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L.2314-24 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. »
En l’espèce, il n’était pas contesté par les parties que la liste présentée par le syndicat au titre des membres titulaires de la délégation unique dans le collège cadres ne comportait qu’un seul candidat homme.
Aussi, le Tribunal en déduit que cette liste n’était donc pas soumise aux exigences posées par l’article L. 2314-24-1 du code du travail et que dès lors l’élection du salarié ne saurait être contestée au titre d’une méconnaissance des dispositions de l’article L. 2314-24-1 et devait être déclarée valide.
Une telle solution aurait présenté l’avantage de limiter l’atteinte au principe de la liberté de choix par les syndicats de leurs candidats constamment rappelé par la chambre sociale (Soc. 19 mars 1986, n°85-60.439, Bull n°101 ; Soc. 16 novembre 1993, n°92-60.306, Bull n°275), qui a par ailleurs toujours admis la validité des candidatures uniques y compris lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir au sein d’une instance collégiale et que cette admission des candidatures uniques aboutit à ce qu’un seul représentant soit élu au comité d’entreprise (Soc. 17 décembre 1986, n°86-60.278, Bull n°608).
Mais une telle solution ne risquait-elle pas de faire obstacle à l’objectif de mixité voulu par le législateur, en particulier dans les entreprises et les secteurs professionnels dans lesquels les femmes sont minoritaires ?
Aussi, la chambre sociale a considéré que la Loi impose désormais aux organisations syndicales de présenter deux candidats quand deux sièges sont à pourvoir, à savoir une femme et un homme, ce dernier étant présenté en second au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré conformément à la décision du Conseil constitutionnel n°2017-686 du 19 janvier 2018, aux termes de laquelle la règle dite de l’arrondi ne peut “faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral.” (ce qui ici aurait abouti à ce qu’aucun homme ne soit élu dans ce collège dès lors que 2 x 23 / 100 = 0,46 < 5).
La Haute juridiction en privilégiant la parité électorale a donc pour la première fois, opposé une véritable limite à la liberté laissée aux organisations syndicales dans la constitution des listes électorales.
Cette décision inédite fait elle échos à la présentation le jour même du plan d’action pour « une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » par Muriel Pénicaud, Ministre du travail et Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les homme ou constitue-t-elle les prémices de véritables restrictions ?