En 2015, la Cour de cassation a instauré une présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle dans des situations d’inégalité de traitement entre catégories professionnelles (Cass. soc., 27 janvier 2015 n°13-14.773).
Cette présomption a, par la suite, été appliquée pour des différences de traitement entre salariés :
Par un arrêt du 9 octobre 2019, la Cour de cassation a statué sur l’applicabilité de cette même présomption transposée à une situation de discrimination.
Une salariée avait droit à deux gratifications en application d’un accord collectif.
Cependant, compte tenu de la modification des dispositions conventionnelles relatives aux modalités de versement, la salariée n’était plus éligible qu’à une seule des deux gratifications contrairement aux salariés les plus jeunes.
S’estimant de ce fait moins bien traitée du fait de son âge, la salariée a saisi la juridiction prud’homale pour dénoncer le caractère discriminatoire de cet accord collectif.
Pour s’opposer à cette demande, l’employeur a opposé à la salariée le principe de présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle et a été suivi par la Cour d’appel qui a, sur ce fondement, débouté la salariée de ses demandes.
La Cour de cassation a jugé que dès lors qu’un salarié conteste, sur le fondement d’un motif discriminatoire, la validité d’une disposition conventionnelle il y avait lieu d’écarter le régime probatoire applicable en matière d’inégalité de traitement qui, pour rappel, est le suivant :
Ce faisant, la Haute juridiction a, sans juger si les faits litigieux constituaient ou non une discrimination, censuré la Cour d’appel qui avait appliqué les règles susvisées.
En cas de contestation des dispositions d’un accord collectif fondée sur l’existence alléguée d’une discrimination, il reviendra aux juges du fond d’appliquer le régime probatoire applicable en la matière.
En l’espèce, c’est la Cour d’appel de renvoi qui sera chargée de mettre en œuvre ce régime probatoire lequel est plus favorable pour le salarié que celui de l’inégalité de traitement visé ci-avant.
En conséquence, s’agissant d’un motif de discrimination, les juges devront :
D’un point de vue strictement juridique, cette position se comprend puisque les notions de discrimination et d’inégalité de traitement sont autonomes l’une de l’autre et sont traitées différemment par le législateur et par la jurisprudence.
En effet, il convient de rappeler qu’une discrimination est une différence de traitement entre des personnes ou des groupes de personnes qui repose sur un motif rendu illicite par la loi alors qu’une inégalité de traitement n’est motivée par aucun critère illicite.
D’ailleurs, la Cour de cassation avait déjà adopté cette solution dans un arrêt inédit impliquant le même accord collectif et dont la problématique était similaire à celle ayant donné lieu au présent arrêt (Cass. soc., 3 octobre 2018 n°17-15.936).
Néanmoins, d’un point de vue pratique, cet arrêt risque d’avoir pour effet de multiplier les contestations portant sur la validité des accords collectifs par les salariés qui, pour tenter de contourner la présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle, pourraient déplacer le débat du terrain de l’inégalité de traitement vers celui la discrimination.