Pourcentage du salaire maintenu, montant de l’allocation versée à l’employeur, durée de l’autorisation administrative, tels sont les thèmes sur lesquels une évolution du dispositif dit de « droit commun » d’activité partielle est prévue à compter du 1er novembre prochain.
« Les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité » peuvent quant à elle envisager de recourir à un dispositif spécifique d’activité partielle plus avantageux. Une modification de celui-ci est aussi envisagée.
Pour bien appréhender ces évolutions résultant de projets d’Ordonnance et de Décret transmis aux partenaires sociaux les 4 et 15 septembre dernier, encore faut-il rappeler les dispositifs passés et actuels.
1.La sortie de l’activité partielle de crise
Le dispositif d’activité partielle modifié pour répondre à la crise économique par décret du 25 mars 2020 (décret n°2020-325) a fait l’objet d’une première évolution par décret du 29 juin 2020 (Décret n°2020-810).
Un projet d’Ordonnance et de Décret transmis aux partenaires sociaux le 4 septembre dernier vise à sortir du dispositif de crise pour appliquer, non pas le régime antérieur à la crise, mais un nouveau régime de droit commun, à compter, non plus du 1er octobre, mais du 1er novembre prochain.
Le régime de crise serait ainsi prorogé d’un mois.
Le régime de droit commun envisagé accentue fortement la baisse de l’indemnisation versée à l’employeur (reste à charge passant de l’ordre de 15% à 40 % du coût de l’activité partielle) et réduit l’indemnisation versée au salarié (passage de 70 % à 60 % du salaire brut plafonné).
Par exception, l’indemnisation de l’employeur dans :
resteraient beaucoup plus généreuse avec un reste à charge de 15 % dans les secteurs protégés et nul dans la seconde catégorie.
Le tableau ci-dessous synthétise les indemnités et allocations successivement versées et projetées.
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Activité partielle avant la covid-19 |
Activité partielle de crise |
Activité partielle de droit commun projetée |
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Indemnité versée par l’employeur aux salariés |
70 % du salaire horaire brut Plancher : Smic net |
Du 1er mars au 31 mai |
Du 1er juin au 31 octobre |
A partir 1er novembre |
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70% du salaire horaire brut Plancher : montant horaire de 8,03 € |
60% du salaire horaire brut (Maintien à 70 % dans les secteurs « protégés ») Plancher : montant horaire de 8,03€ Plafond : montant horaire de 27,41€ |
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Indemnisation perçue par l’employeur |
- 7,74 € pour les entreprise de 1 à 250 salariés - 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés |
Du 1er mars au 31 mai |
Du 1er juin au 31 octobre |
Du 1er novembre au 31 décembre |
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100% du coût 70 % du salaire Plancher : 8,03€ Plafond : 31,97€ |
85% du coût 60 % du salaire Plancher : 8,03€ Plafond : 27,41€ |
60% du coût 36 % du salaire Plancher : 7,23€ Plafond : 27,41€ |
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Indemnisation perçue par l’employeur dans les secteurs les plus impactés |
Du 1er mars au 31 octobre |
Du 1er novembre au 31 décembre |
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100% du coût Plancher : 8,03€ Plafond : 31,97€ |
85% du coût Plancher : 8,03€ Plafond : 27,41€ |
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Indemnisation perçue par l’employeur accueillant du public et contrainte de fermer |
100% du coût Plancher : 8,03€ Plafond : 31,97€ |
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Durée de l’autorisation administrative |
6 mois renouvelable |
12 mois renouvelable |
3 mois renouvelable dans la limite de 6 mois sur une période de 12 mois (6 mois en cas de sinistre ou d’intempéries à caractère exceptionnel) |
La comparaison entre le dispositif spécifique d’activité partielle et le futur dispositif d’activité partielle de droit commun plaide largement en faveur du recours au premier.
Cette incitation est renforcée dans le projet de Décret puisqu’il prévoit la suppression de la réduction, à compter du 1er octobre prochain, de l’allocation versée à l’employeur (passage de 60 % à 56 % du salaire brut).
