En l’espèce, des salariés de la Société exploitant le service Vélib’ Métropolitain s’étaient mis en grève à compter du 17 avril 2018, bloquant les sites permettant notamment la régulation, la maintenance et le nettoyage des vélos.
La Société avait saisi le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris pour que soit constaté un trouble manifestement illicite, notamment au motif que les salariés grévistes n’avaient pas respecté les dispositions des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail encadrant l’exercice du droit de grève s’appliquant notamment aux personnels des entreprises privées chargées de la gestion d’un service public.
Il convient de rappeler que ces dispositions s’appliquent quelles que soient les modalités de la dévolution de service public et les modalités de rémunération de l’entreprise (Cass. soc., 9 octobre 2012, n° 11-21,508 ; CE, 4 décembre 2013, n° 361669).
Ainsi, lorsque l’activité de l’entreprise entre dans le champ des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail, un préavis de grève doit obligatoirement être notifié à l’employeur cinq jours francs préalablement au déclenchement de la grève, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Ce préavis doit contenir (art. L. 2512-2 du Code du travail):
Une fois le préavis déposé, les parties ont l’obligation de négocier.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « la grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis est illégale » (Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 05-40,663).
Dans les faits d’espèce, la Société faisait valoir que le dispositif Vélib’ Métropole avait été qualifié à plusieurs reprises de service public :
La Société soutenait que dès lors que son activité constituait un service public, elle entrait dans le champ d’application des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail. Le fait qu’aucun préavis de grève n’ait été déposé dans les délais impartis devait donc conduire le TGI à qualifier la grève de mouvement illicite.
De leur côté, les salariés assignés soutenaient que :
Le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit aux demandes de la Société.
Il rappelle d’abord qu’une délégation de service public peut se définir comme un contrat conclu entre une collectivité territoriale et un opérateur économique dont l’objet est de confier à ce dernier l’exploitation commerciale d’un service public, avec transfert au délégataire du risque afférent aux conditions économiques, stratégiques et financières de cette exploitation dans des conditions suffisamment significatives.
Le TGI constate qu’en l’occurrence, ce critère de transfert d’un risque d’exploitation commerciale d’un service public de vélos en libre-service par une collectivité territoriale auprès d’un délégataire est effectivement existant, ce qui exclut donc la qualification de simple marché public et induit la qualification de délégation de puissance publique.
Par ailleurs, le fait que les salariés grévistes n’aient jamais eu à déposer, chez leur précédent employeur, de préavis de grève, est sans incidence du fait du changement d’employeur.
Pour le TGI, il apparaît donc suffisamment manifeste que l’activité Vélib’ Métropole constitue une activité relevant d’une mission de service public et qu’il existe ainsi un trouble manifestement illicite du fait que les dispositions légales encadrant l’exercice du droit de grève dans les services publics, comprenant notamment l’obligation du préavis de grève, n’aient pas été préalablement mises en œuvre par les initiateurs de la grève.
Cette décision est applicable à tous les opérateurs économiques privés exerçant une délégation de service publique : la grève mise en œuvre sans que les dispositions de l’article L. 2512-2 du Code du travail n’aient été respectées constitue un trouble manifestement illicite devant être cessé.
Le Cabinet Actance se félicite d’avoir participé à l’obtention de cette décision.