Un syndicat est irrecevable à agir en justice afin de revendiquer le transfert des contrats de travail dans le cadre des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail

14/09/2017
Un syndicat dispose-t-il, sur le fondement de l’article L. 1224-1 du Code du travail, du droit d’exercer seul une action en justice en vue d’obtenir le transfert des contrats de travail ? Dans un arrêt du 12 juillet 2017 relatif à une reprise de marché (Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-10.460), la Cour de cassation a répondu par la négative et jugé irrecevable l’action du syndicat.

En l’espèce, à l’occasion d’un transfert d’entreprise dans le cadre d’une reprise de marché, le prestataire entrant refuse de reprendre la totalité des contrats de travail des salariés, affectés à ce marché, de l’entreprise sortante.

Un syndicat saisit alors seul le Tribunal de Grande Instance, aux fins :

  • de faire juger applicables les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail ;
  • et d’obtenir la reprise des contrats de travail litigieux par le nouveau prestataire.

Les juges du fond ont considéré caractérisée la violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail portant atteinte à l’intérêt collectif des salariés concernés et déclaré recevable l’action du syndicat au visa de l’article L. 2132-3 du Code du travail (Cour d'appel de Paris, 12 novembre 2015, n° 15/12613).

La chambre sociale de la Cour de cassation décide de casser cet arrêt en adoptant un raisonnement en deux temps :

  • la violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, l’intervention de ce dernier au côté du salarié à l’occasion d’un litige portant sur l’applicabilité de ce texte est recevable ;
  • l’action en revendication du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié.

Une telle solution n’est pas surprenante, au regard des décisions rendues antérieurement par la Cour de cassation en matière de recevabilité des actions des syndicats. 

 

1.Atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat

Il est constant que l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat lui permet d’exercer, seul, une action collective (C. trav., art. L. 2132-3).

Tel est le cas lorsqu’un syndicat demande en référé les mesures de remise en état destinées à mettre fin à un trouble manifestement illicite affectant l’intérêt collectif de la profession, résultant par exemple d’un « défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires » (Cass. soc., 24 juin 2008, n° 07-11.411).

De la même manière, a été jugée recevable l’action d’un syndicat revendiquant l’exécution d’un accord collectif de travail, « son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession » (Cass. soc., 11 juin 2013, n° 12-12.818).

Au cas particulier des litiges portant sur l’applicabilité de l’article L. 1224-1 du Code du travail, la jurisprudence en a déduit que l’intervention d’un syndicat aux côtés des salariés concernés par un transfert de contrats de travail était recevable (Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.109 ; Cass. soc., 11 septembre 2012, n° 11-22.014).

 

2.L’action visant à obtenir un transfert du contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne des salariés

Le raisonnement adopté par la Cour de cassation ne laisse place à aucune interprétation : les droits inhérents à la personne des salariés ne permettent pas aux syndicats d’exercer une action de substitution (i.e. à la place des salariés), mais seulement une action accessoire à celle des salariés.

Il est en effet de jurisprudence constante que l’action d’un syndicat en défense de droits inhérents aux salariés, dont la violation ne cause aucun préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, est irrecevable.

A titre d’exemples, la Cour de cassation a pu juger irrecevable l’action des syndicats portant sur des droits exclusivement attachés à la personne des salariés dans le cas :

  • D’une action intentée pour des faits de viols et harcèlement sexuel perpétrés sur le lieu de travail du salarié et par son supérieur hiérarchique (Cass. soc, 23 janvier 2002, n° 01-83.559) ;
  • D’une action en reconnaissance d’un contrat de travail (Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 05-16.492) ;
  • D’une action en contestation du transfert d’un contrat de travail (Cass. soc., 11 septembre 2012, n° 11-22.014 ; Cass. soc., 9 mars 2016, n° 14-11.837).

Ainsi, le principe selon lequel l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié est loin d’être inédit.

 Il n’est à cet égard pas inintéressant de souligner que l’irrecevabilité de l’action en justice, résultant de ce principe, ne s’applique pas uniquement aux syndicats, et doit s’étendre aux actions en justice du comité d’entreprise, lequel n’a qualité à agir que lorsque ses intérêts propres sont en cause (s’agissant d’une action en contestation du transfert des contrats de travail, opposant le comité d’entreprise de la Société Henkel France et la SAS Henkel France : TGI Nanterre, 10 juin 2016, n° 16/1349 ; CA Versailles, 22 décembre 2016, n° 16/04740).

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