RSE : La nouvelle « déclaration de performance extra-financière »

28/07/2017
Une nouvelle étape vient d’être franchie en matière de RSE : les obligations en la matière viennent d’être élargies à la fois dans leur contenu et dans leur champ d’application. Le dispositif RSE vient d’être modifié par l’ordonnance du 19 juillet 2017 (ordonnance n°2017-1180) qui transpose la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014. Cette ordonnance est applicable aux rapports de gestion afférents aux exercices ouverts à compter du 1er août 2017. Le rapport de responsabilité sociale des entreprises est désormais remplacé par la « déclaration de performance extra-financière ».

1.  Les entreprises concernées

Les entreprises concernées sont les suivantes :

  • Les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou sociétés dites cotées (article L. 225-102-1 du code de commerce), ce qui vise les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés européennes (article L. 229-8 du code de commerce) ;
  • Les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, ou sociétés dites non cotées (article L. 225-102-1 du code de commerce) ;

 Sous réserve qu’elles dépassent les seuils suivants :

  • Pour les sociétés cotées : le projet de décret abaisse les seuils actuels, applicables à toutes les sociétés, et prévoit dans son article 2 que sont concernées les sociétés dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 500 salariés, avec un total de bilan dépassant 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros;
  • Pour les sociétés non cotées, les seuils restent inchangés (voir article R. 225-104 actuel du code de commerce) : le projet de décret prévoit dans son article 2 que sont concernées les sociétés dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 500 salariés, avec un total de bilan ou de chiffre d’affaires net supérieur à 100 millions d’euros.

Sont également visés par cette obligation, conformément à l’ordonnance du 19 juillet 2017 :

  • Sous réserve de remplir les conditions de seuils prévues pour les sociétés cotées :
    • Les établissements de crédit qui revêtent la forme sociale de société anonyme, de société en commandite par actions, de société à responsabilité limitée ou de société par actions simplifiée ainsi que les sociétés de financement, entreprises d'investissement, entreprises mères de sociétés de financement et sociétés financières holding qui revêtent l'une de ces formes sociales et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé (article L. 511-35 du code monétaire et financier) ;
    • Les entreprises d’assurance et de réassurance qui revêtent la forme de société anonyme (article L.310-1-1-1 du code des assurance).
  • Sous réserve de remplir les conditions de seuils prévues pour les sociétés non cotées :
    • Les établissements de crédit qui ne revêtent pas l'une des formes sociales susvisées ainsi que les sociétés de financement, entreprises d'investissement, entreprises mères de sociétés de financement et sociétés financières holding dont les titres ne sont pas admis à la négociation sur un marché réglementé (article L. 511-35 du code monétaire et financier) ;
    • Les sociétés mutuelles d’assurance(article L. 310-1-1-1 du code des assurance) ;
    • Les institutions de prévoyance et leurs unions (article L. 931-7-3 du code de la sécurité sociale) ;
    • Les mutuelles ou leurs unions (article 114-17 du code de la mutualité).

 

Précisons que les articles 4 et 5 du projet d’ordonnance qui entendaient élargir cette obligation aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés par action simplifiée n’ont pas été maintenus.

Enfin, les filiales sont exemptées de toute obligation de publication dès lors que les informations les concernant sont publiées par la société qui les contrôle de façon consolidée.

L’article L. 225-102-1 du code de commerce dispose que les sociétés cotées et non cotées qui établissent des comptes consolidés conformément à l'article L. 233-16 du même code sont tenues de publier une déclaration consolidée de performance extra-financière lorsque le total du bilan ou du chiffre d'affaires et le nombre de salariés de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de consolidation excèdent les seuils prévus pour les sociétés cotées.

Lorsque la société établit une déclaration consolidée de performance extra-financière, les informations doivent porter sur l'ensemble des entreprises incluses dans le périmètre de consolidation.

Enfin, cet article précise que les sociétés cotées et non cotées qui sont sous le contrôle d'une société qui les inclut dans ses comptes consolidés ne sont pas tenues de publier de déclaration sur la performance extra-financière si la société qui les contrôle est établie en France et publie une déclaration consolidée sur la performance extra-financière, ou si la société qui les contrôle est établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne et publie une telle déclaration en application de la législation dont elle relève.

 

2.  Le contenu

En termes de contenu, un décret d’application de l’ordonnance, dont le projet a fait l’objet d’une enquête publique clôturée le 1er mars dernier, devrait prochainement être publié.

Il tient compte de l’apport significatif de la loi Travail du 8 août 2016 qui, dans son article 37, a enrichi le rapport RSE en matière sociale en obligeant les entreprises concernées à insérer dans ledit rapport un « état des accords collectifs conclus dans l'entreprise et de leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés ».

