La chambre sociale de la Cour de cassation vient de préciser que la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail stipulée dans l’accord transactionnel, ne rend pas irrecevable, lorsque le contrat de travail se poursuit, une demande du salarié afférente aux conditions d’exécution du contrat de travail postérieures à la conclusion de la transaction (Cass. Soc., 16 oct. 2019, n° 18-18.287).
Les faits de l’espèce étaient les suivants :
Les magistrats relèvent que l’objet originel du litige éteint par la transaction est distinct des demandes actuelles de la salariée. Cependant, la transaction ayant un objet plus large que les simples revendications originelles de la salariée, au titre des concessions réciproques, cette dernière a renoncé aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail.
Afin de fonder cette décision, les magistrats s’appuient sur les arrêts rendus par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 4 juillet 1997 (n°93-43-375) et par la chambre sociale les 5 novembre 2014 et 11 janvier 2017 (n° 13-18.984 ; n° 15-20.040) qui ont retenu une interprétation extensive de l'objet de la transaction, jugeant qu'il n'y a pas lieu de s'en tenir au seul litige originel.
En effet, les arrêts précités ont retenu que lorsque, dans le cadre d’une transaction, un salarié renonce à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient à l’encontre de l’employeur relatives tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat, la renonciation a une portée générale et toute action en justice devient irrecevable.
Elle considère que la stipulation dans une transaction d’une renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail, ne rend pas irrecevable, lorsque le contrat de travail se poursuit, une demande du salarié afférente aux conditions d’exécution du contrat de travail postérieures à la conclusion de la transaction.
Cette position est somme toute logique puisque, l’exécution du contrat de travail se poursuivant après la signature de la transaction, la salariée ne doit pas être privée de toute possibilité d’agir si d’autres litiges surviennent postérieurement à la signature de la transaction.
Cette solution est à rapprocher de celle déjà admise pour les transactions conclues en cours d’instance. Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, une transaction conclue en cours d'instance produit les mêmes effets qu'un jugement sur le fond mais n'interdit toutefois pas d'engager par la suite une nouvelle procédure portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s'est révélé postérieurement à la transaction (Cass. soc. 13 juin 2012, n° 10-26.857 ; Cass. soc. 20 févr. 2019, n°17-21.626).
L’arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2019 fixe ainsi la portée de la clause de renonciation à tout recours inscrite dans un protocole transactionnel en fonction de la date de survenance du litige entre les parties :
Lorsqu'un salarié et un employeur ont, au sujet d'un litige précis, conclu une transaction aux termes de laquelle le premier renonce à toute réclamation relative tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail, la renonciation du salarié a une portée générale et vise, au-delà du litige qui en est à l'origine, toutes les conséquences de la rupture du contrat de travail.
Ainsi, le salarié n’est plus recevable à saisir une juridiction d'une demande ultérieure en lien avec l'exécution ou la rupture du contrat pour des faits survenus au cours de la période d’exécution du contrat de travail antérieure à la conclusion de la transaction.
A titre d’exemple, dans un arrêt du 30 mai 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que la demande ultérieure du salarié de retraite supplémentaire devant prendre effet plusieurs années après la rupture du contrat, ne peut remettre en cause une transaction dès lors que la clause de renonciation a été rédigée en termes généraux (Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-25.426. Dans le même sens : Cass. soc., 11 janv. 2017, n° 15-20.040, concernant une demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété lié à l’exposition à l'amiante).
Lorsque la relation contractuelle se poursuit postérieurement à une transaction, une demande du salarié afférente à ses conditions d’exécution postérieures à la conclusion de la transaction est recevable malgré la stipulation d’une renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail.
Par conséquent, la clause de renonciation, même si elle est très large, ne fera pas obstacle à une demande d’indemnisation ultérieure pour des faits survenus postérieurement à la conclusion de la transaction et qui sont liés à l’exécution d’un contrat qui s’est poursuivi.