Les ordonnances dites « Macron » ont modifié l’article L.1235-3 du Code du Travail en instituant une indemnité minimale et maximale devant être octroyée au salarié dont le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, au regard de son ancienneté et de l’effectif de l’entreprise.
Le nouvel article L.1235-3 du Code du travail s’applique pour tous les licenciements notifiés dès le 24 septembre 2017.
Saisi de la question, le Conseil constitutionnel a reconnu conformes à la Constitution, les dispositions de l’article susvisé, ces dernières ne méconnaissant, selon lui, « pas la garantie des droits ni aucune autre exigence constitutionnelle » (Décision n° 2018-761 DC, 21 mars 2018).
Toutefois, quatre décisions ont été rendues, à ce jour, par des Conseils de Prud’hommes, écartant l’application de cet article au travers de motivations discordantes.
Dans ces quatre affaires, la motivation retenue par le Conseil de Prud’hommes en vue d’écarter l’application des minima et maxima de l’article L.1235-3 du Code du Travail est particulièrement hétérogène.
Ainsi :
Plus surprenant encore, alors même qu’aucune des parties n’avaient soulevé l’application de l’article L.1235-3 du Code du travail, le salarié ayant été licencié en 2014 en l’espèce, le Conseil de Prud’hommes de Lyon a, de lui-même, écarté l’application de l’article susvisé et fait prévaloir « la nécessité d’une indemnisation intégrale des préjudices subis par le Salarié », Au surplus, le Salarié disposait d’une ancienneté de moins de 2 ans et l’ancien article L.1235-5 du Code du Travail, applicable à la présente instance, disposait que le salarié pouvait prétendre à « une indemnité correspondant au préjudice subi ». (CPH Lyon, 07/01/2019, RG 15/01398).
Le Conseil de Prud’hommes de Lyon pouvait donc s’abstenir de tels développements.
Au-delà de la motivation, distincte selon chaque affaire, il est particulièrement intéressant de relever les différences en matière d’indemnisation du préjudice.
En effet, sur les quatre décisions rendues, trois d’entre elles accordent une indemnisation conforme ou proche des plancher et plafond de l’article L. 1235-3 du Code du travail.
Juridiction |
Ancienneté |
Indemnité octroyée |
Barème Macron |
CPH de Troyes – Jugement du 13 décembre 2018, RG n°18/00036 |
2 ans et 11 mois |
9 mois |
3-3,5 mois |
CPH de Lyon- Jugement du 21 décembre 2018 RG n°18/01238 |
Moins de 2 ans selon le CPH |
3 mois |
1-2 mois |
CPH d’Amiens- Jugement du 19 décembre 2018, RG n°18/00040 |
1 an et 8 mois |
1,5 mois |
1-2 mois |
CPH de Lyon- Jugement du 7 janvier 2019 RG n°15/01398 |
1 an |
2,5 mois |
1-2 mois |
En conclusion, ce qui pouvait être au départ identifié comme une décision isolée de la part du Conseil de prud’hommes de Troyes pourrait conduire de nombreux conseils de prud’hommes à retenir cet argumentaire.
A notre connaissance, seul le Conseil de Prud’hommes du Mans a jugé que les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du Travail n’étaient pas contraires à l’article 10 de la convention OIT n°158.
Le Syndicat des Avocats de France a indiqué de son côté développer systématiquement dans les dossiers qu’il représente les arguments précités afin de faire écarter l’application des plancher et plafond de l’’article L. 1235-3 du Code du travail.
Les décisions de Cours d’appel puis de la Cour de cassation sont donc très attendues.