Ainsi, le contenu de la déclaration en matière sociale serait désormais le suivant :

Social :

  1. a) Emploi :
  • l'effectif total et la répartition des salariés par sexe, par âge et par zone géographique ;
  • les embauches et les licenciements ;
  • les rémunérations et leur évolution ;

 

b) Organisation du travail :

  • l'organisation du temps de travail ;
  • l’absentéisme ;

 

 c) Santé et sécurité :

  • les conditions de santé et de sécurité au travail ;
  • les accidents du travail, notamment leur fréquence et leur gravité, ainsi que les maladies professionnelles ;

 

d) Relations sociales :

  • l'organisation du dialogue social, notamment les procédures d'information et de consultation du personnel et de négociation avec celui-ci ;
  • le bilan des accords collectifs, notamment en matière de santé et de sécurité au travail ;

 

e) Formation :

  • les politiques mises en œuvre en matière de formation, notamment en matière de protection de l’environnement ;
  • le nombre total d'heures de formation ;

 

Les dispositions relatives à l’égalité de traitement seraient quant à elles déplacées de la partie « social » (actuellement « informations sociales ») vers la partie « sociétal » :

 

Sociétal :

a) égalité de traitement :

  • les mesures prises en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ;
  • les mesures prises en faveur de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées ;
  • la politique de lutte contre les discriminations ;

 

b) engagements sociétaux en faveur du développement durable :

  • l’impact de l’activité de la société en matière d’emploi et de développement local ;

 

Actions en faveur des droits de l’Homme :

a) promotion et respect des stipulations des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail relatives :

  • au respect de la liberté d’association et du droit de la négociation collective ;
  • à l’élimination des discriminations en matière d’emploi et de profession ;
  • à l’élimination du travail forcé ou obligatoire ;
  • à l’abolition effective du travail des enfants ;

 

Ce contenu concernerait désormais aussi bien les sociétés cotées que les sociétés non cotées, dès lors qu’elles entrent dans le champ d’application présenté au I.

En effet, le projet de décret d’application de l’ordonnance du 19 juillet 2017 met fin à cette distinction et fusionne l’ensemble des informations devant être publiées par les sociétés

La question se pose néanmoins de savoir si cette unification de sera maintenue dans la version définitive du décret dans la mesure où l’article L. 225-102-1 du code de commerce susvisé issu de l’ordonnance du 19 juillet 2017 prévoit que seules les sociétés cotées présentent des informations sur le respect des droits de l’homme et la lutte contre la corruption. Précisons que le projet d’ordonnance imposait cette obligation à toutes les sociétés, qu’elles soient cotées ou non, et que ce point a donc été modifié dans la version définitive de l’ordonnance.

 

3.  Le principe de matérialité et le principe « comply or explain »

L’article R. 225-105 du code de commerce tel qu’il résulte du projet de décret d’application introduit un principe dit de « matérialité » qui oblige les entreprises à adapter l’information dans chacun des thèmes susvisés à la réalité de leur activité.

Dans le projet de décret, les obligations des entreprises sont largement renforcées puisque la déclaration sur la performance non financière devra présenter le modèle commercial de la société et identifier, pour chaque catégorie d’information susmentionnée, les risques significatifs suscités par l’activité de la société, y compris, lorsque cela s’avère pertinent et proportionné, les risques créés par ses relations d’affaires, ses produits ou ses services.

La déclaration devra également présenter, pour chacun de ces risques :

  • une description des politiques appliquées par l’entreprise incluant, le cas échéant, les procédures de diligence raisonnable mises en œuvre pour prévenir, identifier et atténuer la survenance des risques ;
  • les résultats de ces politiques, incluant des indicateurs clefs de performance.

Enfin, l’article R. 225-105 du code de commerce tel qu’il résulte du projet de décret d’application met en œuvre le principe dit « comply or explain » (« appliquer ou expliquer ») en précisant que lorsque la société n’applique pas de politique en ce qui concerne un ou plusieurs de ces risques, la déclaration doit comprendre une explication claire et motivée des raisons le justifiant.

 

4.  Une absence de sanction, mais…

Les textes ne prévoient toujours pas de sanction pour non-respect des dispositions exposées ci-dessus.

Néanmoins, l’article L. 225-102-1 du code de commerce dispose désormais que lorsque le rapport de gestion ne comporte pas la déclaration de performance extra-financière, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre, le cas échéant sous astreinte, au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de communiquer les informations qui doivent y figurer. Lorsqu'il est fait droit à la demande, l'astreinte et les frais de procédure sont à la charge, individuellement ou solidairement selon le cas, des administrateurs ou des membres du directoire.

 

5.  Les destinataires des informations extra-financières

Au-delà de la présence, au sein de la BDES, des informations en matière environnementale contenues dans la déclaration de performance extra-financière, il importe de noter qu’en vertu de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, les informations extra-financières susvisées doivent désormais faire l'objet d'une publication librement accessible sur le site internet de la société.

L’article R. 225-105-1 du code de commerce tel qu’il résulte du projet de décret d’application précise à ce titre que, sans préjudice des obligations de publicité applicable au rapport de gestion, la déclaration devra être mise à disposition du public sur le site internet de la société dans un délai de 8 mois à compter de la clôture de l’exercice, et pendant une durée de 5 années.

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