Comme le démontre le tableau ci-dessous, tant le salarié que l’employeur sont mieux indemnisés dans le cadre de ce dispositif.
Activité partielle de droit commun projetée |
Dispositif spécifique d’activité partielle |
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Indemnité versée par l’employeur aux salariés |
60% du salaire horaire brut Plancher : montant horaire de 8,03€ Plafond : montant horaire de 27,41€ |
70% du salaire horaire brut Plancher : montant horaire de 8,03 € |
Indemnisation perçue par l’employeur |
60% du coût 36 % du salaire Plancher : 7,23€ Plafond : 27,41€ |
85% du coût 60 % du salaire Plancher : 7,23€ Plafond : 27,41€ |
Durée de l’autorisation administrative |
3 mois renouvelable dans la limite de 6 mois sur une période de 12 mois (6 mois en cas de sinistre ou d’intempéries à caractère exceptionnel) |
6 mois renouvelable dans la limite de 24 mois au cours d’une période de 36 mois |
Présenté comme un bouclier anti-licenciement économique par le Gouvernement, le recours au dispositif spécifique d’activité partielle est-il incompatible avec la mise en œuvre d’un PSE ?
Les dispositions réglementaires ne prévoient une telle incompatibilité que dans une hypothèse particulière et à la discrétion de l’administration.
Une incompatibilité de principe ne pourrait dès lors résulter que des stipulations d’un accord de branche ou d’entreprise.
Il résulte, en effet, des dispositions du Décret du 28 juillet 2020 (décret n°2020-926) que :
Cette possibilité est subordonnée au fait que l’engagement de maintien de l’emploi devant être pris dans l’acte permettant de recourir à ce dispositif ait été limité, par exemple, à certains établissements, le PSE ciblant un ou plusieurs autres établissements
L’employeur doit rembourser les sommes perçues pour chaque salarié placé en activité partielle spécifique qui ferait l’objet d’une rupture de contrat pour motif économique.
De même, si la rupture du contrat pour motif économique concerne un salarié qui n’a pas bénéficié du dispositif mais qui était concerné par la garantie d’emploi, l’employeur est, en principe, tenue de verser une « pénalité » (1 x montant total des allocations perçues / nombre de salariés placés en activité partielle spécifique).
Le projet de décret transmis aux partenaires sociaux viserait à limiter ces obligations de remboursement aux licenciements économiques stricto sensu.
La réglementation ajoute que ces remboursements peuvent être réduits et même évités s’ils sont incompatibles avec la situation économique et financière de l'établissement, de l'entreprise ou du groupe.
Un ajout du 15 septembre 2020 au projet de Décret permet d’illustrer cette incompatibilité. Il prévoit un cas de dispense de remboursement « si les perspectives d’activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l’accord collectif ou le document [unilatéral] de l’employeur ».
Dans cette seconde hypothèse, il n’y aurait, ainsi, pas de réelle incompatibilité entre PSE et dispositif spécifique d’activité partielle, l’employeur encourant simplement le risque de devoir rembourser les allocations perçues à due concurrence des licenciements économiques prononcés.
Ce risque mesuré de remboursements invite, toutefois, à s’interroger sur l’opportunité de la mise en œuvre concomitante d’un PSE et du dispositif spécifique d’activité partielle.
Cette compatibilité pourrait cesser à la discrétion de l’administration, celle-ci pouvant décider d’interrompre le versement de l'allocation lorsqu'elle constate que les engagements de maintien de l’emploi ne sont pas respectés alors que les perspectives d’activité ne se sont pas dégradées.
Quels seraient les critères de choix de l’administration entre :
Il apparait essentiel que l’administration précise sa doctrine sur ces points afin de permettre aux employeurs de connaître leurs marges de négociation.
Ces incertitudes sont un frein au recours au dispositif spécifique d’activité partielle pour les entreprises contraintes de réduire leurs effectifs.