Par deux arrêts du 9 décembre 2020, la Cour de cassation a pour la première fois posé le principe selon lequel des contrats d’une durée inférieure à la semaine, parce que leur durée était nécessairement inférieure à la durée légale du travail, devaient respecter le formalisme imposé aux contrats de travail à temps partiel (Soc, 9 décembre 2020, n°19-16.138 et 19-20.319).
Dans les deux espèces, les salariés avaient saisi la juridiction prud’homale pour demander la requalification de leurs contrats à durée déterminée d’usage conclus pour une durée inférieure à la semaine, et réclamer des rappels de salaire correspondants aux périodes interstitielles non travaillées.
Sur le fondement d’une part des articles L3121-1, L3121-10 et L3123-14 du code du travail (dans leur ancienne rédaction) définissant le temps partiel et précisant les formalités du contrat de travail à temps partiel (soit l’inscription au contrat de la durée du travail et la répartition de cette durée), et d’autre part de la directive européenne 97/81/CE du 15 décembre 1997, la Cour de cassation retient que :
En jugeant ainsi, la Cour de cassation, juge du droit, fait une application stricte de la définition du temps partiel qui est celui inférieur à la durée légale du travail, sans considération pratique des situations qui imposent le recours aux contrats à durée déterminée d’usage.
Ces décisions laissent songeur tant elles apparaissent incompatibles avec les nécessités pratiques imposées par de nombreux secteurs d’activité.
En effet, le principe dégagé par la Cour de cassation a vocation à s’appliquer dans les secteurs où il est d’usage de recourir aux contrats courts.
Ces secteurs, au premier rang desquels l’hôtellerie restauration, sont ceux qui sont contraints par des besoins de flexibilité, liés notamment aux comportements de consommation.
S’il entre dans les pouvoirs du juge d’interpréter la loi, n’est-il pas également de son devoir de le faire ? et notamment au regard d’une nécessaire compatibilité du droit avec la réalité économique du monde du travail ?
Les arrêts de la Cour de cassation nous confrontent donc à la contradiction suivante :
L’objectif de simplification du droit apparaît ici encore comme une douce utopie.
Un des moyens au pourvoi dans la première espèce, et le motif retenu par l’arrêt de la Cour d’appel dans la seconde espèce, s’appuyait justement sur les dispositions de l’article L3123-6 du code du travail pour soutenir que, ces dernières ne se référant qu’à la durée hebdomadaire ou mensuelle, elles ne s’appliquaient pas aux contrats conclus pour une durée inférieure à la semaine (CDD d’usage principalement).
La motivation de la Cour de cassation pour rejeter cet argument est lacunaire et ne se fonde que sur la définition stricte du temps partiel.
Les conséquences de la solution adoptée par la Cour de cassation ne sont pas négligeables puisque le salarié bénéficiera d’une présomption de travail à temps plein.
Certes, cette présomption peut être renversée par l’employeur s’il prouve :
Si le salarié est recruté dans le cadre d’un contrat d’un ou deux jours, la requalification en temps complet lui donnera droit à des rappels de salaire sur la base de 35 heures travaillées.
En revanche, si le salarié a conclu des contrats courts successifs, l’enjeu tient également à la rémunération des périodes interstitielles que le salarié pourra obtenir s’il prouve qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur.
Lorsque l’on sait qu’entre 2000 et 2017 le recours aux contrats de moins d’un mois a plus que doublé dans le secteur de l’hôtellerie-restauration et que les contrats de moins d’une semaine représentent environ la moitié des contrats à durée déterminée d’usage conclus[1], la Cour de cassation a ouvert la porte à la possibilité d’un important contentieux.
[1] Données officielles du gouvernement pour l’année 2014